40. Annabelle.
Casey dormait paisiblement à côté de moi. Je l'avais observé un long moment pour détailler chaque ligne, chaque devers, chaque ombre qui formaient la beauté de son visage. Oui je l'avais toujours trouvé beau et prétentieux, arrogant et délicieux. Et la détestation que je lui vouais n'avait été que renforcée parce que je le désirais tout simplement. Comment aimer un homme qui vous ignorait mais qui vous vouait tout autant que vous une haine qui n'avait pas de raison ? Depuis nous avions trouvé un terrain d'entente pour déverser notre haine futile sur quelqu'un d'autre. Être sa complice est doublement plus intéressant que d'être son ennemie.
Je soupirais me levais discrètement pour aller chercher mes affaires de dessin. J'avais très envie d'utiliser le cadeau qu'il m'avait offert et le croquer sans son regard sur moi pour me déconcentrer.
Mes pensées se bousculaient dans ma tête depuis l'amour que nous avions fait. Mon cœur lourd n'avait su résister à la bonté et la prévenance de Casey. Tellement loin de l'époque où nous toisions d'agacement. Il avait tout fait pour que je sois bien, pour satisfaire mes désirs et me rendre heureuse. Il avait fait en sorte que mon plaisir passe en premier. Je n'avais jamais eu autant d'attention de la part de l'un de mes amants. Mais Casey n'était pas n'importe lequel de mes amants. C'était Casey Haymes, mon ennemi tant désiré.
Il avait accueilli mes larmes avec inquiétude et avait su me réconforter et rendre notre union comme un moment de douceur et de plaisir. Ce fut apaisement et un soulagement de le voir rester et non fuir devant ma réaction que je n'avais su contenir. Je ne l'en remercierai jamais assez. Et pourtant je culpabilisais de lui avoir montrer mes faiblesses une fois de plus. Je savais que j'étais forte, que je pouvais tenir devant la marée qui allait nous tomber dessus incessamment sous peu. Je ne devais pas me leurrer, Eva et Maxime ne resteront pas sans rien faire quand nous allions mettre en pâture notre couple.
— Qu'est-ce que tu fais ? me demanda sa voix endormie.
Je levais les yeux de mon carnet et le dévisageai.
— Ton portrait version Picasso. J'avoue que ce n'est pas trop difficile, tout chez toi est bancale, je lui répondis taquine.
Il se redressa, leva les yeux au ciel, pas dupe pour un sou et s'assit en se frottant le visage, les cheveux en bataille.
— Tu me fais voir ?
Je posai mes mines graphites et vins m'asseoir près de lui. Il me prit le carnet des mains avec douceur. Son visage s'éclaira instantanément.
— C'est très réussi.
— Merci, murmurai-je gênée et rougissante.
Entendre un compliment sur mon travail, sur ma passion me gonfla de joie, de fierté et de bonheur. Même si ce croquis restera dans mes travaux personnels et que personne d'autre ne le verra.
— J'aime beaucoup ton coup de crayon. Tu es vraiment talentueuse. Je ne comprends pas comment tes parents ne soient pas si fiers de toi à ce sujet.
Mentionner mes parents me provoqua une douleur à la poitrine. Un pincement sournois qui déversait son poison de malice sur leur véritable parenté. Du moins sur celle de ma prétendue mère.
Je baissai la tête et mon carnet apparut dans mon champ de vision.
— En tous les cas moi je suis en admiration devant ton talent, reprit Casey d'une voix mesurée.
Je levai les yeux sur lui et entre mes mèches de cheveux, je croisais son regard.
Il m'offrit un petit sourire amical.
— Merci pour le compliment. Ça me touche.
— Tu dis ça comme si on ne t'en offrait jamais ?
Je haussai les épaules tout en évitant ses yeux perçants.
— Lise ou Gabin, le font quand même ?
Je gardais toujours mes yeux loin des siens et avouais du bout des dents.
— Ces derniers mois n'ont pas été des plus simples pour eux. Je les ai plutôt bien gavé avec mes problèmes. Entre Max qui se prend pour le tout puissant et Eva qui lui prend presque la main pour se faire, j'avais besoin d'avoir une ou deux oreilles attentives. Ils l'ont été tous les deux, mais j'ai très vite atteint le haut de la jauge de leur tolérance.
— Peut-être que tu prends le problème à l'envers.
Intéressée, je reportai mon attention sur lui.
— Qu'est-ce que tu entends par problème à l'envers ?
— Et si tu en discutais avec ta mère, au lieu de demander une nouvelle fois de l'aide auprès de Lise, par exemple.
Je ricanai devant l'absurdité de la question et de la solution qu'il préconisait.
— Je ne vois pas comment régler ce problème franchement.
— Il y a toujours des solutions. Je peux t'aider si tu veux.
Je le toisai quelques secondes et il me prit la main.
— Merci c'est gentil mais j'aime autant le régler par mes propres moyens. Nous sommes déjà complices pour faire tomber Max de son piédestal.
Casey pressa ses doigts autour des miens et il se rapprocha de moi. Le drap glissa dévoilant sa plastique délicieuse qu'il ne prit même pas la peine de cacher.
