14. Annabelle.

Casey avait tellement raison. J'avais beau avoir de la gueule, j'en menais pas large, sobre. OK, hier soir, j'avais dépassé les limites de l'indécence et du raisonnable. J'en voulais toujours à Max et cet enfoiré méritait tellement un revers, une défaite, une mise au pilori. C'était inacceptable de penser ça de son frère, mais c'était tout ce qu'il m'inspirait depuis quelques temps.

Je posais mon regard sur le dos musculeux de Casey et les lignes de son corps étaient telles que je les avaient imaginé bien des fois. Il était à se damner, tant sa plastique avait cet attrait implacable de la déchéance et de la luxure. Et il en avait tout autant conscience qu'il en jouait avec satisfaction. Je le détestais pour ça.

Cela dit, mon ennemi m'offrait la possibilité, une putain de possibilité flippante, de me venger. Mais pour cela je devais y mettre du mien. Bien plus facile à dire qu'à faire.

En plus, cet idiot me refilait son plus beau sourire qui réjouissait mon corps. Merde, j'en avais vu des mecs canons en slip de bain, même à poil, et aucun jusqu'ici n'avait réussi l'exploit de chambouler mes hormones et la moindre parcelle de mon corps à sa simple vue. C'était comme s'il se liguait contre ma raison et m'empêchait de me soustraire à la vue délicieuse de Casey.

Bon sang, Casey Haymes était à poil chez moi et je crevais d'envie de le toucher. Plus j'y pensais et plus je rougissais mal à l'aise qu'il découvre ce qui me troublait. Cela me renvoyait à chaque fois à cette fameuse soirée où, pendant sa petite gâterie, il avait accroché son regard au mien. La satisfaction de redoubler sa jouissance au fait de se faire reluquer dans cette position. A la jouissance qu'il avait affiché sur son visage dirigé vers moi. Émotion d'extase qui m'avait longtemps troublé et qui me troublait encore. Une émotion que je n'avais jamais réussi à ressentir dans mes propres expérience. Pas un de mes petits ami n'avaient su suscité ce sentiment troublant à leur jouissance.

Bordel, j'étais trop dérangée pour me pencher sur ce genre de pensées en présence de Casey. Parce que je ne pouvais pas réfuter que ce sale con me faisait de l'effet et ce depuis quelques années. Et si j'acceptais son plan, je n'étais pas sûre d'en sortir sans dommages. Si au moins j'avais la certitude qu'il était aussi troublé par moi que je l'étais par lui, cela me rassurerait et me permettrait d'adhérer plus facilement à son plan.

Et en ce qui concernait Lise, bordel je ne savais pas du tout ce que j'avais pu lui sortir comme conneries, mais connaissant, il était fort probable que je lui ai balancé une ou deux vérités. Et merde ! Il allait falloir que j'aille à la pêche aux infos pour réparer mes conneries. Dès que Haymes sera parti.

— A quoi tu penses La Pierre ?

Je détestais quand il m'appelait par mon patronyme. C'était presque pire que le petit surnom qu'il m'avait trouvé la veille. Von Teese ! Non mais comme si je ressemblait véritablement à une effeuilleuse !

— Je pèse le pour et le contre à propos de ton plan.

Il haussa les sourcils haut sur son front et s'étonna.

— Tu es encore à te triturer le cerveau pour ça ? C'est toi hier soir qui étais très excitée par ce plan. Et pour autre chose aussi.

Je fis la grimace au peu de souvenirs que j'en avais.

— Faisons comme si nous avions passé la nuit ensemble. Deux trois selfies et je m'occupe de balancer sur mes réseaux ma nouvelle conquête.

— Tes frères croiront à ce bobard ?

— Mes frères seront dans la confidence.

Je pensais alors à Wade. Ce frère, avec qui j'avais fricoté il y a deux ans. Situation qui m'avait coûté des sueurs froides à cause de son empressement à vouloir continuer à nous voir. Pas sûre que celui-ci adhère à ce plan que je sentais un tantinet merdique.

