19. Casey


Le café chez les parents ne s'éternisa pas. J'avais fait bonne figure devant les autres, mais les mots de mon père tournèrent en boucle dans ma tête. Nous quittâmes tous les trois la maison familiales et je proposai à mes jumeaux de venir dîner à la maison. J'avais quelque chose à leur demander. Et même si Wade avait caché sa déception amoureuse avec Annabelle, il allait devoir creuser sur sa famille.

Dans la cour de la propriété familiale, je leur annonçai alors ce que papa m'avait sommé de faire. Le raisonnement par lequel cette prudence et recommandation en avait découlé.

— Donc si on creuse un peu sur Eva La Pierre, on aura de quoi tenir Maxime à notre merci ? demanda Hayden tout à coup très intéressé par la tournure que notre plan prenait.

— Tout dépendra de ce qu'on trouvera, évidemment, ajoutai-je pour calmer son excitation.

Wade nous observa de son air mystérieux, les mains enfouies dans les poches renifla.

— Quoi qu'on trouvera on l'utilisera, tu en es bien conscient ? m'interrogea Wade.

Son regard dénué d'amabilité, lui donnait un air carnassier et mauvais garçon. Enfin, il avait le physique du mauvais garçon avec ses cheveux rasé et ses tatouages. Mais il avec une certaine dangerosité.

— J'en suis conscient, je lui répond tout en sachant ce qu'il sous entendait.

Oui, quoi que nous allions trouver, Annabelle pâtira sans aucun doute de l'usage qu'on en ferra.

— Alors marché conclu. Je vous donne les infos dès que je les aies.

Et notre frère nous quitta dans sa splendide et rutilante voiture sans plus de cérémonie.

— Je ne sais pas ce qu'il a, mais il file un mauvais coton, remarqua Hayden d'un ton inquiet.

Je jetai un œil à mon jumeau, intéressé par son observation.

— Toi aussi, tu as remarqué qu'il avait changé ? demandai-je en me tournant vers lui.

Hayden hocha la tête et vint frotter sa barbe de trois jours d'un air pensif.

— Depuis que Max la Pierre a foutu la merde. Je dirais même, depuis que nous sommes venus dans le bureau de papa ces dernières semaines.

Je fus intrigué par sa remarque.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Hayden planta ses yeux dans les miens et fit une grimace :

— Je me demande si cela n'a pas de rapport avec ton assistante.

Je fronçai les sourcils étonné par sa réponse.

— Gabrielle ? Qu'est-ce qu'elle à avoir la dedans ?

— Si je le savais ? J'ai juste remarqué qu'il jetait beaucoup de coups d'œil sur elle quand on était là bas.

Je n'avais pas fait attention, trop préoccupé à gérer les retombées du fils La Pierre.

— Tu penses qu'il est intéressé par Gabrielle ?

Hayden haussa les épaules sans plus d'avis sur la question et sortit son téléphone au son de d'une notification.

— Je vais devoir te laisser. J'ai une cliente qui désire que je vienne jeter un œil sur un cabinet de curiosité dans l'appartement de sa grand-mère.

— Un futur chantier ?

— Un futur chantier, me répondit-il laconique.

Nous nous quittâmes d'un check et chacun repartit à ses occupations. Surtout avec des interrogations pour ma part.

Je n'avais pas posé les clefs sur la console, que mon portable se mit à sonner. Je l'extirpais de ma poche et le numéro d'Annabelle s'afficha sur l'écran. Je décrochai un sourire dans la voix, prêt à la rendre folle par mes taquineries.

— Von Teese ! Je te manque déjà on dirait !

— ...

Son silence m'étonna et je l'appelais :

— La Pierre ? Tu es là ?

— ... Oui.

— Tout va bien ?

Je l'entendis renifler de l'autre côté du fil et un murmure résonna dans mon oreille :

— Non...

