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Il était presque 16 heures, lorsqu'Angélique garait son Honda, devant le chalet de Sophie Müller. Bellefontaine était un joli petit village entouré de forêt, nicher au creux des collines jurassienne. Une fois de plus, elle se demandait pourquoi, elle était tombée dans le panneau de ce malade, qui devait surement la suivre de loin ou être en train de l'observer. La jeune femme savait que Sophie était l'une des victimes du tueur de Thonon, maintenant, elle devait comprendre pourquoi le tueur l'avait amené sur cette piste.

Elle descendait de son engin, enlevait son casque et ouvrit sa veste. Il avait enfin arrêté de pleuvoir et le soleil essayait désespérément de percer les nuages. Elle montait les marches qui menait à la porte d'entrée et sonnait fébrilement. Son cœur battait la chamade. Elle n'avait pas pris le temps de s'arrêter et elle sentait, qu'elle n'était pas au mieux de sa forme. Quelques secondes plus tard, Sophie Müller lui ouvrait la porte.

- Bonjour. Disait cette dernière, en l'invitant à entrer.

- Bonjour, Angélique Delmare. Merci de me recevoir. Assurait la journaliste, en entrant.

Madame Müller lui proposait de s'installer dans la salle à manger, comme elle l'avait fait avec Maurice, 24 heures plus tôt.

- Puis-je vous offrir un café ? Demanda-t-elle, à la jeune femme.

- Je... je ne veux pas vous embêter.

- Ça me ferait du bien, de boire un café. Avoua-t-elle, avec un sourire crispé.

- Très bien. Alors oui très volontiers. Acceptait la jeune femme, en enlevant ses gants et sa veste.

La journaliste remarquait la ressemblance frappante entre les victimes du tueur de Thonon et Sophie. Plutôt grande, sportive, longs cheveux bruns et de grands yeux bleus pétillants. L'espace d'un instant, elle ne put s'empêcher de se demander, si sa tante Juliette, lui aurait ressemblé. Mais elle chassait cette image douloureuse, pour se concentrer sur la raison de sa présence.

Dans un silence pesant, Sophie servait le café et s'installait en face d'Angélique, sans trop savoir par quoi commencer.

- Mon ami... le commissaire Hardyl m'a... m'a demandé de rencontrer monsieur Dugrand. Je suis terriblement désolée de ce qui lui est arrivé. Toutes mes pensées vous accompagnent, à vous et à sa famille. Assura-t-elle, les larmes aux yeux.

- Merci. Assurait la journaliste, à son tour.

Elle but une longue gorgée de café et se sentit beaucoup mieux. Elle prenait un biscuit et le mâchait lentement, avant de reprendre la parole.

- J'effectue une enquête, sur... le tueur de Thonon. Maurice semble n'avoir parler, qu'à quelque personne de votre entretient. Mais, il n'a pas eu... il n'a pas expliquer la teneur de votre rendez-vous. Exposait Angélique sans trop savoir, où elle mettait les pieds.

- Je comprends, lors de son séjour à Lörrach, il... il a découvert, ce qui m'était arrivée. Expliqua-t-elle, la voix tremblante d'émotion. Et... et il... nous avons parlé de ma fille. Amalia.

- Votre... votre fille ? S'étonnait Angélique.

Avait-elle vraiment bien fait de venir ? Vouloir à tout prix retrouver ce malade, c'était une chose. Mais rencontrer l'une des survivantes, ça, c'était autre chose.

- Oui. Il... peut être devrais-je commencer par le début. Mon nom est Fiekchen Müller, en novembre 1980, alors que je n'avais que 20 ans. Je travaillais dans un bar. J'ai rencontré un homme, que je connaissais de visage. Il sortait avec une femme du village voisin et avait un bébé. Commençait-elle. J'étais crevée et le lendemain j'avais un cours, alors j'ai accepté qu'il me ramène. Je... je ne me suis pas méfiée. Mais il m'a emmené sur une route forestière, en pleine forêt à 5 kilomètres de chez moi. Il m'a fait des avances, que j'ai refusé et... et il m'a frappé.

