Le mariage de Narcissa
Je suis prête depuis près d'une demi-heure et je n'ai rien d'autre à faire que les cent pas dans ma chambre. Mon ancienne chambre, ma chambre d'enfant, dans laquelle je dors depuis quelques jours, pour aider Mère à préparer le mariage.
Mais ce matin, le jour critique, il n'y a plus rien à faire. Narcissa est dans sa chambre avec Mère pour se faire belle ; Père s'est enfermé dans son bureau pour « se recueillir », et nous avons interdiction formelle de le déranger ; Rodolphus n'est pas encore arrivé, alors je ne peux pas me distraire avec lui ; même l'armée d'elfes de maison, dans la cuisine, fait son travail, et je n'ai pas à leur crier après.
En désespoir de cause, je sors dans le couloir silencieux et traverse celui-ci vers la porte fermée de la chambre de ma sœur cadette. J'entre sans frapper, comme à mon habitude, et la surprends devant son miroir en jupon, sa longue robe vert pâle encore étendue sur son lit.
— Toujours pas prête, Dromeda ?
Elle me foudroie du regard dans le miroir. Elle n'a jamais aimé ce surnom dont je l'affuble depuis qu'elle est toute petite.
— Je ne vois pas pourquoi je suis étonnée, en même temps, je continue. Tu es toujours en retard sur tout. La dernière des Black à l'école, la dernière à quitter la maison, la dernière à te marier.
Elle ne dit rien, continuant à épingler avec soin ses longs cheveux bruns, mais je vois que ses doigts se sont raidis, que ses lèvres se sont serrées. Je souris.
— Narcissa et moi, avec Lucius et Rodolphus, on rehausse le nom des Black. Lestrange, Malefoy. Ce sont des familles avec lesquelles il fait bon d'être associé. Pas comme Tonks, je crache. Il serait temps que tu comprennes ta place dans la société.
Andromeda ne prononce toujours pas un mot. Cela fait des années qu'elle a appris à ignorer mes insultes, à ne pas répondre à mes piques, à ne pas tomber dans mes pièges. Ce qui ne m'empêche pas d'en poser. Je n'ai pas besoin de réponse pour m'amuser à faire du mal ; il me suffit amplement de voir le rouge lui monter aux joues, son dos se crisper, ses yeux me foudroyer dans le miroir.
Elle finit d'épingler ses lourdes boucles, libérant son visage en forme de cœur – le même visage que le mien, dit tout le monde qui nous voit côte à côte, mais plus doux, plus rond, plus faible –, et s'empare de la robe sur son lit. Je m'approche d'elle pendant qu'elle la glisse par-dessus sa tête, la longue jupe se déroulant avec un frémissement jusque ses orteils. Je continue ma diatribe en m'emparant des rubans de son corset.
— Tu as encore le temps de revenir sur le droit chemin, tu sais, dis-je en laçant. Jette ce né-Moldu sur le bas-côté, là où il mérite d'être. Tu auras quelques réparations à faire, ta réputation de Black à reconstruire, mais je suis sûre qu'un homme de bon nom et de bon sang finira bien par vouloir de toi. Tu es peut-être un peu stupide, mais tu n'es pas moche.
Je tire sur les rubans, un peu trop fort, souriant quand j'entends tout son souffle quitter sa poitrine.
— Mère est prête à te donner une deuxième chance, continué-je. Je ne comprends pas trop pourquoi ; si j'étais à sa place et que ma fille me faisait le même coup que toi, je la jetterais dehors sans un sou plus vite qu'elle ne pourrait dire « sang pur ». Mais toi, tu as une porte ouverte pour revenir parmi nous. Oublie Tonks, oublie ta folie d'adolescence, et prends-la.
Je tire et je tire, mais je n'arrive pas à fermer le corset. Je fronce les sourcils.
— Tu as grossi, Dromeda ? Il ne manquerait plus que ça...
Et après tout ce que je viens de lui dire, c'est ce commentaire sur son apparence qui la fait réagir. Elle fait volte-face vers moi si rapidement que ses boucles volent autour de son visage. Ses yeux lancent des éclairs et elle fait un pas vers moi.
— Sors de ma chambre, Bellatrix, siffle-t-elle.
J'esquisse un sourire en coin, amusée.
— J'imagine que ça ne te dérange pas de prendre du poids. Tu as déjà prouvé que tu n'as ni standards ni contrôle.
— VA-T-EN !
Je cille, surprise malgré moi. Narcissa crie quand je l'énerve, mais Andromeda, jamais. Depuis son plus jeune âge, elle est la patience incarnée – la raison pour laquelle elle est si souvent ma victime : c'est un vrai défi de tirer d'elle une réaction.
Elle est toujours tournée vers moi, les yeux plissés, les joues rougies et les rubans de son corset détaché lui pendant dans le dos. Ses poings sont serrés à ses côtés, et je sens que si je continue à pousser, elle va exploser. Ordinairement, cela ne m'arrêterait pas, mais aujourd'hui, Narcissa me tuerait si je faisais quelque chose pour déranger sa journée. Alors je hausse une épaule, ne me défaisant pas de mon petit sourire.
— Je dois aller vérifier quelque chose dans la cuisine, de toute manière.
Je sors de la chambre d'un port altier, la tête haute, sans me presser. Aussitôt ai-je passé le pas de la porte que celle-ci claque derrière moi, résonnant dans le couloir vide et faisant voleter le bas de ma jupe autour de mes jambes.
Je prends une inspiration, puis éclate de rire en m'éloignant de la chambre de ma sœur. Certaines choses ne changeront jamais.
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