— Si jamais tu changes d'avis, tu sais à qui t'adresser.
Je lui offris un petit sourire pour le remercier de sa sollicitude. Il tira sur ma main et m'obligea à me lever. Il se débarrassa de mon carnet et retira le crayon que je tenais encore entre mes doigts.
— J'ai très envie de te changer les idées. Tu es avec moi ? me demanda-t-il en m'attirant contre lui.
Nous basculâmes sur le lit et il referma ses bras autour de moi. Je n'arrivai même pas à cacher le sourire qui fleurissait sur mes lèvres. Bien sûr, que j'étais avec lui. A travers mon t-shirt trop long, je sentis toute la chaleur de son corps allongé sous le mien. Et surtout celle très heureuse de jouer avec moi. Je n'avais qu'une hâte, que ses mains gravissent ma peau sous la fine barrière de tissu qui nous séparait. Mais j'avais tout autant envie de dévorer la friandise qu'il représentait à mon désir quasi permanent quand je pensais à lui ou qu'il se trouvait dans les parages.
Je ne devais plus me mentir. Je devenais accro à lui, au regard qu'il posait sur moi, à sa voix, sa prévenance, à ses baisers, ses caresses et au sexe que nous partagions ensemble. Je ne comprenais pas d'ailleurs comment en si peu de temps j'avais basculé dans ce désir puissant d'être avec lui, que notre haine respectueuse avait filé en douce pour laisser place à une complicité que je n'aurais jamais imaginée.
Je posai mes lèvres sur le coin des siennes ignorant sciemment le baiser frivole qu'il attendait et je dégustais la saveur et le parfum séduisant de sa peau. Je longeai la ligne carrée de sa mâchoire et descendis sur sa jugulaire qui battait sous ma langue. Sa respiration me parvenait et frôlait mon oreille, faisant voler les fines mèches de mes cheveux, révélant un premier frisson exquis qui dévala ma colonne. Sur mes hanches, ses mains se crispèrent autour du tissu de mon t-shirt avant qu'elles ne s'engagent dans une exploration que j'espérais depuis que je m'étais allongée sur lui. Quand la pulpe de ses doigts effleurèrent enfin ma peau, toute la chaleur qu'elles renfermèrent se répercuta sur mon derme me procurant de nouveaux délicieux frissons décuplant mon excitation. Je calais mes cuisses autour de ses hanches et ses mains remontèrent sous mon vêtement pour approfondir ses caresses.
Je reculai afin de promener mes lèvres sur son torse que caressais, gravant dans ma mémoire la sensation du soyeux de sa peau, des vallons de sa poitrine musclée et de ses bras tendus par les caresses qu'il me prodiguait. Je lèchai sans vergogne ses tétons tendus et commençai à me frotter contre lui. Il émit un grognement que je pris pour un gémissement purement masculin de plaisir et me redressais pour l'observer.
Son regard voilé de désir accompagnait les lents et délectables va et vient que nous nous échinions à nous procurer l'un à l'autre. Je sentais déjà les prémices du plaisir s'installer au creux de mes reins et échauffer mes joues. Garder les yeux ouverts commençait à devenir difficile.
— Anna... Viens, souffla-t-il les mains sur mes hanches. Il accompagnait la danse dans l'espoir que je l'avale avant qu'il ne bascule de l'autre côté. Je glissai ma main entre mes cuisses, saisis son sexe et me glissai sur lui lentement. Je laissai échapper un long gémissement avant de me figer autour de lui.
— Putain... murmura-t-il sans me quitter des yeux.
A qui le disait-il !
Je retirai mon t-shirt et ses mains vinrent aussitôt empoigner mes seins. Il passa un main dans mon dos m'obligeant à me pencher vers lui. A portée de sa bouche, il lécha et mordilla chacun d'eux alors que je remontai le long de son sexe avec délicatesse. Il étouffa un râle contre mon sein et je redescendis aussi lentement que je pus. Il quitta enfin son nouvel ami pour plonger son regard dans le mien.
Il n'y avait pas besoin de mots pour comprendre toute la certitude du désir qui se déversait de ses yeux. J'augmentais la cadence et il papillonna des paupières aussitôt. Un souffle s'échappa de ses lèvres et il attira ma bouche contre la sienne pour me dévorer avec fièvre. Ce fut suffisant pour me faire perdre le fil et embarquer vers la houle du plaisir que je peinais à contenir. Mon cri de plaisir fut avalé par sa bouche et mon ventre se contracta sous ses coups de rein.
Nous avions convenu que nous passerions la journée ensemble et que Casey me présenterait à l'équipe de sa maison d'édition. Son assistante fut adorable avec moi. D'une grande serviabilité et un visage rayonnant. J'avais adoré son style plutôt glamour des années 50. Elle semblait complètement dévouée à son travail et à son patron. Une employée parfaite. D'ailleurs, Casey lui accordait toute l'attention nécessaire quand elle s'adressait à lui. Leur couple professionnel fonctionnait parfaitement. J'en éprouvais une certaine jalousie qui fut de courte durée quand je remarquai qu'il se comportait ainsi avec tout le monde. Il me présenta à grands renforts de compliments et j'avoue aimer me faire mousser.
