36. Annabelle.


J'avais peu avancé sur mon travail. Toutes mes pensées divaguaient entre Casey et notre nuit intense et irréelle et ce sale con de Max.

Je chassais régulièrement les images de mon appel avec Max par celles de ma nuit sensationnelle avec Casey pour les chasser de nouveau et tenter vainement de me concentrer sur cette foutue page blanche.

J'avais quatre planches à faire et j'en étais à la cinquième reprise de la troisième. Il était seize heures et je n'arrivais strictement à rien. Et en plus j'avais un mal de crâne carabiné. Les mains sur les tempes, j'appuyai dessus dans l'espoir futile que cette fichue migraine s'en aille.

On toqua à ma porte et je me figeai. C'est pas que j'avais envie de voir du monde, j'hésitai à me lever et faire l'absente quand les coups se répétèrent plus insistants. Je laissai tomber mes mains et grognai d'agacement. Je m'extirpais de mon siège et allais ouvrir de mauvaise grâce.

Gabin, la tête des mauvais jours et un brin fâché, se tenait debout la main en l'air.

— Alors la morveuse, pas trop mal aux cheveux ?

— Et bien ça fait déjà une semaine, t'es long à la détente ! je râlai en m'effaçant pour le laisser entrer.

Il ne se fit pas prier et il ferma derrière lui.

— Qu'est-ce que tu veux, Gabe ? je demandai d'un ton las, même si je savais plus ou moins pourquoi il était là.

Il se retourna vers moi, les mains dans les poches et me toisa. Ses cheveux bien coiffés et sa tenue impeccable lui donnait un petit air de premier de la classe. Si ce n'est son petit pull tendu sur son torse qu'il soignait avec attention dans une salle de sport.

— Lise fait la gueule.

Son ton accusateur fut sans détour.

— Je suis au courant.

— Et tu comptes faire quoi à ce sujet ? s'inquiéta-t-il, le visage contrit.

— Je l'ai appelé et elle m'a envoyé sur les roses. Le fin mot de l'histoire est clair.

Je ne voyais pas quoi lui expliquer d'autre.

— Et t'excuser n'était pas dans tes cordes ?

Merde ils avaient sûrement dû en parler. Pourquoi il me cherchait des poux comme ça ? Il savait pertinemment ce qu'il en était entre sa sœur et moi.

— Elle a refusé mes excuses. Que veux-tu de plus ?

— On se demande bien pourquoi.

Je haussai un sourcil et posai mes mains sur les hanches :

— Si tu es venu pour me faire un procès, tu peux t'en aller.

Il ricana jaune et s'approcha de moi.

— Ecoute, je ne sais pas ce qu'il se passe chez toi, mais faut pas être aveugle pour voir que tu es mal dans ta peau depuis un paquet de temps. Et avec l'histoire de ton frère, ça n'a fait qu'empirer.

— Perspicace ! m'exclamai-je en le contournant. Je remuai la tête puis je m'éloignai de lui pour me planter devant la fenêtre.

— Anna...

— Non écoute, toi ! Tu n'as en effet aucune idée du merdier qu'est ma vie ! Et tu n'as pas l'once d'une idée de ce qui m'est tombé dessus récemment. Alors Lise pourra m'en vouloir d'être amère, de chier des pendules au sujet de ma mère et de mon frère, mais là... même ça ...ça ne vaut plus rien...

Les larmes envahirent mes yeux et se déversèrent sur mes joues en même temps que j'enroulais mes bras autour de moi.

— Anna... Je ne sais pas ce qu'il se passe à part cette foutue histoire avec Max. Tout ce bazar commence déjà à faire parler dans le milieu. Et il n'y a personne qui essaie de régler le problème.

— Je n'ai rien à voir dans cette histoire. J'ai demandé à papa de surveiller Max, de faire intervenir son bras droit. Que je veux que je fasse de plus ? Je n'ai pas voix au chapitre puisque j'ai refusé de reprendre les rennes.

— Et pourtant je vois combien ça te pèse.

— S'il n'y avait que ça... je murmurai en baissant la tête. Je fourrai mes mains dans mes manches et jouais avec mes doigts, perdue par cette conversation qui je savais n'allait pas me rendre justice.

— Parfois tu es si secrète et d'autre fois si volubile sur certains sujets qu'on ne sait jamais sur quel pied danser avec toi.

Je reniflai et essuyais mes yeux avec ma manche avant de serrer les paupières pour chasser l'eau qui s'était accumulée. Gabin s'approcha de quelques pas et je reculai d'autant.

— Parle moi Annabelle. Tu es mon amie et je n'aime pas l'état dans lequel tu es.

Je reniflai une nouvelle fois et essuyai rageusement mes larmes intarissables.

— T'es bien le seul.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? C'est au sujet des Haymes ?

Je secouai la tête et il reprit :

— A propos de Max ?

Je lui jetai un rapide coup d'œil et il se redressa comprenant qu'il chauffait rudement de la vérité.

— Si ce n'est pas au sujet des éditions et du paquet des merdes qu'il a laissées, c'est sûrement au sujet de ta famille ?

Je détournai la tête pour cacher mes nouvelles larmes.

— C'est grave ? C'est ton père ? Il est malade ?

— Non !

— Alors quoi ? Tu veux de l'aide, tu veux de notre soutien mais tu ne nous dis rien. Cela me parait difficile pour se faire, tu ne crois pas ?