Casey s'était rhabillé, à mon grand regret. Il vint passer un bras autour de mon cou et me coller un baiser sur la tempe le temps de faire la photo. J'en ai oublié de sourire trop retournée par sa présence, sa chaleur trop proches et sa familiarité.

— Détends-toi Annabelle, se moqua-t-il en s'éternisant contre mon oreille.

Je ronchonnai et levai les yeux au ciel, alors même que je sentis le feu brûler ma peau et s'étendre sur mon corps tout entier.

— Regarde, tu es canon même avec la gueule de bois ! ricana-t-il en me montrant ses clichés avec des gestes rapides.

Il ne quitta pas pour autant sa position et resserra presque son bras autour de moi. Je n'arrivai pas à garder les idées claires avec son corps si près du mien. Mon cœur s'emballa et il fut difficile pour moi de contenir les frissons qui parcouraient mon corps. Ce sale con avait un pouvoir sur moi que j'exécrai plus que tout. Et je devenais encore plus dingue par les réactions contraires que j'avais à son contact.

Je me secouai mentalement et et me concentrai sur le cliché qu'il me montra. Je fus assez surprise de constater que j'étais plutôt jolie. Les yeux mi-clos, des mèches folles qui encadrent mon visage un peu fade est magnifié par un filtre qui me rendait pour une fois justice. Même mon maquillage dégueulasse passait crème et rendait mon regard plus flou. Ce qui donnait cette impression d'après baise. Bordel, il est doué le salopard ! Ajouté à cela son visage collé contre le mien. Il jouait superbement son rôle. Un parfait comédien. Et la photo n'en était que plus réelle.

— Elle est jolie, je murmure troublée par ce que cette dernière renvoyait.

Je ne m'étais jamais sentie plus éloignée dans les bras d'un homme que lors de cette prise de photo. Il n'y avait aucun sentiment, pas même celui d'amitié. Et pourtant quand on la regardait tout laissait croire que nous étions plus que cela.

Il se dégagea de moi et tapota sur son écran quelques secondes.

— Je te l'ai envoyé. C'est cadeau Von Teese, fit-il avec un clin d'œil.

Il rangea son téléphone dans la poche de son pantalon de jogging et me fit face. Il pencha la tête sur le côté et sourit.

— Je vais devoir rentrer chez moi. Mes frères m'attendent et je pensent qu'ils ont hâtent de connaître ce qu'il s'est passé entre nous hier soir.

Je fus saisis et m'alarmai tout à coup. Je n'aimais pas être le centre de l'attention et pourtant on me prêtait un rôle de garce qui ne cherchait que ça. Ce qui était faux, ma froideur n'était qu'une conséquence à ma façon de repousser les gens. Et être le centre de conversation entre les triplés Haymes me donnait la nausée. Je n'avais pas envie de connaître ce que l'un d'eux penserait de la superbe idée que Casey et moi avions eu.

— Et qu'est-ce que tu vas leur dire exactement ?

Un sourire que je pris pour machiavélique, s'étira sur ses lèvres.

— Que j'ai passé beaucoup de temps avec toi et que ce fut  un moment délicieux.

Je ricanai. Je ne vis pas en quoi ce que nous avions fait la veille fut délicieux. Si ce n'était que lui,  était le seul à en avoir garder un souvenir clair. Ce qui n'était pas mon cas.

— Il n'y a bien que toi pour dire ça.

Il fronça les sourcils et passa sa langue sur sa lèvre inférieure.

— Il ne tiendrait qu'à toi pour une rediffusion Von Teese.

Mon cœur sauta dans ma poitrine comme jamais. Venait-il de me proposer de réitérer ce qu'il s'est passé la veille ?

— Quoi ? Je m'exclamai dans un souffle à peine audible.

Un demi sourire fit apparaître une fossette sur le coin de sa bouche et je me sentis fondre à sa vue. Bon sang qu'est-ce qu'il me prenait ?

— N'as-tu jamais eu envie de prendre des risques Annabelle ?

Prendre des risques ? Bordel je n'avais fait que ça durant toute ma vie. Prendre celui de couvrir mon frère quand nous étions plus jeunes et puis ensuite me rebeller contre ma mère. Chose que je continuai de faire avec application. J'allais lui répondre mais il en me laissa pas le temps.