Ce n'était pas un murmure mais un sanglot. Un geignement retentit et une grosse inquiétude transperça mon cœur.

— Annabelle, qu'est-ce qu'il se passe ?

Elle renifla une nouvelle fois souffla puis une plainte s'échappa de ses lèvres avant qu'elle ne me lâche :

— Pardon... c'était une erreur.

Elle raccrocha aussitôt ne me laissant même pas le temps d'ajouter un petit mot pour la rassurer. Je fixe mon téléphone incrédule puis raccrochai à mon tour. Je reconnaissais bien là, Annabelle La Pierre. Trop téméraire pour demander de l'aide et quand elle le faisait et qu'on lui tendait la main elle vous repoussait d'autant plus loin. Je compris alors ce qu'avait voulu dire Wade un peu plus tôt dans la journée.

Seulement, je n'allais certainement pas m'abaisser à la supplier de me parler. Même si je crevais d'envie de connaître ses problèmes.

Il était plus de trois heures du matin quand on tambourina à ma porte. Sur mes gardes, je vais jusqu'à la porte et jetai un œil dans le judas. Annabelle, le visage défait et fatigué attendait agacée. Rassurée que ce n'était pas des abrutis en train de faire les cons, je lui ouvris. Elle accrocha mon regard à la seconde où ils se croisèrent et elle lâcha d'un ton suppliant :

— Est-ce que je peux dormir chez toi ?

La question me prit au dépourvue et je restai muet quelques secondes.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Son regard épuisé et rouge et sa mine trop pâle étaient des indices clairs qu'elle n'allait pas bien. Elle semblait si petite dans son sweater dix fois trop grand pour elle. Elle tremblait et je vis briller des larmes aux bords de ses yeux.

— S'il te plaît Casey, m'implora-t-elle paniquée.

J'écartais la porte pour la laisser entrer et rempilais sur une autre question. J'avais envie de l'aider, mais elle ne me donnait aucune info qui me permettait de le faire. Je devais donc prendre partie du fait que, si elle dormait chez moi, on ajoutait du crédit à notre fausse relation, mais que si on regardait bien, rien dans nos comportements le laissait entendre.

Elle entra et s'immobilisa à quelques centimètres de moi. Elle n'osait pas aller plus loin.

— Est-ce que quelqu'un t'a fait du mal ?

Elle tressaillit et rentra sa tête entre les épaules. Mon sang ne fit qu'un tour et je me plantai devant elle. Son regard plein de larmes se fixa au mien puis elle battit des cils pour les chasser. Elle resta muette.

— Il va falloir que tu me parles Annabelle. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Elle secoua la tête et renifla en serrant fort les paupières. Puis contre toute attente elle vint se coller à moi et resserrer ses bras autour de mon buste. Je restai comme un idiot, les bras ballants, ne sachant comment réagir. Ce n'était pas de cette façon que je pensais, un jour, prendre Annabelle La Pierre dans mes bras. Je l'entendis sangloter et mon cœur se tordit dans ma poitrine. Bon sang voila que je me laissai attendrir par cette petite emmerdeuse. Petite emmerdeuse que j'avais bien envie de me faire et qui me rendait complètement faible chaque fois qu'elle était près de moi.

Sans pour autant poser mes bras autour d'elle pour la consoler, je lâchai :

— Écoute, il est trois heures du matin, je dois me lever tôt demain. Et t'avoir accrocher à moi comme une moule à son rocher, n'aidera ni l'un ni l'autre.

Elle hocha la tête contre mon buste et renifla de nouveau. Je lui laissai le temps de se reprendre avant de poser mes mains sur ses bras pour la faire reculer.

— C'est mon père, murmura-t-elle enfin.

On avançait enfin.

— Il t'a fait du mal ?

Elle se détacha de moi et cacha ses mains dans son sweat. Elle repoussa ses cheveux en désordre et frotta ses yeux rouges.

