Prologue.

Trahison ou loyauté ?

Trahir sa famille pour assouvir ses désirs, son amour ? Ou trahir cet amour pour garder sa famille ?

Rester loyal envers ses frères pour assouvir une vengeance ? Ou rester loyal envers la seule femme qui n'a jamais autant compté pour soi, par égoïsme ?

Tant de mensonges.

Nous avions mis trop de nous en l'autre. Trop au point de perdre de vue l'origine de notre alliance. Au point de perdre de vue notre vengeance respective et nos secrets.

J'avais trahi, menti.

Et elle aussi.

Lise m'avait appelé en pleurs ce matin. Il fallait que je vienne aux urgences immédiatement, il était question d'Annabelle. Je n'eus pas le droit à plus d'informations. Alors j'ai obéi, la peur au ventre qu'il soit arrivé malheur à Annabelle. La peur au ventre qu'elle ait fait une bêtise. Le cœur en vadrouille, le sang battant trop vite à mes tempes, pour que je saisisse les coups de klaxons que les autres automobilistes m'envoyaient, quand je leur faisais des queues de poissons ou les doublais trop vite à leur goût. Ils ne se rendaient pas compte que pour moi c'était une urgence. Une véritable urgence.

Loyauté.

Lise m'avait intercepté dans le hall. Elle m'avait expliqué la situation et je découvrais que la situation n'était rien d'autre qu'une affreuse conséquence de notre plan fraternel. Que tout était de ma faute. Elle sanglotait que je n'étais qu'un sombre connard, qui ne pouvait pas se satisfaire du minimum. Que je ne supportais pas d'être rabaissé ou chahuté. Que je ne savais pas faire profil bas. J'avais tout foutu en l'air pour des conneries qui de toute façon se seraient résolues dans les semaines à venir.

Mais elle ne se rendait pas compte que c'était Maxime, lui même, qui a mis la barre haute pour "ces conneries". C'était lui qui avait foutu toute cette merde. Nous n'avions fait que lui répondre.

Loyauté.

J'ai demandé où se trouvait Annabelle. Elle était déjà devant la chambre. Elle attendait. Oui, elle attendait depuis 5 heures, devant une porte close.

Elle était assise dans le couloir de l'hôpital. Dans un état stoïque, la peau diaphane de son visage était si pâle que je pouvais voir ses veines à travers. Ses traits si tirés, rendaient son enveloppe vide de toute énergie, démunie et perdue.

Lise m'avait prévenu que notre petit jeu ne donnerait rien de bon.

Elle avait eu raison.

Annoncer à Maxime que nous connaissions leur secret aurait dû le calmer, l'obliger à se terrer et à fuir la queue entre les jambes. Et putain non ! C'était parti en live ! Et voilà le résultat. Nous n'avions rien pu faire, cela avait dégénéré avant même que nous puissions revenir en arrière. Tout cela aurait dû nous retomber dessus.

Mais c'était Annabelle, qui avait trinqué.

Et je m'en rendais compte, là, debout dans ce couloir à l'observer, comme extérieur à la scène. J'avais piétiné sa vie, ses rêves, son amour.

Trahison.

Je pourrais rester longtemps ainsi, à la regarder sombrer dans la douleur et la souffrance. Ne pas pouvoir franchir cette porte, qui la menait vers le seul qui ne l'avait jamais autant aimé. Oui aimé sans conditions. Mais il fallait que je lui explique où nous avions merdé. Il le fallait. Pour avoir bonne conscience, ou pour me rassurer que j'avais encore la moindre petite chance avec elle.

Je me rapprochais d'elle, mon cœur tambourine si fort que je n'entendais que lui. Je l'appelais :

- Annabelle ?

- Va-t-en ! souffla-t-elle sans bouger d'un centimètre. Elle ne prenait même pas la peine de tourner la tête, préférant fixer la porte close dont on lui refusait l'accès.

Trahison.

- Je suis tellement désolé...

- Fous le camp ! s'exclama-t-elle la mâchoire serrée.

Son buste se souleva plus vite, sa respiration devint saccadée et son teint plus coloré. Sa mâchoire se serra et se desserra à intervalles réguliers. La colère était là, il fallait qu'elle sorte. Pour me prouver qu'elle était vivante.

- Je te demande pardon. Je n'ai pas voulu que cela en arrive là.

Trahison.