— Si tu as peur qu'on te voit en ma compagnie, il aurait fallu y penser la veille. Mais tu as accepté de jouer au jeu de notre fausse aventure. Au pire cela ne sera que pour quelques jours. Tu oublies vite que je ne suis qu'un sombre connard... qui comment tu le dis déjà ? Ah oui qui profite des femmes !

Je rougis devant l'amertume non feinte qui habilla la fin de sa phrase. Oui, j'étais toute aussi connasse qu'il ne l'était. Je ne pouvais pas lui en vouloir de me le renvoyer dans les dents. Je fis la grimace, pour ne pas appuyer ses dires et clôturai la conversation :

— Très bien. Ne me fais pas passer pour une salope. Une empotée si tu veux, mais pas une salope. C'est tout ce que je te demande.

Il resta immobile un court instant avant d'opiner du chef et me promettre de faire de son mieux. Je pris une grande inspiration, afin de me détendre, parce que je n'étais pas tout à fait certaine qu'il allait vraiment le faire. Mais je me devais de l'exiger.

Casey quitta mon appartement, me laissant seule avec ce pacte entre les mains. Je me satisfaisais de faire la nique à mon frère et à ma mère, même si je savais d'emblée que cela allait avoir des conséquences plus ou moins graves. Mais n'en était-on pas déjà à ça ?

Je soupirai et filai à la douche. Sous le jet, je me refis toute la scène à partir du moment où j'avais frappé chez Haymes et celui où j'avais accepté de pactiser avec lui. Mon cœur s'emballa de nombreuses fois et je dus me reprendre pour me calmer.

Dans mon divan, je matais sans grande conviction la télé, trop obnubilée par la conversation passée, j'en revins à celle d'avec Lise. J'en avais de vagues souvenirs et ils ne me laissaient pas vraiment une bonne impression. Je décidai alors de l'appeler. Elle ne répondit pas tout de suite. Je savais que le dimanche elle déjeunait parfois chez ses parents. Mais il était plus de 15 heures. Je laissais un court message sur son répondeur accompagné de mes excuses. Je dus attendre 18 heures pour entendre sa voix. Elle ne fut ni joyeuse, ni en colère. Comme si Lise se contentait d'être simplement affable et morne pour cacher son humeur. Ce qui n'était pas du tout son genre.

—Salut Lise. Tu vas bien ?

Elle ne dit rien et soupira :

— Comment pense-tu que je devrais être Annabelle ? Tu m'as viré de la soirée de ta mère. Et avec tant de hargne que je me demande encore pourquoi tu m'appelles ?

Mon sang se figea et mon cœur tapa plus fort dans ma poitrine.

— Oh Lise, je suis tellement désolée... je ne sais pas ce que j'ai pu te dire hier soir, mais je m'excuse.

— C'est trop tard Annabelle. Tu as des tas de choses à régler avec ta famille. Oublie-moi.

— Non, attends Lise ! Tu ne peux pas tirer un trait sur notre amitié comme ça, sur mes mots crachés à cause de l'alcool. Ce n'était pas moi !

Lise soupira une seconde fois, lasse de mes jérémiades. Elle ne s'en cacha même pas.

— Tu l'as dit toi-même hier soir. Je me casse de ta vie. J'en ai ma claque de tes œillères, de ton manque de communication et de compromis. Tu ne veux jamais te remettre en question. Si tu préfères te fourvoyer, alors soit. Mais ne compte plus sur moi pour t'écouter pleurer dès que ça ne va pas. Je n'en peux plus et n'en veux plus. C'est terminé.

Lise, ma seule amie, ma meilleure amie, venait de mettre à terre notre amitié et l'écraser avec son talon de l'indifférence. Je pouvais essayer d'ignorer que je l'avais cherché, mais cela faisait vraiment très mal de me prendre en pleine figure mes erreurs, les conséquences de mes choix, de mes mots.

— Je t'en prie...

— Ne m'appelle plus.

Et ce fut ses derniers mots.

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