Toute folie s'éteint quand le cœur d'Hoseok cesse de battre. Il ne reste que la douleur sourde. Je suis couvert du sang de Troie et je suis vide, terriblement vide. Je ne reconnais pas les visages qui me scrutent, qui cherchent. Ils veulent voir le monstre que les dieux ont fait de moi, ou le courage, la force peut-être. Les abrutis.

Le sang d'Hoseok est rouge comme le mien. Nul d'entre nous n'est fait d'ichor. Et ma mort est proche, à présent.

Ils érigent un bûcher funéraire pour leur prince. Il n'y a pas de victoire, aucune joie ni satisfaction. Rien que le destin qui se joue, tellement plus grand que nous. La fumée vient jusque nous, sur le rivage de cette mer si large. Yoongi cherche mon regard. Jungkook l'imite, je ne vois que lui. Je sais ce qu'ils me demandent. Mon corps tremble. Il ne m'a jamais trahi. Mes mains laissent tomber les armes d'Héphaïstos.

Le feu sans châleur déchire la nuit sans lune, Artémis s'est retirée avec pudeur. Elle nous laisse la noirceur des heures sombres. Jungkook me lance un de ses sourires penchés, tendre, avant de s'éloigner vers la mer.

"Je t'attends"

Et j'arrive.

Chaque jour qui passe peut être le dernier. Jungkook m'attend. Un instant, je pense à Orphée qui de sa lyre a charmé le chien des enfers. Un instant, je pense à l'imiter, à réussir là où il a échoué. Un instant seulement. Les dieux ont fait don à Orphée de sa voix pour qu'il les charme, ils m'ont donné une lance et une épée. Je suis leur arme.

Cette guerre sans fin continue de les faire tomber. J'attends celui qui m'atteindra, sans relâche.

En haut des remparts, Jimin sent la grande main de son père sur son épaule. Il est son dernier fils. Les dieux lui ont tout pris. Il désire se venger d'eux plus que de moi quand il m'indique à son fils. Jimin tend la corde de son arc. Sa flèche se plante dans mon talon, le seul endroit que mon père a réussi à sauver du Styx où m'a plongé ma mère.

La souffrance est si brève.

"J'arrive."

L'Achéron s'étend devant moi, lent, cruel et tendre. Les autres sont des soldats, mais il n'y a plus de nations. Chacun donne à Charon l'obole. Mon cœur a cessé de battre et je suis calme.

"J'arrive."

Les juges m'accordent les Champs-Elysées. Hoseok est sur la rive, les yeux rivés sur le Léthé. Il m'offre un sourire que je ne mérite pas. D'un geste du menton, il m'indique une autre direction.

"Je suis là."

Jungkook lève la tête à mon approche. Il est tellement plus jeune que lorsqu'il m'a quitté, débarrassé du poids de la guerre, du poids du destin. Je lui rends l'amour qu'il m'a laissé et il sourit sans pudeur.

Le temps s'est arrêté à nouveau.