— Si révéler un secret de famille comme celui qu'il vient de me donner, est considéré comme tel, alors oui.

Je mourrais d'envie qu'elle m'offre la primeur de cette révélation, mais je ne voulais pas non plus l'accabler davantage.

— Je peux faire quelque chose pour toi ?

Elle haussa les épaules, passa le bout de ses doigts sous ses yeux puis essuya son nez avec la manche de son pull. Ce n'était pas très sexy, je devais bien le reconnaître. Mais l'état dans lequel était Annabelle, ne laissait aucune place à la moquerie et à tout autre genre de pensées. Elle était mal et je désirais véritablement l'aider à aller mieux.

Elle soupira et renifla encore. Elle leva les yeux au plafond dans l'espoir d'évacuer dignement les larmes qui cherchaient à sortir.

— Fais ton Casey Haymes. Appelle-moi Von Teese, taquine moi comme tu sais si bien le faire. Si cela pouvait me faire oublier ce secret merdique, dont je me serais bien passé.

Elle dit ça tout en fuyant mon regard. Ses joues changèrent de couleur et je remarquai que sa demande lui coûtait. Mais la voir si perdue et anéantie m'empêcha d'accéder à sa demande.

— Je suis désolé Annabelle, mais je n'ai pas le cœur à ça maintenant. Je suis fatigué et quoi que tu espères dans cette diversion, cela ne n'enlèvera pas ce que tu as appris de ta tête. Demain ce sera toujours là.

De nouvelles larmes débarquèrent puis dévalèrent ses joues. Merde.

— Tu devrais aller dormir maintenant.

Son regard s'alarma et je dus la rassurer aussitôt.

— J'ai une chambre d'ami. Viens.

Je l'enjoignis à me suivre jusqu'à la porte de la-dite chambre et l'ouvris pour lui permettre d'y entrer. Elle s'immobilisa sur le seuil et observa la pièce avec attention et réticence.

— Fais comme chez toi.

Elle fit un pas puis s'approcha prudemment du lit sur lequel elle s'assit lentement, comme de peur de froisser la couette soigneusement tirée. Je l'observai faire puis saisis la poignée de la porte pour la fermer derrière moi.

— Tu crois qu'une mère peut abandonner son enfant ?

La question me surprit et je n'eus aucune réponse à lui fournir.

— Pourquoi cette question ?

Elle posa sur moi des yeux humides et rouges. Son visage ne lui rendait pas justice dans cet état déplorable. Et tout à coup j'avais envie de venir la prendre dans mes bras pour la consoler.

— Ma mère ne m'aime pas. Elle a choisi de ne plus m'aimer, il y a longtemps... et préférer quelqu'un d'autre.

Je compris alors qu'elle faisait référence à l'esclandre que sa mère avait fait, à cause de sa tenue de la veille. Mais tout cela ne serait pas arrivé si son frère s'était contenté d'être clair et pro. Ce qui ne l'avait pas été.

— Si tu fais référence à ton frère, il est clair qu'elle lui passe pas mal de chose.

Elle secoua la tête, ouvrit la bouche pour dire quelque chose puis se ravisa aussitôt. J'attendis qu'elle poursuive mais rien ne vint.

— Il est temps de dormir.

Elle opina du chef et j'entrepris de fermer la porte.

— Merci Casey. Merci de m'avoir ouvert ta porte.

Je haussai des épaules et la rassurai.

— T'inquiètes. Endors toi. Demain sera un autre jour. Bonne nuit Annabelle.

Elle hocha la tête et je refermai la porte sur elle.

Allongé dans mon lit, je ne trouvais pas le sommeil. Savoir Annabelle chez moi à quelques mètres de moi, me trouble. Il ne pouvait rien se passer, son état émotionnel était trop perturbé. Mais peut être aurais-je dû m'allonger avec elle pour la consoler. Je soupirai, l'esprit rempli d'incertitude.

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