55

Maurice arrivait dans le village de Bellefontaine, dans la commune du Jura français, en milieu d'après-midi. L'ancien policier avait cru se perdre, en prenant la route forestière, indiquée après la douane Suisse, mais il était arrivé à bon port.

Le chalet de Sophie Müller se trouvait au bout de l'un des nouveaux quartiers, légèrement en hauteur. La maison se trouvait en bordure de forêt et était aussi charmante, que chaleureuse.

L'ancien policier sortait de sa voiture et regardait autour de lui. Tout le trajet, il avait jeté un œil dans son retro, avec l'impression d'être suivi et maintenant qu'il était là, cette impression était encore plus oppressante. Il inspirait profondément et montait les escaliers, qui se trouvait sur le côté et qui menait à la porte d'entrée. D'ici, il surplombait le village, mais à cause du temps maussade et pluvieux, il n'y avait personne dehors. Après quelques instants à scruter les environs, il sonnait enfin.

Quelques secondes plus tard, Sophie Müller venait lui ouvrir. Elle avait dans la 50ène, mais en faisait 5 de moins. Sportive, brune aux yeux bleus, la ressemblance avec les victimes du tueur était frappante.

- Bonjour, je suis Maurice Dugrand, un ami du commissaire Hardyl. Se présenta-t-il.

- Bonjour, entré. Je suis Sophie, c'est le diminutif de Fiekchen. Expliqua-t-elle, avec un sourire forcer.

- Merci infiniment de me recevoir.

- Hardyl m'a dit que... je n'avais pas... qu'il valait mieux, que je parle avec vous.

Maurice sentit une petite pointe d'irritation. D'habitude il aurait riposté avec une pointe d'ironie, mais il sentait que Sophie était vraiment tendue.

- Je comprends.

- Je doute que vous aillez été victime de viol, Monsieur Dugrand et encore plus d'un malade comme... cet homme. Riposta-t-elle durement.

- J'en conviens. Mon ex petite amie, Lucie Gonthier fut la deuxième victime, de celui qui vous a... violer. Précisa-t-il, avec peine.

Il ne voulait pas aggraver le sentiment de culpabilité de cette femme, mais plutôt ouvrir la discussion à ce sujet.

- Oh. Je vous présente mes excuses... je suis... un peu sous le choc, de la demande d'Hardyl. A vrai dire, je n'ai pas compris, pourquoi vous vouliez me parler. Avoua-t-elle, en essayant de parler avec plus de douceur.

Sophie montrait la salle à manger à Maurice et lui proposait de prendre place. La pièce était grande et ouverte sur la cuisine et le salon. Au milieu se trouvait une cheminée design, qui ressemblait à un gros œuf en fer. Une terrasse donnait sur l'arrière de la maison, depuis le salon et Maurice s'installait de façon à avoir une vision des alentours, au travers des baies vitrées, qui illuminaient les pièces.

- J'aimerais juste... dernièrement, j'ai fait une rencontre, qui m'a bouleversé. J'ai repris une vieille enquête. Celle du tueur de Thonon. Cet homme a également sévi dans la région de Lörrach. Commençait-il, en décidant d'expliquer la situation. Depuis 2 ans, trois nouvelles victimes sont venues s'ajouter à celle des années 70 et 80. Mais les... crimes sont différents, alors j'ai décidé de retourner à Lörrach, afin de comprendre certaines choses. Je me suis renseigné sur deux évènements. Deux charniers découverts en 90 et 98. Celui de 98, avait... le cadavre d'une adolescente. J'ai appris, que deux jeunes filles avaient disparu, Muriel qui avait été retrouvée peu de temps après sa fugue et Amalia Vogël, qui à ce jour n'a toujours pas redonner signe de vie.

Il voyait Sophie encaisser ses paroles et fournir un effort pour comprendre, mais lorsqu'il avait parlé d'Amalia, elle s'était figée sur place, les larmes aux yeux.

- Aimeriez-vous un café? Disait-elle soudain en se dirigeant vers la cuisine.

- Oui. Volontiers. Pour... pour en apprendre plus j'ai... rencontré votre... madame Müller et... et son discours était...

- Monstrueux ? Je suppose que c'est le mot que vous cherchez.

