16. Annabelle
Après le départ de Casey, je m'étais longuement posée dans l'espoir de voir une autre issue que celle qu'il m'avait proposé. J'avais peut-être accepté trop vite son idée. Mais chaque fois que je repense à hier soir et à la catastrophe que son absence a engendré. Je me rassurais en me disant que le plan ne pouvait être plus simple. Cela n'engageait que des faux-semblants et d'aucune manière des sentiments profonds. Haymes me gonflait avec ses airs supérieurs mais il etait aussi intelligent et fin stratège. Je veux faire payer Max, c'est tout ce qui compte.
J'abandonnais mes réflexions et décidai de tâter la température chez mes parents. Pas sûr que ce fut la grande joie mais sait-on jamais que maman fusse de bonne humeur.
Je mis tout en œuvre pour avoir l'air la plus fraîche possible et éviter de donner des cartouches supplémentaires à ma mère.
Lorsque je débarquais chez eux, ils ne m'entendirent pas frapper. Je rentrai comme à mon habitude et les appelais chacun leur tour. Aucune réponse jusqu'à ce que je tombe sur des éclats de voix dans le bureau de papa.
— ...devrais lui dire de se tenir ! Enfin tu as bien vu sa tenue, Serge ! C'est ta fille bon dieu !
Il était rare d'entendre ma mère proférer des gros mots, mais là, elle ne se faisait pas prier !
— Cette petite garce s'est pavanée à MA soirée habillée comme une pute et toi tu l'as laissé faire !
— N'insulte pas ma fille, Eve ! gronda papa sur un ton que je ne lui connaissais pas. Tu veux qu'on joue à ça ? Et ton fils ? Ce petit merdeux devait être là ! L'était-il ? C'est lui qui a repris les rennes de mon entreprise, pas Annabelle. Et qui a fait preuve de lâcheté hier soir ? TON fils ! Quant à MA fille, elle était déguisée pour TA soirée costumée ! Alors ne viens pas me faire chier avec cette histoire qui n'a strictement rien changé au final de ta foutue soirée de merde !
Ma mère ricane et un silence plombé le bureau.
—Tu admettra quand même qu'elle était là honte de cette soirée.
— Nom de Dieu Eva ! Maxime est la honte de cette famille ! Si tu ne lui dit pas de s'enlever les doigts du cul, je le fous à la porte de mon entreprise ! N'oublie pas qu'il est en période de passation et que j'ai pris mes dispositions, si jamais il ne fait pas ce qu'il faut pour rentrer dans le rang.
—Tu ne peux pas le destituer de son poste !
—Tant que je serais vivant, j'aurais tous les pouvoir ! Est-ce que c'est assez clair pour toi ?
—Tu fais une montagne pour trop peu de choses...
— Ne me dis pas ce que je juge une montagne de conneries quand toi-même tu en fais pour une putain de soirée costumée ! Ton fils est en train de foutre la merde dans Mon entreprise ! Il est en train de mettre à sac le travail de toute une vie en allant voler un auteur à notre concurrence direct ! Tu crois quoi, que Haymes va rester sans rien faire ?
Maman ne dit rien et je l'entendis renifler de façon amère. Elle préférait rester sur ses positions, comme à son habitude.
Il était quand même surprenant qu'ils s'échinent ainsi à se balancer à la figure leurs enfants comme si nous appartenions bien distinctement à l'un et à l'autre.
— Et bien demande donc à TA fille de régler le problème. Avec ses airs d'allumeuses, elle aura toutes ses chances...
Un bruit de gifle claque dans le bureau et la voix sourde de papa gronde :
— Tu insultes encore Annabelle de la sorte et je demande le divorce.
Cachée au bout du couloir, mon cœur s'emballa d'un coup. Une décharge de peur dévala mon dos pour mourir dans mes jambes. Je ne comprenais rien à la situation. Il y avait tant de haine entre eux que j'en restais sur le cul.
— Tu as besoin de moi Serge. Le divorce n'est même pas envisageable pour toi. Et tu le sais très bien, affirma maman avec une conviction dure comme fer dans la voix.
— Que tu crois Eva, mais tu as tort, renchérit papa avec hargne.
— Tu paris ?
Un silence de mort plomba la pièce et la voix de maman résonna comme un coup d'épée
— C'est bien ce que je pensais. Ne t'avises plus jamais de poser la main sur moi.
— Sinon quoi ?
— Tu le regretteras.
Les pas de maman se rapprochèrent et m'esquivai rapidement jusqu'à la porte d'entrée. Je l'ouvris et la claquai en scandant comme si de rien n'était :
— C'est moi !
