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Angélique inspirait profondément et ouvrit la porte du restaurant d'Henri. Elle ne savait pas, si elle allait réussir à garder son calme, mais elle avait décidé que la seule chose qui comptait, c'était que ce tueur soit arrêté d'une manière ou d'une autre.
- Reste calme. S'imposa-t-elle. Il faut arrêter, ce putain de malade. Pensa-t-elle.
Elle s'avançait en direction de leur table et marquait un temps d'arrêt, en se souvenant que son père l'avait prévenue, que ce maudit Profiler serait présent à leur déjeuner. Elle dut fournir un effort surhumain pour continuer à marcher, comme si de rien n'était.
- Bonjour. Les salua-t-elle froidement, en arrivant près d'eux.
Les deux hommes se levèrent pour l'accueillir et elle vit son père hésiter, à lui faire la bise. Elle serrait les poings et s'installait sur la troisième chaise. Elle était dos à la vitrine. La jeune femme détestait être installée de ce côté-là, mais au moins d'ici, elle pouvait voir Henri dans sa cuisine.
- Salut. Angie, je... merci d'être venue. Disait Louis, en approchant sa main de la sienne.
Mais la jeune femme se calait dans son siège et passait ses mains sous la table. Son père arrêtait son geste et dut contenir l'émotion qui venait de le submerger. Il essayait de paraître détaché et de faire comme si tout allait bien, mais à vrai dire, il était mort de peur.
Sa fille semblait faussement rayonnante. Elle portait un col roulé bleu clair et un pantalon blanc, qui détonnait avec ce qu'elle portait d'habitude. Et c'était sans compter, l'effort qu'elle fournissait pour contenir sa colère. Il la connaissait mieux que personne et savait que cela n'augurait rien de bon.
- Mademoiselle Delmare, je vous présente toutes mes excuses, pour...
- Votre agression ? Lâcha-t-elle, en plongeant durement dans le regard du Profiler.
Elle voulait le mettre mal à l'aise autant qu'elle l'était et surtout, lui rendre la monnaie de sa pièce. Ce type se prenait définitivement, pour ce qu'il n'était pas.
- Oui. Pour... mon agression. Martela-t-il chaque mot.
Une partie de son être, qu'il n'avait jamais soupçonné, venait de s'éveiller. Ryan but une longue gorgée d'eau, il devait garder l'esprit clair. Ils étaient ici pour l'enquête et des vies étaient en jeu.
- Ma Bella Rosa. S'écria soudain Henri, en sortant de sa cuisine.
La jeune femme se levait et le prit dans ses bras. Henri la serrait contre lui, en regardant Louis et ce monsieur Davis. Elle tremblait. Doucement, il lui frottait le dos et lui murmurait en italien, que tout allait bien. Tendrement, il prit son visage entre ses mains et déposait un baiser sur son front.
- Seigneur, tu es aussi belle que ta mère. Assura-t-il, avec un sourire.
Elle lui rendit son sourire et se réinstallait à table, en se retenant de soupirer.
- Tu... c'est quoi le menu du jour ? Demanda Louis troublé et un peu blessé, par ce qui venait de se passer.
- Alors... une caprese en entrée, des raviolis aux bolets et pour finir une meringuée au citron. Détailla Henri, en faisant un clin d'œil, à la jeune femme.
- Parfait. Pour moi un menu. Assura-t-elle, avec un grand sourire.
C'était son menu préféré et elle le remerciait du regard, pour son intention.
- Pour moi aussi. Disait Ryan.
- Pour moi l'entrée et le dessert, mais plutôt un risotto au safran. Demandait Louis, qui n'aimait pas les bolets.
- Magnifique. S'exclama Henri, avant de retourner en cuisine.
Angélique regardait tour à tour Ryan et son père, en se demandant lequel allait ouvrir les hostilités. Mais Louis se sentait vraiment mal à l'aise, sous le regard glacial de sa fille.
- Angie, je suis tellement désolé et... Voulut commencer Louis.
- Papa. Disait-elle. Je suis en colère contre toi, alors soit nous parlons de cette enquête, soit je me lève et je pars. Trancha-t-elle durement.
Elle n'avait pas la moindre envie d'écouter autre chose que ce qu'ils avaient à dire, au sujet de cette affaire.
- Angie, je...