- Plutôt abjecte. A vrai dire.

- Sur ce point, je ne peux qu'approuver.

Sophie revenait vers lui avec café, crème, sucre et même des petits biscuits. Maurice ne put faire autrement que de constater la différence entre la mère et la fille. Elles n'avaient rien en commun et il en était presque soulagé.

- Je ne vois toujours pas pourquoi, vous souhaitiez me voir. Que vient faire Amalia dans cette histoire ?

- Hardyl, m'a confié qu'aucun avis de disparition n'avait été fait à son sujet, c'est pour cette raison que je suis allé... voir votre... mère.

- Amalia n'avait pas d'existence légale et elle a fugué, avec son petit ami, pour échapper à... à l'immondice qui me servait de frère. J'avais demandé à mon père d'effectuer des recherches, 1 ou 2 ans plus tard, j'avais juste eu besoin de la savoir heureuse, mais rien... j'ai finis par... partir moi aussi.

- Je comprends...

- Non. Vous ne pouvez pas. Personne ne le peut. Lui... mon... frère. Lui donc, était un malade. Un pédophile, doubler d'un pervers. Un monstre. Tremblait-elle. Vous... vous n'avez pas la moindre idée de ce qu'il a fait à ma fille et encore moins ce qu'il m'a fait.

Sophie hésitait à tout raconter. Ce policier semblait être un homme bien. Il pensait sans doute qu'Amalia était le cadavre de cette pauvre jeune fille, mais elle refusait de l'admettre. Amalia était dehors, vivante et heureuse. Elle se levait soudain et se plaçait devant la baie vitrée, face au village dans lequel elle vivait avec son tendre époux et leurs deux petits garçons. Les larmes coulaient sur ses joues.

- Lui. Nous avions 5 ans de différence. Je suis l'ainée et mes parents l'avaient eu sur le tard. Lui le mâle. L'enfant béni. Celui qui pouvait dire, croire et évidemment faire, tout ce qu'il voulait. Ma... Elle... lui passait tous ces caprices. On pourrait croire que j'étais jalouse de lui, ce qui était vrai, dans une certaine mesure... mais à l'âge de 14 ans, il a grandi. Il est devenu de plus en plus violent et agressif. Mon père venait d'avoir un grave accident. Trauma crânien. Il était devenu mal entendant. Sa carrière politique était finie. Il buvait, mais sans violence. Lui, en revanche avait un comportement immonde avec les filles. Un jour, je l'avais surpris en train de se masturber, planqué derrière un arbre, alors qu'une petite fille jouait non loin de là. Je... j'ai voulus l'arrêter, mais il m'a frappé avec une violence inouïe. Lorsque je l'ai raconté à elle, elle m'a aussi frappé en me traitant de menteuse.

Elle se frottait les bras. Les souvenirs qu'elle était en train de raconter à Maurice, elle ne les avait jamais confiés à personne, pas même à son mari. Elle continuait déversant un flot d'horreur.

Un soir, alors qu'elle travaillait dans un bar, ce type lui avait proposer de la raccompagner et elle avait accepté, car elle avait un cours le lendemain et il sortait avec une femme du village d'à côté, avec qui il avait eu un bébé, elle ne s'était méfiée de rien. Mais il avait pris une petite route forestière, en pleine forêt. Il lui avait fait des avances, qu'elle avait refusé et il lui avait fracasser le visage contre le tableau de bord.

Sophie ne se souvenait pas de grand-chose. Juste de la douleur et du sang. Elle s'était réveillée à plat ventre, au milieu des bois. Elle avait mal à la tête et au cou, au point qu'elle arrivait à peine à respirer. Et elle avait découvert ce qu'il lui avait fait. Sa culotte gisant sur le sol. Le sang dégoulinant de ses jambes pendant qu'elle rentrait péniblement chez elle. Sachant ce que dirait sa mère, elle avait caché ce qui lui était arrivé. Elle s'était lavée, en pleurant toutes les larmes de son corps, persuadée d'avoir mérité son sort. Puis deux mois plus tard, elle avait compris qu'elle était tombée enceinte. Elle s'était confiée à son père, qui l'avait envoyée chez sa tante. Une dame douce et gentille.

