6
Angélique arrivait devant le restaurant, où elle avait l'habitude de déjeuner avec son père. Il était tenu par Henri, un vieil ami de la famille, qui était un spécialiste de la cuisine italienne. En entrant, les odeurs méditerranéennes lui rappelèrent à quel point, elle avait faim. Le restaurant était simple et plutôt grand, en plus d'être bien placé, au pied de Montmartre. Tout ici rappelait l'Italie, de la couleur des nappes, à la décoration, qui rappelait les étals des marchés et à l'idée de les retrouver, un grand sourire se dessinait sur ses lèvres.
- Angie. La saluait soudain le barman du restaurant.
La jeune femme lui répondit à peine et effaçait aussitôt son sourire. Elle n'aimait pas beaucoup les dragueurs et encore moins ceux qui ne comprenaient pas le mot "non". Certes, c'était un beau mec, mais il avait une liste de défaut, qui faisait presque frémir la jeune femme.
Elle croisait le regard de son père et malgré le comportement excessif de ce dernier, elle ne put s'empêcher de sourire à nouveau et de s'en vouloir, d'avoir été aussi dur avec lui.
Louis était là, à leur table habituelle, il semblait un peu perdu dans ses pensées. Il ne savait pas comment annoncer certaines nouvelles, à sa fille unique. Elle venait de passer trois semaines au Canada et il devait vraiment trouver le courage de lui parler, car sa nouvelle compagne, Florence Roussel, souhaitait vivre leur amour au grand jour, si qui était légitime, car ils vivaient ensemble depuis plusieurs mois maintenant.
Il portait une nouvelle chemise bleue et un jeans, comme toujours, il ne put s'empêcher de remarquer que sa fille et lui, avaient les mêmes goûts. Le même style de vêtement, les mêmes motos, les mêmes goûts culinaires et aussi le même goût du secret.
Alors qu'Angélique avançait dans sa direction, il fit de son mieux, pour cacher sa nervosité. Elle portait aussi un jeans, mais slim, qui allongeait ses jambes et une chemise blanche, qui découvrait légèrement son épaule droite. Ses longs cheveux bruns descendaient en cascade le long de son visage et il ne put s'empêcher de penser, qu'elle était resplendissante. Il se levait, lui fit un sourire et attendit qu'elle soit près de lui, pour la prendre dans ses bras.
La jeune femme semblait aussi heureuse que lui, de le voir et il soupirait un grand coup. Elle était là. Saine et sauve. Louis savait, qu'il allait trop loin, en téléphonant ainsi à sa fille. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher et encore plus maintenant, qu'il était au courant qu'elle enquête seule, sur une monstrueuse série de meurtre.
Angélique resserrait son étreinte, maladroitement, car elle avait toujours son casque dans sa main. Il sentait bon l'eau de Cologne au citron et elle inspirait profondément, en se rendant compte à quel point, son père lui avait manqué. Elle n'était partie que trois semaines, mais elle n'avait plus que lui et Henri. Cette idée lui fit monter soudain les larmes aux yeux et elle secouait légèrement la tête, pour chasser ses idées noires.
- Ma petite rose sauvage. Murmura-t-il, alors qu'elle desserrait leur étreinte.
- Papa. Le gronda-t-elle doucement. Tu sais bien, que je n'aime pas, quand tu m'appelle ainsi.
- Dirais-tu cela, si c'était ta mère qui te le disait ?
Il lui fit un clin d'œil et elle ne put s'empêcher de sourire. Dès qu'il lui parlait de sa mère, elle s'illuminait. Ils s'installèrent à leur table et la jeune femme regardait par la baie vitrée, en posant son casque sur le rebord de la vitrine. Elle ne put s'empêcher de scruter les alentours, à la recherche d'une présence ou d'une silhouette familière. Elle vit un bus partir au coin de la rue, mais elle décidait de se concentrer sur ses retrouvailles avec son père. Ce n'était pas le moment, de sombrer dans la folie.
- Papa. Commença-t-elle. Es-tu vraiment obligé de me téléphoner, dès que j'ai 30 secondes de retard ?
Elle essayait d'avoir un ton neutre, car elle ne voulait pas se disputer avec lui, mais il fallait qu'il comprenne, qu'il allait trop loin. Louis se tortillait sur sa chaise, preuve qu'il était plutôt mal à l'aise et il y avait de quoi.
- Je m'inquiète. Se défendit-il. Et tu ne m'as pas téléphoné hier, dès ton arrivée à la maison.
La jeune femme sentit une vague de colère l'envahir. C'était le pompon, voilà qu'il recommençait et en plus, il lui faisait des reproches.
- Papa. Je suis une grande fille, maintenant. Il faut vraiment que tu arrêtes. Lui fit-elle remarquer.
Louis baissait son regard. Elle avait raison. Sa petite fille n'en était plus une et depuis ce printemps, elle avait même passé la barre symbolique des 30 ans.