— Tu devrais me soutenir sans avoir à tout connaître de l'histoire, m'exclamai-je en lui faisant face.

Il fut surpris et recula d'un pas. Mon mal de tête s'accentua et j'appuyai fort du talon de ma main sur ma temps pour me soulager.

— C'est un peu facile, non ? s'étonna-t-il vexé.

— Tu n'as aucune idée de la gravité du problème, j'ajoutai en le désignant de mon index, agacée et malheureuse qu'il cherche à connaître mon secret.

Gabin posa sur moi ses yeux bruns plein de douceur et vint poser sa main sur mon épaule.

— C'est pour ça que je voulais que tu m'aiguilles un peu.

Je laissai tomber mes mains et reniflai grossièrement.

— Tu ne sais pas ce que c'est de ne pas être aimé. D'être le mouton noir de la famille et d'endurer les brimades d'une mère qui ne l'est même pas.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

Je soupirai, énervée d'en avoir trop dit. Je le contournai et allais m'affaler dans le canapé en cachant de nouveau mes mains dans les manches trop longues.

— Papa m'a annoncé que ma mère, Eva, n'était pas ma vraie mère.

Il vint s'asseoir près de moi rapidement, tendu puis il se pencha vers moi et dit :

— Attends un peu ... Ta mère... Eva n'est pas ta mère ?

— Non seulement elle ne l'est pas et Max n'est pas non plus mon frère.

— Wouow ! C'est complètement dingue et insensé ! Comment ont-ils pu te cacher ça ?

Je fis la grimace et frottai mes cuisses de la paume de mes mains.

— Papa a épousé Eva quand elle était enceinte de Max. Enceinte d'un autre homme bien sûr.

— Et ta mère ? Je veux dire ta vraie mère ? Elle est où ? Tu la connais ?

— Elle a mis les voiles quand j'avais trois ans. Portée disparue... volontaire à ce qu'il parait.

Gabin resta un bon moment silencieux avant de lâcher :

— Et bien... C'est ce qui s'appelle du lourd.

J'essuyai mes yeux avec mes manches et pris une grande inspiration.

— Tu dois garder ça pour toi.

— Oui bien sûr.

— Tu comprends pourquoi quand je dis qu'Eva en a toujours après moi ? Pourquoi elle passe tout à Max ? Lui, il est son fils et moi je ne suis que la pièce rapportée encombrante dans sa famille parfaite.

— Et qui est le père de Maxime ?

Je haussai les épaules, incapable de lui donner une réponse.

— De ce que papa m'a dit, le premier mari d'Eva serait mort dans un accident de voiture la même année que la disparition de ma mère biologique.

Gabin me dévisageait avec de grands yeux tout en remuant la tête d'incrédulité.

— La vache... Pardon Anna. Je suis tellement désolé pour toi, fit il en m'attirant dans ses bras pour me consoler.

— Je me suis fâchée avec mon père à ce sujet et celui de la direction désastreuse des éditions par Max. Comment veux-tu que je reste impartiale quand tu comprends que cet abruti est en train de salir la réputation de la maison et de réduire à néant tout le travail que mon père à fait pour créer son entreprise. Il dit que je ne devrais même pas avoir mon mot à dire puisque j'ai refusé de reprendre les rennes. Mais je ne peux pas fermer les yeux sur ce qu'il est en train de se passer.

— Je suis d'accord avec toi. Il fait n'importe quoi.

—J'ai l'impression que papa se voile la face.

— Ton père est épuisé Annabelle. Je ne sais pas si tu as fait attention, mais ces derniers temps il a du mal à rester concentré. Max l'oblige régulièrement à rentrer chez lui. Peut-être profite-t-il de son absence.

Je relevai les yeux vers lui et me détachai lentement de ses bras.

— Qu'est-ce que tu essaies de me dire ?

— Je ne suis que son assistant, mais il serait peut être bon de faire intervenir le comptable.

Je me raidis et fronçais les sourcils. Si Gabin pensait qu'il y avait malversation, c'était donc pas une mauvaise idée d'avoir aussi proposé la même chose de mon côté à papa.

— Je lui ai dit la même chose mais il n'a pas apprécié. Je m'attends à un retour d'Eva. Max a eu le droit à une engueulade de ma part au téléphone mais bon je ne suis que la petite merdeuse qui fourre son nez dans ses affaires et qui emmerde le monde.

— Tu te rends compte que ce que tu viens de me révéler, c'est quand même pas rien. Il ne faudrait pas que ça s'ébruite, me prévint mon ami.

Je haussai les épaules et sortis de ses bras. Ce n'était pas que j'en avais rien a faire, mais si un jour cette histoire devait refaire surface, ce serait de façon inévitable. Je savais pas trop si je devais en tirer partie ou bien taire ce secret.

— Quand ma mère biologique a disparu, ça a fait la une des journaux à l'époque. Il y a eu une enquête de police durant quelques mois avant d'être classée.

— Ton père n'a peut-être pas besoin qu'on lui rappelle cette période difficile en ce moment, remarqua Gabin en prenant mes mains pour me soutenir et m'apaiser.

— Je sais et en même temps c'est lui qui m'a livré ce secret de famille. Je ne sais pas pourquoi il a attendu toutes ces années pour me révéler. Parce que la personne qui en pâtirait le plus ce serait... Eva.

Dans ma tête germa une hypothèse folle. Une hypothèse qui allait à l'encontre du bien et de la raison.

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