Sophie avait accouché seule d'Amalia, avec l'aide de sa tante malade. Elles avaient été heureuse pendant presque 12 ans. Puis la vielle dame était décédée et elles étaient retournées là-bas, dans l'espoir fou d'y être bien accueillie. Sans le sou, elle n'avait pas eu d'autre choix.

- Amalia est rousse et a de magnifiques yeux verts. Comme ma tante. Elle tient beaucoup de son grand père, ce qui est heureux. Si... si seulement j'avais su... Sanglotait-elle soudain.

Elle continuait son histoire, comme pour faire comprendre que sa fille vivait heureuse quelque part, qu'il ne pouvait en être autrement. Elle expliquait qu'au début, elle n'avait pas compris. Amalia douce, joyeuse, extravertie, était devenue révoltée, maussade, presque colérique. Souvent la nuit, elle l'entendait pleurer. Elle lui avait demander ce qui se passait, pensant que vivre là, ne lui plaisait pas. La jeune fille avait commencé à se faire du mal, en s'entaillant les bras. Par peur, Sophie avait fini par laisser la chambre de sa porte ouverte la nuit et elle avait découvert l'horreur. Elle l'avait surpris, lui, nu se frottant contre le corps de la jeune fille qui le suppliait d'arrêter.

Sophie lui avait parler le lendemain. Folle de rage, elle l'avait giflée, osant le menacer de le dénoncer à la police, la scène qui avait suivi avait été digne de sa cruauté. Il l'avait giflée. Frappée avec les poings et les pieds. Il lui avait dit, que la petite était comme elle, une pute, prête à se faire sauter par n'importe quel homme, qu'elle devait s'estimer heureuse, qu'il soit le premier. Il l'avait attrapé par les cheveux, lui hurlant de ne plus jamais le menacer ou ce qu'il ferait subir à Amalia, serait du plaisir à l'état brute. Le soir même, il s'était exécuté. Il avait emmené l'adolescente dans la grange et avait assouvi tous ses désirs.

Maurice en avait la nausée. Comment un être était-il capable de commettre de telles monstruosités ?

Le temps avait passé, Sophie et Amalia s'étaient tenue à carreau, comprenant que si elles résistaient, elles endureraient pire. Elles avaient osé partir une fois. Prenant leur courage à deux mains, elles s'étaient enfuies un matin. Se cachant chez une amie, du côté de Mulhouse. Mais il les avait retrouvées et ramenées de force, dans une vieille grange abandonnée. Sophie avait été ligotée, pendue par les bras et mise nue, obligée de regarder, Amalia qui subissait les pires sévices, des amis de son frère, pendant près de 48 heures.

Lui avait fini par dire que la prochaine fois, il les obligerait à coucher avec beaucoup d'homme. Qu'elles ne sortiraient plus jamais d'ici. Il avait fini par les violer toutes les deux, après les avoir battues.

Elles n'avaient alors plus jamais osé s'enfuir. Mais Amalia était tombée amoureuse d'un jeune homme. Elle avait repris gout à la vie. Souriait lorsqu'elles étaient seules et enfin, la jeune fille avait annoncé à sa mère, qu'ils allaient s'enfuir. Loin, le plus loin possible. Sophie avait travaillé dur, faisant des heures de ménages, cachant son argent pour le leur donner et enfin un jour, elle était partie. L'argent et ses affaires avaient disparu.

Soulagée Sophie avait fait comme si de rien n'était pendant des mois, avant de demander de l'aide à son père. Elle avait commis l'erreur de lui écrire un petit mot, pour ne pas avoir à crier. Mot qu'avait lu sa mère et qui en avait fait par à son frère. Il l'avait trainée dans cette maudite grange. L'avait attachée comme un animal. L'affamant et la privant d'eau, pour qu'elle lui dise où se trouvait Amalia. Il l'avait violée à de multiple reprise, battue et même marquée au fer rouge. Inconsciente, il l'avait abandonnée au CHUV de Bâle, sans doute par peur que leur père comprenne enfin ce qui se tramait.

Là-bas, l'une des infirmières avait compris. Elle lui avait donner un peu d'argent, récolter des vêtements et un peu de nourriture, avec un aller simple pour Genève. Elle était alors partie, sans jamais se retourner.