Elle tourna la tête vers moi et me fusilla du regard. Cette haine dans ses yeux, je la redoutais et pourtant j'avais espéré qu'il n'y en aurait pas... Pour ça aussi je me trompais.

Bon dieu que je n'aimais pas son si beau visage déformé par la haine. Sa colère, je pouvais faire abstraction, composer avec, mais sa haine... Non. Parce que cela voulait tout dire.

Je l'avais perdue.

Trahison.

Il fallait que je lui explique de toute façon. Alors je m'approchais d'elle encore, sans la quitter des yeux. Elle fronça les sourcils, je crus voir de la panique, un court instant, puis cette colère revint et dévia vers la haine. Elle se leva en titubant, puis se rattrapa au mur. Quand elle reprit son équilibre, elle se redressa fière et me toisa.

- Il faut que je t'explique... commençai-je la tête lourde du sang qui battait mes tempes tandis que mes mains devinrent moites

Je n'avais pas vraiment le loisir de continuer ma phrase qu'elle se jeta sur moi. Ses poings serrés me frappèrent au visage d'une force telle que je basculais en arrière. Je réussis à me retenir à un chariot qui attendait là, en portant mon autre main au visage. Mais à peine m'étais-je redressé, qu'elle attaqua de nouveau.

- Tu vas foutre le camp bordel ! Dégage, espèce de cinglé ! Enfoiré ! Connard ! Tu ne crois pas en avoir assez fait ? Faut qu'en plus tu viennes pavaner ta gueule d'abruti ici ! Me narguer ! Espèce de salaud ! hurla-t-elle pleine de rage, agressive.

Elle me frappa avec force de ses poings, de ses pieds et je me laissais faire. Je la laissais me mettre à terre et se venger. Parce que je le méritais. Parce que cette douleur dans mon cœur était plus dure que celle portée par ses coups. Parce que j'étais fou d'elle et que j'étais prêt à tout pour elle. Comme cette putain de loyauté que je n'avais pas su saisir pour elle, mais uniquement pour mes frères.

A terre, son pied rencontra mes côtes puis mon nez et j'étouffai un cri. Ma tête rencontra le carrelage et des étoiles scintillèrent dans ma rétine. Je retins un hurlement, jusqu'à ce qu'on soustrait Annabelle. Elle hurlait des insultes et pleurait en même temps. Je roulais au sol, ma main collée sur mon visage pour tâter l'arrière de mon crâne, puis mon nez. Je pissais le sang.

Elle avait gagné. Sur mon corps perclus de bleus et d'os brisés. Elle avait gagné, parce que mon cœur se brisait en même temps que le sien. Elle voulait me faire mal comme autant de mal qu'elle avait reçu. Par ma faute.

Je me relevais difficilement et vis entre mes yeux larmoyants qu'elle se débattait de la prise de Gabin pour revenir me mettre en pièce.

- Laisse-là... je lui ordonnais.

Je voulais qu'elle me brise comme toute cette merde l'avais brisée. Je n'avais plus envie de me soustraire à sa haine, à sa souffrance. J'acceptais qu'elle soit mon bourreau, car pendant ce temps j'étais avec elle. Je souffrais avec elle.

Gabin me jeta un œil incrédule, puis obéit. Annabelle le repoussa, le visage baigné de larmes, rouge et défiguré par tant de douleur, de chagrin. Elle revint à la charge juste au moment où j'étais de nouveau debout. Je la serrais fort contre moi, pour la contrôler, pour la consoler. Parce que la sentir ainsi me donnait encore la chance d'être avec elle.

Ses coups furent moins forts, sa hargne à me frapper diminuait et ses cris se tarirent. Elle glissa dans mes bras qui la serraient pour qu'elle ne tombe pas. Pour qu'elle cesse de se faire mal. Le long de mon corps, elle se laissa tomber au sol, gémissante.

Elle aussi avait perdu.

- Tu-tu as... tout gâché... sanglotait-elle contre mon genoux.

Je me penchai vers elle, mais elle recula en me repoussant brusquement.

- Anna, je t'...

- Va-t-en ! Je ne veux plus te voir ! Plus jamais !

Elle recula encore sur les fesses jusqu'à se cogner contre les jambes de Gabin. Il l'aida à se relever et elle se tourna contre lui, son ami qui l'encercla dans ses bras. Il me jeta un regard inquiet.

Trahison ou loyauté ? L'éternelle question.

Dans les deux cas, j'avais perdu.

Tout perdu.




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