Sophie était encore plus émue, que lorsqu'elle en avait fait le récit à Maurice. Raconter un tel calvaire à une jeune femme n'était pas aussi simple.

- Je ne me souviens pas... de grand-chose. Juste de la douleur. Le sang qui... dégoulinait le long de mes jambes. Ma... ma famille n'en est une... que sur le papier. Ma mère est un monstre. Seul mon père tenait la route, malgré son alcoolisme. Je n'ai rien dit. À personne. Puis deux mois plus tard, j'ai compris que j'étais enceinte. Je me suis confiée à mon père et... et il m'a envoyée chez sa sœur, à Munich. Les 12 plus belles années de ma vie. J'ai accouché seule de ma fille, Amalia, que... qui n'a jamais été déclarée à la naissance. Avoua-t-elle honteuse.

Sophie soupirait. La jeune femme qui se trouvait devant elle, ne la jugeait pas et semblait chercher à comprendre ce qu'elle avait vécu avec bienveillance, ce qui allait avec sa beauté, à couper le souffle. Elle n'avait jamais rencontré une si belle femme. Et en plus, elle semblait aussi forte, qu'elle était sûre d'elle. Sophie aurait aimé avoir ce regard. Cette assurance. Cette flamme vibrante. Cette présence.

- Seigneur, quel aura. Pensa-t-elle, en scrutant la journaliste.

Elle but une gorgée de café et continuait son récit. Comme avec Maurice, elle expliquait ce qui était arrivé à sa fille. Ce que son frère lui avait fait à elle et surtout à Amalia, ainsi que sa mère, mais en lui épargnant les détails les plus sordides.

- Ma fille avait rencontré un jeune homme. Elle était heureuse. Souriait à nouveau. J'avais effectué des heures de ménages en douce. Cachant l'argent pour le leur donner. Un jour, Amalia avait disparu, ainsi que ses affaires et l'argent. J'ai... j'ai vraiment cru que... je veux croire qu'elle est heureuse. Soupirait Sophie, les larmes aux yeux. Mais... mais monsieur Dugrand... il... il pensait que ma fille, pourrait être le corps retrouver dans un charnier en 1998. Sanglotait-elle.

Elle y avait réfléchi toute la nuit. Elle avait même retrouvé de vieux articles. Rechercher des disparations de jeunes filles, des fugues, mais il n'y avait rien eu de telle à l'époque dans la région et elle avait devait reconnaitre, que l'hypothèse de Maurice pouvait tenir la route. Cependant, la seule personne qui aurait pu s'en prendre à sa fille était Lui. Son propre frère, mais elle ne le voyait pas ainsi. C'était un pédophile. Un malade. Mais pas un tueur et encore moins de cette nature. Tout cela n'avait pas le moindre sens.

Angélique cachait ses mains sous la table et serra les poings à se faire mal. Elle faisait de son mieux pour ne rien laisser paraitre, surtout en sachant que Sophie faisait attention de lui épargner certains détails. Mais elle commençait à comprendre ce qu'avait découvert Maurice et pourquoi le tueur, lui avait parler d'elle. La jeune femme dut encaisser le choc. Elle prit sa tasse de café et le but d'une traite. Si elle avait pu, elle serait sortie pour hurler. Il l'avait tué. Ce malade avait tué cette jeune fille.

- Je... monsieur Dugrand... son hypothèse tient la route et.... Et... il... mais Lui, il n'est pas ce genre de... de...

Sophie se levait soudainement et perdait son regard à travers la baie vitrée. Le crépuscule était en train de gagner le village. Le ciel était gorgé de nuage rose, comme une aquarelle. Les lumières commençaient à s'allumer dans les maisons. Elle fermait les yeux et essayait de reprendre son souffle.