Avec un sourire penaud de façade je croisai le regard de maman. Elle me fixa, ne daigna même pas me sourire ni me dire bonjour. Elle contourna le fauteuil voltaire et disparut dans la cuisine. Je restai immobile un instant ne sachant pas la réaction à prendre. Je pris une grande inspiration et me décidai à la suivre. Je longeai le couloir qui menait à la cuisine immense de la maison bourgeoise de mes parents. Je trouvai maman appuyée contre l'évier, un verre d'eau dans la main.
— Maman ?
Elle se raidit et ses épaules se resserrèrent.
— Qu'est-ce que tu veux Annabelle ? Tu n'en as pas fait assez hier ? gronda-t-elle sans prendre la peine de se tourner vers moi.
Sa voix amère et pleine de reproches me saisit et anima en moi une colère en sommeil.
— Qu'est-ce que j'ai fait hier soir ? je demandai, sachant très bien de quoi il en retournait.
Elle reposa son verre d'un geste brusque et redressa la tête de façon hautaine.
— Tu oses me demander ce que tu as fait ? s'exclama-t-elle en faisant volte face.
Ses yeux noirs me lançaient des éclairs et c'est la première fois que j'y voyais autant de haine envers moi. Comment était-ce seulement possible qu'une mère puisse montrer autant d'animosité envers son enfant ?
— Oui.
Elle fit un pas vers moi et tendit son index dans ma direction d'un geste rageur.
— Tu as gâché ma soirée ! Tu m'as fait honte avec ta tenue de dépravée !
Je fus surprise face à son invective agressive et reculai d'un pas.
— Je me suis déguisée comme tu me l'as demandé.
— Oh arrête s'il te plaît !
— Que j'arrête ? Mais si Max était venu comme il le devait, tout ceci ne serait pas arrivé.
Elle ricana en secouant la tête.
— Je sais pertinemment que tu as fait exprès de te vêtir de cette façon pour me porter préjudice !
Ah c'était surtout parce que cela allait écorner sa réputation. Je pris le parti de la faire enrager. Elle m'insultait et elle pensait que je l'avais fait hier soir, à sa soirée de merde. Elle n'allait pas être déçue.
— Oh c'est donc cela qui te chagrine... C'est vrai que comparé à Maxime, qui vole le plus gros auteur du concurrent et baise à droite, à gauche dans le dos de sa femme, c'est nettement plus grave, je soupire en examinant mes ongles.
Elle couvrit la distance qui nous séparait et me colla une gifle qui me fit reculer de trois pas, la joue en feu.
— Sale petite merdeuse ! Tu es la honte de cette famille ! Tu n'arrives même pas à la cheville de Maxime ! Il travaille dur pour gérer l'entreprise, pendant que toi, tu te contentes de gribouiller dans ton appartement minable.
La main sur ma joue, je la fusillai du regard et ne comprenais pas cette haine qui transpirait d'elle.
— Sors de cette maison ! Tu n'es pas la bienvenue.
— Aux dernières nouvelles tant que papa ne m'aura pas foutu à la porte, j'entrerai dans cette maison pour le voir.
— Essaie donc un peu pour voir !
Je retroussais mes lèvres pincées et lui crachai à la figure.
— Au fait Casey Haymes et moi on est ensemble ! Je tenais à ce que tu sois la première à l'apprendre.
Son visage se décomposa et je me fis un malin plaisir à sourire de satisfaction. Même si dans ma poitrine, mon cœur se brisa en mille morceaux.
— Fous le camp d'ici ! hurla-t-elle en me désignant la porte. Dégage !
A cette injonction aussi, je ne lui fis pas plaisir et me contentai de retrouver papa dans son bureau.
Je frappai à la porte et entrais sans attendre.
— Papa ?
Il était avachi dans son fauteuil un bout de papier à la main. Il leva les yeux sur moi et je vis qu'ils étaient brillants.
— Tout va bien ? je demandai, inquiète.
Il soupira, déposa le papier sur la plateau de son bureau avant de s'extirper de son fauteuil. Il s'approcha de moi, prit mon menton entre ses doigts pour tourner mon visage à la lumière. Ses yeux se posèrent instinctivement sur ma joue encore brûlante de la gifle de maman. Il fronça les sourcils d'un air furieux et blessé en même temps. Ce qui me fit mal au cœur.
— Papa ?
Il abandonna mon visage et se frotta le visage, épuisé.
— Referme la porte derrière toi. J'ai quelque chose de très important à te dire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top