Le départ d'Andromeda
C'est samedi soir, et c'est le dîner traditionnel chez mes parents. C'est la première fois que Lucius et moi y assistons en tant que mari et femme, que ce sont trois couples mariés qui se rejoignent autour de la table. Mais aussi la première fois que celle-ci est déséquilibrée, qu'une chaise est vide.
À la tête de la table est assis mon père, comme toujours sévère est sérieux dans son costume noir. À sa droite, ma mère, Bellatrix à sa gauche. Je suis assise à côté de ma mère, en face du mari de Bellatrix et à droite du mien.
Et à côté de Rodolphus, la chaise vide, celle qui aurait dû être occupée par Andromeda. Qui ne le sera probablement plus jamais.
Bellatrix suit mon regard et, un sourire narquois sur les lèvres, semble lire dans mon esprit les pensées qui me turlupinent.
— Ne me dis pas que cette traîtresse à son sang te manque.
Je sursaute. Bellatrix a toujours su appuyer là où ça fait le plus mal. Parce que oui, Andromeda me manque. Elle est une traîtresse, oui, elle n'aurait jamais dû faire ce qu'elle a fait avec ce bon à rien de Sang-de-bourbe. Mais elle reste ma grande sœur que j'ai toujours aimée. Contrairement à Sirius, qui s'est montré réfractaire au sang des Black dès son entrée à Poudlard, Andy était à Serpentard avec nous, partageait nos amis, nos envies, nos valeurs.
Du moins, croyait-on.
— Peut-être changera-t-elle d'avis, dis-je, en y croyant de moins en moins. Ça ne fait qu'une semaine qu'elle est partie, elle pourrait encore revenir.
Bellatrix renifle.
— Encore faudrait-il qu'on accepte de la reprendre parmi nous. N'est pas Black qui veut.
Je me mords la langue pour ne pas lui faire remarquer que je ne suis plus une Black, pas plus qu'elle. Depuis quelques semaines, je suis une Malefoy. Elle est une Lestrange. Nous avons d'autres noms à porter avec fierté maintenant.
— Elle reste notre sœur, dis-je un peu sèchement. Quoi qu'elle fasse.
— Si tu le dis...
Je la regarde, les yeux plissés, ne comprenant pas le sens de ses dernières paroles. Sous la table, Lucius me pose une main sur la cuisse et serre les doigts. Pour me réconforter, ou m'avertir de ne pas continuer sur cette voie ? Face à moi, Rodolphus s'examine soigneusement les ongles, faisant comme si la discussion lui passait au-dessus de la tête. Mes parents, quant à eux, évitent mon regard quand je me tourne vers eux.
Je ramène donc mon regard vers Bellatrix, qui me regarde avec une étincelle dans les yeux. Soudain, les miens s'élargissent et je me lève brusquement. Je jette ma serviette sur mon assiette encore vide et sors à toute vitesse de la salle à manger. Derrière moi, j'entends ma sœur aînée éclater de rire.
— Ça y est, elle a compris !
Je grimpe un étage aussi rapidement que le permettent mes talons, traverse le palier et entre dans la bibliothèque. Entre deux étagères, face à la fenêtre, l'arbre généalogique prend toute la place. Il est identique à celui qui se trouve chez notre tante Walburga, y est lié par magie. Ce qui arrive à l'un arrive à l'autre. Quand elle a décidé de rayer Sirius du sien, le lendemain matin, il avait disparu du nôtre aussi.
À ce moment, devant notre toile généalogique, je ne mets pas longtemps à repérer ce qui a changé. Mes parents sont à leur endroit habituel, au centre. Dessous, trois branches. L'une pour Bellatrix la brune, une autre pour Narcissa la blonde. Mais la troisième, celle du milieu, ne mène plus qu'à un rond calciné. Je lève la main à ma bouche, choquée.
— Père l'a fait ce matin, dit une voix derrière moi.
Je me retourne vers Bellatrix, les larmes aux yeux et les poings serrés à mes côtés.
— Comment as-tu pu, Bella ? C'est notre sœur ! Elle n'a rien fait de mal, rien de plus que tomber amoureuse de la mauvaise personne !
— Et tu trouves que c'est rien, ça ?
Bellatrix s'avance vers moi, ses yeux sombres lançant des éclairs. Il n'y a plus d'amusement dans son visage, plus de trace de sourire sur ses lèvres.
— Nous sommes des Black, une famille au sang plus pur que pur, aux valeurs nobles et au passé riche. Nous avons une réputation, un nom, à maintenir. Nous avons toujours réfléchi avec notre tête, pas avec notre cœur, et c'est comme cela que nous sommes arrivés là où nous sommes aujourd'hui. Sirius et Andromeda n'ont jamais compris ce principe, ils ont préféré traîner leur nom et leur famille dans la boue plutôt que de le porter fièrement. Nous ne pouvons pas le leur enlever, ce nom, mais la famille, elle, peut être retirée.
Ma sœur s'approche de la tapisserie, pose un doigt sur le trou qui était Sirius, puis là où était Andromeda, et enfin, tout doucement, sur moi.
— J'espère que toi, tu ne perdras jamais de vue les bonnes valeurs, dit-elle. Je détesterais avoir à faire un troisième trou dans notre génération.
Sur ce, elle fait volte-face et sort de la bibliothèque.
— Nous ne t'attendons pas pour manger, appelle-t-elle avant de redescendre. Dépêche-toi ou le potage va être froid.
Mes poings sont serrés tellement fort que mes ongles ont creusé des demi-lunes dans mes paumes. Je tourne les yeux vers l'endroit où était Andy sur la tapisserie. Je vois encore son visage, ses grands yeux bleus, ses cheveux remontés en chignon. J'aimerais avoir été née avec son courage, cette capacité de toujours dire ce qu'elle pensait, faire ce qu'elle voulait, et au diable les conséquences. Je souris un peu en m'imaginant ce qu'elle me répondrait, si elle était ici : « Tu es toi, Cissy, n'essaie pas d'être ce que tu ne peux pas être. »
Alors après une grande inspiration, je retourne au rez-de-chaussée, à la salle à manger. La discussion en cours ne s'interrompt pas à mon arrivée, Bellatrix ne lève pas les yeux quand je m'assieds. Personne ne fait allusion à mon départ de table, mais Lucius me lance un regard interrogateur. Je hoche la tête avec un petit sourire, pour le rassurer.
Rien n'a changé.
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