- Tu... tu as raison. Je vais arrêter de... de te téléphoner ainsi.
Il essayait d'être sincère, mais s'était peine perdue. La jeune femme soupirait un grand coup. Tellement de choses avaient changé ces derniers temps. Par moment, elle avait l'impression d'être une étrangère, face à son père et peut être même face à la terre entière. Elle fermait légèrement les yeux, pour contenir une vague de tristesse. La vie ne leur avait pas fait de cadeaux et elle n'en faisait aucun à son père. Doucement, elle posait sa main droite, sur la sienne.
- Je suis désolée papa. Décida-t-elle, de passer à autre chose. Je suis un peu stressée. Cette enquête devient de plus en plus... passionnante et j'avoue, que je me suis laissé emporter. Assura-t-elle, avec un petit sourire mystérieux.
- Non Angie, tu as raison. Il faut que j'arrête. Accepta Louis, en prenant la main de sa fille, dans la sienne.
Avec ce qu'il s'apprêtait à lui annoncer, il valait mieux qu'il calme le jeu.
Angélique avait encore perdu du poids, mais son père savait que le lui faire remarquer, serait une cause de conflit directe. En réalité le mot « surprotecteur » était bien en dessous de la vérité, lorsqu'il fallait décrire la relation de Louis, envers sa fille.
- Angie. Ma bella rosa. S'écria soudain Henri, en sortant de sa cuisine.
Comme toujours, il avait soigneusement ramené ses longs cheveux grisonnant en queue de cheval. Son regard bruns fauve pétillait de mille feux. Il avait taillé sa barbe, ainsi que sa moustache. Sa peau mate faisait ressortir ses rides et son sourire. Comme son meilleur ami, il était soulagé de retrouver la jeune femme saine et sauve.
Louis se tournait vers lui, en se demandant pourquoi, il fallait toujours qu'il en fasse des tonnes. Angélique se levait et prit Henri dans ses bras. Il la serrait un instant et se reculait soudain, en posant ses grandes mains, sur ses épaules.
- Je croyais que le Canada était réputé pour son sirop d'érable. S'exclama-t-il, en la dévisageant de haut en bas.
Elle dut retenir sa respiration. Le fait qu'elle aille perdu un peu de poids, devait se remarquer bien plus, qu'elle ne l'avait pensé.
- Ils savent aussi faire de délicieuses salades. Essaya-t-elle de faire sourire Henri.
Louis serrait les dents. Il y avait deux choses, qu'il ne fallait pas faire remarquer à sa fille, son poids et sa fatigue. Intérieurement, il ne put s'empêcher de maudire son meilleur ami, qui avait le chic, pour toujours mettre les pieds dans le plat.
- Angélique Delmare, essais-tu vraiment de berner un ancien légionnaire et le meilleur cuisinier italien, de tout Paris ? Lui demanda Henri, très sérieux en levant les sourcils.
Pour lui, la jeune femme ne faisait pas assez attention à elle. Elle avait des cernes à faire pâlir les fantômes d'Halloween et en plus, elle devait avoir perdu au moins 4 kilos, qu'elle n'avait pas du tout besoin de perdre. Pourquoi ne faisait-elle pas plus attention, à sa santé ! Henri avait aidé son ami Louis, à élever la jeune femme. Il était comme un oncle pour elle.
Angélique essayait de rester maitre d'elle-même. Elle était déjà assez sous pression, sans qu'ils viennent tous les deux en rajouter.
- Henri. Commença-t-elle. Comme je viens de le dire à papa, ma nouvelle enquête me stresse un peu. Mais merci de t'inquiéter pour moi.
Sur ce, elle se ressayait et regardait par la baie vitrée, espérant ainsi clore le sujet. Henri voulut ajouter quelque chose, mais le regard de reproche de Louis l'en dissuadait. Il haussait les épaules et retournait dans sa cuisine, non sans marmonner en italien son mécontentement.
- On est juste inquiet pour toi. Murmura Louis, après quelque minute de silence.
Sous le regard de sa fille, Louis décidait de changer le cours de leur discussion.
- Et autrement, comment vas-tu ? Comment s'est passée ton enquête de terrain au Québec ? Demanda-t-il, pour détendre l'atmosphère.
Tout comme elle, il ne voulait pas se disputer et surtout pas, avec les deux annonces qu'il devait lui faire.
- Bien. Répondit-elle. Passionnante. J'ai fait une drôle de rencontre. Se mettait-elle soudain, à sourire.
- Heu, à oui ? Demandait Louis, en pensant automatiquement, à un homme.
Il commençait à désespérer de voir un jour sa fille, rencontrer un homme bien, à se marier et qui sait, à avoir des enfants. Mais c'était là aussi un sujet de dispute. En réalité, ils ne parlaient pas de grand-chose, à part de leur travail respectif, mais cela avait toujours été ainsi entre eux.