J'eus la surprise de rencontrer l'autrice pour qui j'avais créé les visuels de couverture et nous passâmes un moment à discuter de son roman et de son appréciation au sujet des œuvres que j'avais effectuées pour elle.
A midi, Casey m'invita à déjeuner dans un restaurant sans prétention puis nous retournâmes à la maison d'édition pour suivre le processus des graphistes pour la mise en page de la couverture et du titre. Ce fut très intéressant pour ma part.
La journée fut parfaite. Casey avait tout fait pour me rendre les heures agréables. Ce qui me permit d'oublier un temps mes problèmes. Mais ils revinrent assez vite quand un appel téléphonique sur le trottoir brisa cette bulle. Ma mère, Eva. Je décrochai pour lui dire le fond de ma pensée. Après tout, elle n'était pas ma mère.
— Oui.
Ce fut froid et direct. Comme ça elle savait à quoi s'en tenir, après sa gifle il ne fallait pas qu'elle s'attende à ce que je rampe à ses pieds pour quémander son amour.
— Je peux savoir à quoi tu joues ? demanda-t-elle sans préambule.
— Étaye, s'il te plait, peut être que je pourrais te faire plaisir.
— Petite merdeuse ! s'emporta-t-elle à l'autre bout du fil. Maxime m'a appelé pour me dire que tu comptais prendre sa place. Depuis quand tu complotes pour l'évincer de la direction ?
Je restai sans voix. Voila à quoi il en était réduit. A se jeter dans les jupons de sa mère et pleurnicher en mentant. Bon sang, il était incroyable !
— Ton silence parle pour toi.
— Oh non, ne te réjouis pas si vite ! J'étais simplement en train de me dire combien de mensonges il était capable de te faire avaler avant que tu te rendes compte que le problème c'était lui et pas moi. Mais bon vu la quantité de merde que tu as dans les yeux, il me parait difficile que ce jour arrive.
— Petite garce ! Tu n'as aucune idée des sacrifices que j'ai dû faire pour arriver jusque là.
— Ben je dirais bien au meurtre, mais tu n'es pas assez bête pour te compromettre ainsi, je balançai amère.
Au bout du fil, sa respiration devint rapide et hachée. Ce qui m'inquiéta aussitôt.
— Maman ?
— Ne m'appelle plus comme ça !
Je sursautai à ses mots et sa voix pleine de hargne. Mon cœur me fit mal. Je savais qu'elle n'était pas ma vraie mère mais c'était elle qui m'avait élevé. Je ne pouvais même pas dire aimé car au regard de ma vie passée, peu de moments complices entre elle et moi ne me vinrent à l'esprit. Elle avait toujours été très distante, se contentant de faire bonne figure. Comme si se tenir à l'écart de toute démonstration d'amour ou d'affection allait briser les convenances. Il se trouvait donc que les mauvaises décisions de Max avaient eu raison de ses efforts. Elle semblait alors ne plus vouloir se cacher derrière un rôle qu'elle s'était elle-même imposé.
La messe était dite. Elle montrait son vrai visage en rejetant sa position de mère qu'elle a dû assumer durant toutes ces années en secret.
— Si tu t'approches de Maxime ou de l'entreprise, tu auras affaire à moi !
— Quoi ? Est-ce que tu me menaces ?
— Tu as très bien entendu. C'est à Max que Serge à remis les rênes de la maison d'édition pas à toi. Elle lui appartient à présent.
— Cette entreprise est encore à papa. En aucun cas il a cédé ses droits, sa succession ne sera validée quand il saura tenir correctement la maison. Ce qui n'est malheureusement loin d'être le cas. Donc, pour l'instant, il n'est que le stagiaire qui ne fait qu'accumuler les conneries. Alors apprends-lui donc la modestie et le goût du travail !
— Le problème c'est toi Annabelle. Sans toi et ta propension à faire du racolage chez le concurrent, rien de tout cela ne serait arrivé !
— Pardon ? Tu oublies assez vite que c'est Max qui est allé baiser l'assistante d'Ulysse Haymes ! Explique-moi à quel moment j'ai été faire ma raclure ?
— Tu devrais te méfier Annabelle. Je ne te laisserai pas salir la réputation de mon fils.
— Sois rassurée, il sait très bien le faire tout seul et saches que tes menaces ne me font pas peur.
— Tu devrais, crois moi.
Elle raccrocha et je considérai mon téléphone quelques secondes incrédule. Casey en face de moi n'avait eu de cesse de me scruter et son visage n'avait concédé qu'une seule émotion durant toute la conversation. L'interrogation.
— Est-ce que tout va bien ?
Je fourrais mon téléphone dans mon sac et m'empressai de demander à Casey :
— Il faut que j'aille voir mon père. Tout de suite. Tu peux m'emmener chez lui ?
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Eva vient de me menacer.
— Pardon ?
— Elle m'interdit d'approcher des éditions et de Max.
— Pour quelles raisons ?
Je le fixai, incapable de lui répondre concrètement.
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