Louis s'arrêtait net, sous le regard accusateur de sa fille.
- Et vous. Ce tournait-elle soudain vers le Profiler. Vous, monsieur Davis, touchez-moi encore une fois sans ma permission et je vous montrerais, ce qu'une fille d'ancien légionnaire est capable de faire pour se défendre, suis-je très clair ? Gronda-t-elle, en clôturant définitivement ce qui c'était passé.
- Limpide. Assura Ryan, en soutenant son regard.
Louis les regardait tour à tour, en fronçant les sourcils. Il avait un drôle d'impression, mais alors qu'il allait dire quelque chose, Henri fit son retour avec les entrées.
- Voila. Disait Henri, en déposant les assiettes.
Il jetait un œil à Louis, afin de prendre la température, mais il remarquait la tension qui régnait entre Angélique et cet américain. Son ami avait-il oublié de le dire quelque chose ?
- Merci Henri. Disait la jeune femme, avec un sourire.
Ryan ne put s'empêcher de la scruter. Il n'était pas dupe de son petit manège. Personne ne se métamorphosait de la sorte, en moins de 24 heures. Henri retournait en cuisine et il décidait d'entrer dans le vif du sujet.
- Je pense, qu'il serait judicieux de partager nos informations. Commençait-il.
Il avait un plan et il devait faire en sorte de regagner un peu sa confiance, ce qui allait être bien plus ardu et complexe qu'il ne le pensait. Mais elle était en danger et il décidait donc de jouer carte sur table. Angélique prit un morceau de tomate et le mâchait lentement.
- Il a deux séries de meurtres distinctes, celle des années 70 et celle de ces deux dernières années et de ce fait, nous pouvons supposer, qu'il y a deux tueurs. Assura-t-il, en regardant Louis en coin.
Ils s'étaient mis d'accord sur le sujet, le seul moyen de la protéger, était de l'intégrer à l'enquête. Le Profiler scrutait la jeune femme qui mangeait tranquillement sa salade.
- Le tueur de Thonon est un...
- Mort. Lâchait soudain Angélique, sans arrêter de couper son morceau de mozzarella.
- Pardon? Demandait Ryan, en la dévisageant. Qu'avez-vous dit?
La jeune femme prit une copie, qu'elle avait faite du dossier d'autopsie de « l'inconnu du lac », comme elle l'avait nommé, dans son sac et le jetait en direction du Profiler, qui plongeait dans le regard du commissaire.
- Le tueur de Thonon a été retrouvé mort, dans le Lac Léman, en 1986. Clarifia-t-elle.
Louis avalait de travers et baissait les yeux, prit soudain de vertiges et Ryan restait sans voix.
Angélique était fière d'elle. Réussir à décontenancer l'un des meilleurs Profiler de sa génération, n'était pas donner à tout le monde.
- Ce... qu'est-ce que. Bégayait Louis. Comment... comment as-tu eu ce dossier ?
- C'est plutôt étrange que tu me poses la question, puisque c'est ton vieil ami Maurice Dugrand qui me l'a donné. Claironna-t-elle, en finissait son entrée.
Elle venait de leur rendre la monnaie de leur pièce et se sentait vraiment bien. Voir ce maudit Profiler, tomber de son piédestal et son père bafouiller, était sans doute l'un des meilleurs moments de sa vie.
Ryan ouvrit le dossier et commençait à le lire. Tout cela n'avait pas le moindre sens. Pourtant, s'il n'avait dû se fier, qu'à la réaction du commissaire, il aurait pu certifier que ce document avait un lien direct avec cette affaire. Mais pourquoi, Maurice Dugrand aurait-il donner le dossier d'un simple inconnu, mort par noyade, à une journaliste ?
- Maurice... Mais cela... cela n'explique pas comment le tueur... comment pourrait-il être mort et tuer trois jeunes femmes, ces...
- Un copycat, Papa. Ça s'appelle un copycat et ne fait pas celui qui ne sait pas de quoi je parle, tu l'as toi-même suggérer dans ton dossier personnel, planqué sous ton bureau au commissariat.
Ryan se tournait brusquement vers lui et Louis sentit un étrange frisson parcourir son dos. Angélique remarquait alors, que le Profiler ne semblait pas avoir tous les éléments en sa possession, ce qui ne manquait pas d'attirer son intention et de la faire sourire intérieurement, lui qui avait osé parler de « partage d'information ».
