Chapitre 12
Adèle était là, sur son lit, relisant sans cesse les courts passages où l'existence des trois rivières était mentionnée.
Elle n'avait rien appris. Absolument rien.
C'était sans espoir... Ce n'était qu'une légende, à laquelle elle s'était attachée, dans l'espoir, un jour, d'aller mieux.
Elle reposa les livres sur sa table de chevet, avant de s'écrouler sur son lit. Il fit quelques remous inquiétants sous son dos, mais elle n'y tint pas garde.
Les aiguilles de son réveil pointaient un parfait dix heures.
Et personne ne semblait encore réveillé.
Chacun voulait rester dans son cocon, après le repas d'hier soir. Et c'était tout à fait compréhensible.
« Tu es réveillée ? »
Adèle releva la tête, et vit Benjamin, encore en pyjama, traînant sa peluche favorite avec lui.
La jeune fille se redressa en tailleur :
« Oui, oui.
— J'ai faim... Pourquoi personne n'est réveillé ? »
Le petit garçon s'approcha du lit de sa grande sœur, et posa ses petites mains rebondies sur les draps.
Adèle haussa les épaules.
« Tout le monde est fatigué, je pense.
— Tu crois que Nadia est encore en colère ? Et maman aussi ? »
Adèle haussa de nouveau les épaules.
Nadia, c'était fort probable. Quant à leur mère...
Un bon sommeil suffisait à balayer toutes ses pensées et opinions. Elle pouvait se coucher, gaie comme un pinçon, pour se réveiller, terriblement en colère.
Son trait lunatique avait le don de l'effrayer. D'autant plus qu'il était particulièrement présent ces derniers mois.
« Nadia a mal dormi je crois, se remémora Adèle. Elle ne risque pas de se lever tout de suite. »
Benjamin hocha la tête.
« Pourquoi elles se sont disputées ? demanda t-il, se hissant sur le lit. Je n'ai pas compris... »
Adèle sentit son cœur s'étouffer dans sa poitrine.
Dois-je réellement lui expliquer ?
Mais comment lui expliquer ?
Elle observa longuement son petit-frère, ses yeux bruns, son petit nez enfantin, ses grands yeux ouverts.
Finalement, elle expliqua :
« Elles se sont disputées sur un désaccord. Voilà. »
Critiquer n'est pas opposé à aimer, très chère.
Et voilà que la voix pointilleuse de Nadia venait résonner dans son esprit.
Critiquer n'est pas opposé à aimer. Tu parles.
Hier soir, ce n'était clairement pas des regards d'amour que s'envoyaient Karine et Nadia.
Non, c'était plutôt des regards de haine, ce genre de regards qui poignardent l'âme, transpercent l'esprit, et gravent la mémoire.
Des armes infiniment puissantes contre le mental.
« Quand est-ce qu'on retourne à la maison, Adèle ? »
Là, cette fois, Adèle ne mentit point.
Elle laissa échapper d'une voix brisée :
« Je ne sais pas. »
***
Mamie Jeanne s'était levée.
Les derniers épisodes ne semblaient plus l'affecter, et elle se déplaçait gaiment dans sa cuisine, de placard en placard, posant çà et là des assiettes et des bols sur la table.
« Vous êtes réveillés, mes trésors ? fit-elle, apercevant Adèle et Benjamin entrer dans la cuisine. Vous êtes de bonne heure !
— J'ai faim ! répondit Benjamin en toute explication.
— Mais oui, Ben, tu as faim. Adèle, peux-tu le poser dans sa chaise haute ? (Adèle acquiesça, s'emparant de son petit-frère dans ses bras.) Que veux-tu manger, Ben ?
— Des tartines ! » s'exclama ce dernier.
Jeanne rit devant son enthousiasme, et s'empressa de poser quelques tranches de pain dans le toasteur.
« Nadia n'est pas réveillée ? s'étonna Jeanne, tandis qu'une douce et chaude odeur de pain grillé remontait dans la cuisine.
— Je ne crois pas, répondit Adèle. Je l'ai croisée, et elle était exténuée. Elle m'a dit qu'elle avait mal dormi, et qu'elle allait se recoucher. »
Jeanne fit une moue :
« Elle peut : elle est en vacances... »
Cette phrase était si lourde de sous-entendu qu'Adèle baissa le nez, et s'attabla en silence devant son assiette vide.
Jeanne ne fit aucune autre remarque, et revint à sa cuisine.
« Alors, qu'allez-vous faire aujourd'hui ? » demanda t-elle.
Adèle n'était pas sûre que Nadia voulait faire quoi que ce soit.
Et elle non plus, d'ailleurs.
Néanmoins, elle répondit :
« Je pense qu'on va aller se promener dans les champs.
— Faites attention, surtout !
— À quoi donc ? »
Jeanne se détourna, et se mit à compter sur ses doigts usés :
« Aux bêtes, aux agriculteurs, à ne pas vous perdre, à ne pas faire de mauvaises rencontres... »
Adèle haussa les épaules.
« Ça ne nous est jamais arrivé.
— Mais ça peut toujours arriver !
— Bon, j'ai faim ! » coupa Benjamin.
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