Les larmes coulaient sur les joues de Maurice et de Sophie. L'ancien policier avait l'impression d'avoir fait un bon dans le passé. Dans l'horreur et la monstruosité absolue. Jamais, il n'avait entendu un récit aussi abominable. En tant qu'homme, c'était quelque chose qu'il ne pouvait comprendre et encore moins concevoir. L'attirance pour les enfants, les adolescentes. Les viols, la violence. Il se demandait alors comment faisaient les femmes pour tout supporter et rester aussi digne et que forte. Sophie était une victime, pourtant elle était là. Debout. Racontant son calvaire. Racontant l'impensable immondice d'un frère violant sa propre sœur et sa nièce. Il était en admiration devant elle. Elle qui n'était que lumière. Doucement, il s'approchait, montrant sans lâcheté son émotion.

- Merci. Merci pour votre confiance. Merci pour votre force et... et votre lumière.

Sophie se blottissait soudain contre lui, en sanglotant. Avec prudence, il la serrait contre lui, soulagé qu'elle aille enfin pu dire, tout ce qui s'était passé. Soulagé de savoir, qu'un jour, celui qui lui avait servi de frère, allait le payer de sa vie.

Maurice remerciait encore une fois Sophie, qui lui avait assurer aller mieux. Que son époux était comme lui un homme bien, car heureusement, il en restait plein. L'ancien policier n'avait pas eu le cœur de la contredire, à propos de sa fille. Pour elle, Amalia était heureuse. Elle se l'imaginait mariée et mère à son tour, vivant dans un joli appartement. Artiste gothique à ses heures perdues. Il ne se sentait pas de la laisser seule avec ce qu'elle venait de lui confier, mais elle lui avait assurer que son mari et ses deux fils, allaient bientôt arriver et qu'il se faisait tard.

- Oh, monsieur Dugrand, maintenant que j'y pense. Repensa-t-elle, alors qu'il allait monter dans sa voiture. A propos de l'homme qui... je ne connaissais pas son nom, mais je sais qui était sa compagne à l'époque. C'était Gretel. Gretel Auer. Disait-elle, alors qu'il se figeait sur place. Et leur bebe, un garçon... je crois que c'était...

- Friedrich? Demanda-t-il, sous le choc.

Mais ça ne devait pas être ça. Ce n'était pas possible. Friedrich Auer ?

- Oui. Confirmait Sophie. Il doit avoir au moins 30 ans maintenant. J'espère, qu'il n'a jamais su ce qu'était vraiment son père. Pauvre enfant. Ajouta-t-elle, en pensant à sa propre fille.

Maurice eu un arrêt sur image. Il avait soudain la nausée. Il dut déglutir pour garder son estomac, en place. Il regardait alors sa main droite. Il avait serré la main de ce type. Il s'était retrouvé dans la même pièce que lui et à plusieurs reprises. Ils avaient même déjeuner tous ensemble. Un étrange frisson parcourait brusquement son corps. Sa main semblait alors se glacer. Il repensait à son regard. A sa posture.

- Seigneur. Pensa-t-il alors. C'est lui. Friedrich est le fils du tueur de Thonon.

Il réalisait alors. Ce type était le deuxième tueur. Ça ne pouvait être que lui et quand plus, il l'avait suivi tout le weekend, comme il suivait Angélique Delmare.

- Tout va bien. Lui demandait soudain Sophie, car il était devenu tout pale.

- Oui. Assura-t-il. Merci... merci encore pour votre confiance. Prenez soin de vous.

- Merci. Vous aussi. Bon retour. Soyez prudent. Retournait-elle chez elle.

Sophie refermait la porte et se laissait aller contre en pleurant. Jamais, en acceptant la venue de Maurice Dugrand, elle n'aurait pensé déballer son histoire de la sorte. Mais elle n'avait pas pu s'en empêcher.

- Amalia. Murmurait-elle, en sanglotant. Amalia, je t'en supplie, soit heureuse. Seigneur faites qu'elle soit heureuse. Répétait-elle à plusieurs reprises.

Jusqu'ici, elle n'en avait jamais douté, mais maintenant que ses larmes coulaient, elle avait l'impression de glisser dans un gouffre sans fond et d'une tristesse telle, qu'elle crut en mourir.

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