- Je n'ai aucune certitude. Se défendit Louis. D'ailleurs... Maurice a essayé de suivre plusieurs pistes et... mais sa hiérarchie n'a pas été dans ce sens.
- Je suis au courant. Il m'a aussi donné ses notes personnelles. Ainsi que les dossiers allemands. Répondit-elle fièrement.
Le Profiler n'en croyait pas ses oreilles. Il sentit une vague de colère le submerger. Jamais, il n'avait travaillé dans des conditions pareilles. Mais il s'énerverait plus tard. Il devait vraiment découvrir le lien qui unissait le tueur et la jeune femme. Le commissaire fit de son mieux pour cacher son angoisse et la peur qui venait brusquement de l'envahir.
- Donc, il y aurait d'autres victimes ? Demandait Ryan, en essayant de reprendre le control.
- Oui. 5 de plus, selon Dugrand et le commissaire Hardyl, de Lörrach. Et à l'époque, ils avaient émis la possibilité, que le nombre de victimes soit bien plus importante. Répondit la jeune femme, en se retenant de faire preuve d'arrogance.
- Ça expliquerait bien des choses. Murmurait Ryan.
Le nombre d'année entre la victime de 1974, Chantal Dumont et celle de 1985, Charlotte Rey, lui avait fait penser dans un premier temps, que le tueur avait changer de pays où était en prison. Il avait un semblant de réponse, à sa question.
- J'ai travaillé avec le commissaire Hardyl. Informait-il la jeune femme. Je vais lui demander, son avis et une copie des dossiers.
Louis avait perdu l'appétit et avait à peine réussi à manger, la moitié de son assiette de risotto. Henri avait servi les desserts et les cafés et un silence aussi gênant, que pesant c'était installer depuis plusieurs minutes.
- Acceptez-vous de travailler avec nous, sur cette enquête ? Finissait par demander Ryan.
- Non.
- Angie... mais... et... enfin tu es... Maurice a vu un homme sortir de la cabane du vieux chêne et...
- Papa. Personne ne me suit. Arrête ta paranoïa. Mentit-elle.
Elle n'avait pas la moindre envie de penser à ce malade maintenant. Pas maintenant, qu'elle avait découvert qu'elle en savait plus sur cette enquête, que Ryan Davis en personne.
- Maurice a vu un homme et...
- Mademoiselle Delmare, votre père dit vrai. Le coupait Ryan, en espérant la convaincre. Vu le profil du copycat, j'ai moi aussi la certitude qu'il vous suit. Lui confiait-il.
La jeune femme soupirait profondément et plongeait durement dans le regard du Profiler.
- Lisez bien sur mes lèvres. Aucun homme ne me suit. Rien. Personne. Alors arrêter votre cirque. Et toi papa, tu devrais très sérieusement parler avec ton vieil ami, avant de me convoquer ici la prochaine fois. Décidait-elle, d'en finir avec ce déjeuner.
Elle se levait et Louis lui attrapait la main, dans l'espoir de la retenir, mais elle la retirait aussitôt.
- Angie, tu es en danger. Lâchait-il, au bord des larmes. Tu es ma fille. Je... je veux juste que tu sois en sécurité...
- En sécurité ? Vraiment... Tu te fiches de moi ? S'écriait-elle. Tu envoies mon ex, jaloux et possessif et cette espèce de... à Thonon... Tu n'es même pas en charge de cette putain d'enquête. Gronda-t-elle. La seule personne en danger ici... c'est toi. Toi et ta carrière. Ajouta-t-elle, les larmes aux yeux.
Henri arrivait et montrait aux clients, de s'occuper de leurs oignons.
- Angélique. Disait-il doucement. On... on se...
- STOP. Putain. Je ne suis plus une gamine. Merde. Désolée Henri, mais... mais j'ai en vraiment marre de vos conneries.
Louis était sous le choc de ces paroles. Quant à Ryan, pour la première fois de sa vie, il ne savait plus où se mettre. Mais avant même, que qui que ce soit ne puisse réagir, Angélique sortait du restaurant. Elle avait fait de son mieux pour contenir sa colère et sa déception, mais plus le temps passait et plus sa souffrance grandissait. Son cœur se serrait, car jamais elle ne s'était sentit aussi seule de toute sa vie.
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