- Papa. Le gronda-t-elle soudain, en voyant ces sourcils se lever, en comprenant à quoi il pouvait penser.
Pourquoi fallait-il toujours, qu'il s'imagine ce genre de chose ? Il n'allait quand même pas recommencer à lui parler d'homme bien, de mariage et refaire de gros sous-entendu, à propos d'enfant.
- J'ai rencontré un génie. Carter Michigan. Tu te rends compte que ce type n'a que 2 ans de moins que moi et qu'il est diplômé des trois des plus prestigieuses universités d'Amérique ? Ce type est juste incroyable. Expliqua-t-elle, dans l'espoir que son père arrête de se faire des films.
Même si elle avait tout de suite apprécié le fameux Carter, plutôt grand, blond, avec de grands yeux brun pétillant de savoir. Elle n'avait à aucun moment penser, à ce genre de chose. Carter était en train de devenir, l'un de ses amis.
Louis inspirait doucement et au moment, où il allait prendre son courage à deux mains, pour lui parler de certains sujets, Henri fit son entrée avec les menus.
- Bien. Commençait Henri. Comme mademoiselle Delmare semble au régime, je ne vais surtout pas lui conseiller le menu du jour. Une salade caprese aux figues fraiches, en entrée. Un osso bucco sur son nid de légumes, avec un risotto à la milanaise, pour la suite et enfin pour finir, un tiramisu. Détailla le vieil homme, en regardant droit devant lui.
La jeune femme dut se retenir de rire. Henri était presque au garde à vous. Louis quant à lui, poussait un soupire, qui en disait long sur ce qu'il en pensait.
- Henri, deux menus du jour, s'il te plait. Et par pitié arrête avec cette histoire. Lui ordonna-t-il.
Le vieil homme prit note et retournait dans sa cuisine, laissant seuls le père et la fille. La jeune femme détaillait alors son père, qui semblait soudain préoccuper. Il se tortillait sur sa chaise et se frottait nerveusement les mains.
- Est-ce que tout va bien ? Demanda-t-elle avec une pointe d'inquiétude.
Louis plongeait dans ses grands yeux bleus-or. Les mêmes que les siens. Sa fille avait le sourire de sa mère et la même façon de pencher la tête sur le côté, lorsqu'elle se posait des questions. Il dut déglutir pour se convaincre, qu'il ne faisait rien de mal.
- Tu te rappelles, de Florence... la grande sœur de mon lieutenant, Thomas Roussel. Demanda-t-il enfin.
Angélique se figeait légèrement sur place, lorsqu'il prononçait le nom de son ex. Son histoire avec le fameux Thomas avait été tenue secrète et s'était plutôt mal terminée, car il lui avait brisé le cœur. Elle se reprit aussitôt et cherchait dans sa mémoire. Elle voyait bien à quoi ressemblait la femme en question, mais pourquoi parlait-il d'elle ?
- Heu oui vaguement. Répondit-elle, sans trop savoir, où son père voulait en venir.
Louis soupirait profondément et essayait de rester maître de lui-même, en se répétant, qu'il ne faisait rien de mal.
- Elle a emménager dans mon appartement. Avoua-t-il, de but en blanc.
Angélique levait les sourcils, sous le choc et la surprise de ses paroles, en se demandant l'espace d'un instant, si elle avait bien compris, ce qu'il venait de dire. Elle secouait légèrement la tête. Il ne s'était jamais remis en couple, après la mort de sa mère, 24 ans plus tôt. Son père était-il en train de lui annoncer qu'il vivait avec une autre femme et qui plus est, la sœur de son ex ?. Son cœur se serrait brusquement et lui fit monter les larmes aux yeux.
- De... depuis quand ? Demanda-t-elle, en essayant de ne rien laisser paraitre.
- Heu... depuis plusieurs mois. Avouait Louis, en espérant ne pas avoir à entrer dans les détails.
La jeune femme dut s'agripper à sa chaise, tellement le choc était grand. L'image de Thomas et leurs souvenirs frappèrent dans son esprit. Jamais, elle n'avait autant souffert, à cause d'un homme.
- Ok. Fut alors la seule chose, qu'elle arrivait à prononcer.
Elle essayait tant bien que mal, de penser à son père, qui avait toujours honoré la mémoire de sa mère. Ne pensant qu'à son bien-être. Qu'à elle. Il était alors normal, que la solitude finisse par lui peser et qu'il se remette en couple, surtout depuis qu'elle avait sa propre vie. Mais pourquoi fallait-il, que ce soit avec la grande sœur de ce connard ?
Angélique fermait les yeux et essayait de voir le bon côté des choses. Cela la rassurait un peu, son père, son héros ne finirait pas sa vie, tout seul. Et avec tous les sacrifices, qu'il avait fait dans sa vie, il méritait tout le bonheur de ce monde.
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