- Je ne sais pas qui a tué... Amalia, mais je ne pense pas que ce soit mon... Lui. Inspirait-elle profondément.

Elle voyait les grands yeux verts de sa fille. Sa longue chevelure rousse. Elle se souvenait encore de son odeur. De son parfum fleuri. Toutes ces années, elle l'avait imaginée artiste. Voyageant aux grés de ses envies. Visitant les plus belles cathédrales gothiques. Amalia était fascinée par les vitraux. Les roses. Les vampires. Ce souvenir la fit sourire. Très tôt, elle avait lu « Dracula » voyant en la mort éternelle, l'amour le plus dévolu et absolu. Sophie se frottait les bras.

- Monsieur Dugrand a mis en évidence... ce que j'ai toujours refusé de voir. Amalia n'est plus et... et son corps... est celui qui a été retrouvé en 1998 de ce charnier. Arrivait-elle enfin à le dire, à voix haute. Ma... ma petite... Amalia est morte.

Angélique se levait et la prenait dans ses bras. Doucement, elle lui frottait le dos et dut fournir un effort considérable, pour ne pas céder à sa propre souffrance.

Sophie était à la fois soulagée, d'avoir enfin pu parler de ce qui lui était arriver, ainsi qu'à sa fille, mais elle se sentait honteuse et triste, de ne pas avoir compris plus tôt ce qui lui était arriver. Elle avait refait sa vie, mais Amalia, sa fille, n'avait pas eu cette chance. Elle se jurait alors d'en parler à cœur ouvert avec son époux et de retourner à Lörrach pour faire un test ADN et de rendre hommage à sa fille. Sans Maurice, elle n'aurait jamais pris conscience de tout cela.

- Oh. Angie... maintenant que j'y pense... monsieur Dugrand avait semblé... troublé, lorsque que je lui ai dit le nom de la compagne de ce type. Le tueur de Thonon. Expliquait Sophie, alors qu'Angélique regagnait sa moto.

- Troublé ? S'étonnait la jeune femme.

- Oui. Euh... enfin plutôt... lorsque qu'il a compris qui était son fils.

Alors c'était vrai. Ce monstre avait vraiment un fils. La journaliste essayait de rester maitre de ses émotions.

- Enfin, Gretel est morte, il y a 10 ans je crois. Ce pauvre enfant, j'espère vraiment qu'il ne sait rien.

- Gretel ?

- Oui. Gretel Auer était la compagne de ce type. C'était une infirmière. Son fils s'appelle Friedrich.

Angélique dut déglutir. Ce type existait vraiment et désormais, elle avait même son nom. Son cœur se mit à battre la chamade, lorsqu'elle se souvenait du dernier mot que Maurice lui avait dit : Auer. Elle sentit une vague de colère la submerger, mais se reprit aussitôt.

- Merci. Merci pour toutes ses infos et... et pour ton courage. Je... je suis tellement désolée pour Amalia.

- Merci à toi et à Maurice... sans lui... Merci.

- Tu es sûr de... je peux rester un peu et attendre leur retour. Proposait Angélique, pas vraiment rassurée de la laisser seule.

- Ça va aller... je vais retourner à Lörrach. Assurait Sophie. Je vais parler avec Hardyl et... et faire ce qu'il faut, pour rendre hommage à ma fille.

- Si tu as besoin... n'hésite pas.

- Je n'hésiterais pas. Soit prudente, sur la route.

- Ne t'inquiète pas. Cette moto est presque aussi vielle que moi. Plaisantait la jeune femme, en grimpant sur son bolide.

Angélique enfilait son casque et démarrait sa moto. Elle tournait autour de Sophie, pour sortir de la place de parc, la saluait une dernière fois et s'engageait dans la rue. Une fois sortie du village, elle mettait les gaz et filait en direction de Thonon. Maintenant qu'elle avait le nom de ce type, plus rien ne l'arrêterait.

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