Trip 2
Il n'y rien qui existe plus que tes lèvres ondulantes, et les sons que tu exsudes. Elles sont au centre de ma vue, de ma vie.
Les feuilles se battent et ton corps est chaud sous ma paume. Mon index glisse de ta bouche à ton cou, de ton sternum à ton nombril, et s'y arrête. Calme. Tu ne cesses de répéter que tu m'aimes, comme une prière ou te convaincre.
L'heure est grave, sombre. Les étoiles doivent s'éteindre, je ne dois plus te voir, je veux te sentir, que n'existe plus qu'une douceur agréable sur ma paume.
Lents et rassurants sont mes gestes, mais surtout j'apprécie l'instant cristallisé sous la pulpe de mes doigts. Je te construis de mes caresses, je te crée par mon amour indolent. Tu ne fais plus que respirer sereinement, tu as oublié qui nous étions, tu n'es plus qu'un corps qui palpite.
Je sens ton cœur, ta poitrine qui se bombe, et se bombe encore.
Tes yeux ne voient plus, ils scintillent, ce sont mes étoiles.
Je m'arrête, ma bouche si proche de la tienne. Nos respirations sont mêlées, tu inspires, j'expire, j'inspire, tu expires.
La Lune passe, les draps semblent onduler, les rideaux nous ont protégé.
Puis tu me dis, et ta voix est grave et rauque, elle se cherche encore :
''Tu n'as jamais su de quoi je rêve.
Je suis dans un navire, les flots se fendent pour nous. Les voiles sont gonflées de fierté. Je suis seule, au milieu du pont. Je sais que nous filons vers un endroit semblable au paradis, sans les hommes. Tu n'es pas là et partout à la fois. Je ferme les yeux et sens tes mains sur mes avant-bras. Tu me murmures un chant et je sens les vagues m'effleurer, le vent m'envelopper. La mer est lumineuse jusqu'au sable. Le bateau vibre et grince, se plie et se déroule pour avancer.
Pas un nuage.
Nous sommes arrivés, il n'y a que nous. Tu marches dans mon ombre. Il n'y aura qu'une paire de pas.
Le silence est empli d'une mélodie mélancolique. La Terre est loin, inoubliable.
Je m'allonge et tu me couvres de ton ombre. Je ne vois que ton sourire sincère. Tu te penches, le Soleil roule sur moi, tu t'enroules, te déposes sur mon ventre, flocon, et y disparais.
La solitude m'accable comme la lumière, crue. Mais je te sens dans mon ventre, tu m'apaises. Tu remontes, et je t'ouvre les portes de mon cœur.
Une douleur impensable. Et je me réveille.''
Je ne réponds rien. Je pose sa tête sur mes genoux.
Le matin nous trouve. Elle rouvre les yeux. Je ne peux soutenir son regard. Elle attend de moi que je lui parle. Je ne peux pas. Les mots ont toujours glissé hors de moi.
Elle se redresse, son dos est face à moi. Avec les deux continents de ses omoplates, l'archipel de sa colonne vertébrale. L'océan de sa peau est parcouru par les courants de ses muscles. Je pose mon front contre elle. C'est frais. Elle est fraîche comme une pomme.
Je la connais, c'est le seul mal que je n'ai jamais fait.
Je pose mes paumes bien à plat contre son dos. Elle comprend. Ses larmes glissent jusqu'à sa poitrine.
Je me lève et m'enfuis loin de nous.
Je n'ai jamais pu oublier, j'ai toujours su me souvenir.
Elle.
N'a jamais cessé de me faire espérer.
Je dois bouger.
Apprendre à nouveau.
A marcher et boire.
A refaire battre mon cœur.
A peut-être savoir aller au bout.
Mes mots sont décadents, ils s'enfuient hors de ma bouche, je n'ai jamais su les retenir, les façonner au creux de ma gorge.
Mon corps s'exprime pour moi.
Ma main est ma bouche, ma langue est mes doigts.
Je ne demande qu'à diriger ce torrent de pensées vers les autres.
Je ne demande qu'à me faire comprendre.
La parole éphémère
Fixe le souvenir
Des actes.
J'ai brisé mes doigts, coupé mes mains.
Je suis comme un aveugle.
Le roc dans ma gorge me bloque.
Je veux crier.
Parler !
Je veux m'entendre dire de l'amour.
Je veux caresser de mots.
Le silence me réduit depuis trop longtemps.
Je veux grandir.
Elle me regarde.
Est-elle différente de l'autre ?
Non.
Elle est faite par le même grand architecte.
Ses yeux m'acceptent.
Je tords ma gorge, la langue.
Un son.
Je ne demande rien de plus.
Son regard traverse mes yeux.
Va au fond de mon crâne.
Redescend.
Le roc explose.
Ça bouillonne.
Un jet.
''Naître.''
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top