15
Angélique ouvrait les yeux et se tournait en direction de la fenêtre, avant de se figer. Le soleil était terne, à cause du brouillard qui régnait autour de la maison et la silhouette du Mont Hermone se dessinait sur la forêt. Elle s'asseyait soudain dans son lit et regardait son réveil, son cœur ratait un battement devant les chiffres qu'il affichait, car il était passé 15 heures.
- Bordel. S'écriait-elle en se levant et en se précipitant dans sa salle de bien.
La jeune femme se fit une rapide toilette et s'habillait, car il était bientôt l'heure de son rendez-vous avec Maurice Dugrand.
Thonon-les-Bains avait radicalement changé au fil des années. Des maisons et même des quartiers entiers étaient sorti de terre, en un temps record. Mais heureusement, le port de Rives et les quais n'avaient pas trop changés. Angélique aimait les alentours du château et du musée de la pêche, qui se trouvait juste à côté du funiculaire.
La place du 16 aout 1944 semblait être protégée par des platanes, qui avec les temps étaient devenus les gardiens silencieux des lieux. La rue, ainsi que ces ruelles pavées, donnaient des allures d'épopée médiéval à cette ville, qui bordait le lac Leman.
La jeune femme perdit son regard sur les façades usées par le temps et celles qui avaient un air de quartier de la Nouvelle Orleans. Le vent balayait les feuilles mortes et essayait de faire plier les parasoles oubliés, de la place. La vue était à couper le souffle malgré le brouillard et la brume qui recouvrait les eaux. Le temps s'était comme arrêter à cause du temps maussade et tout fonctionnait avec lenteur.
Elle attendait sa commande et essayait de faire le vide dans son esprit. Une boule venait de se former dans son estomac, car elle redoutait soudain de parler avec l'ancien policier et d'apprendre que l'enquête était pire que tout ce qu'elle avait imaginé. Le serveur arrivait et déposait son café, son verre d'eau et le jambon beurre. Elle n'avait pas très faim, surtout depuis qu'elle avait trouvé et commencé à lire le journal de sa tante et avait découvert l'existence du tueur, elle avait focalisé toute son énergie sur cette affaire, tout en gardant sa vie intacte. Elle nageait constamment entre deux eaux, qui refusaient de se mélanger.
- Vous désirez autre chose ? Lui demandait le serveur, avec un grand sourire.
Perdue dans ses pensées, la jeune femme mit quelques secondes à réagir.
- Heu, non, merci. Répondit-elle enfin.
Le serveur partit et Angélique essayait vainement de garder la tête froide, car elle avait le pressentiment ou plutôt l'intuition grandissante, que quelque chose allait changer. Son cœur martelait son être et elle sentit une goute de sueur descendre le long de sa colonne.
- Bordel. Frissonnait-elle. Juliette... que vais-je apprendre de plus ? Se tortura-t-elle, l'esprit.
Elle se frottait le visage et but son café, pour se donner du courage. Elle était sur la bonne voie, alors elle ne devait pas renoncer. Pour sa tante et pour toutes les victimes, de cet être immonde.
Un courant frais glissait à l'intérieur du restaurant et la jeune femme reprit ses esprits. Elle mangeait son sandwich et reprit un café.
Peu avant 17 heures, la jeune femme sonnait à la porte, de Maurice Dugrand.
- J'arrive. Criait une voix féminine.
La porte s'ouvrit faisant place à une dame d'un certain âge, mais encore toute pimpante et maquillée avec soin. Grisonnante, les cheveux plutôt courts, un regard noisette et un visage aussi souriant qu'avenant.
- Oh. S'écria-t-elle soudain. Heu, que puis-je pour vous, jeune femme ?
Sa voix cachait brusquement une pointe d'émotion et de tristesse. Angélique la regardait, en se demandant, si elle était à la bonne adresse.
- Vous êtes madame Dugrand ? Demandait la journaliste.
- Grand dieu non. Rigola-t-elle. Je suis Magalie Neuville. La compagne de Maurice. Vous devez être mademoiselle Delmare, la journaliste ?
- Oui, c'est moi.
- Entrez seulement. L'invita-t-elle. Ne faites pas attention au désordre. Maurice est dans la véranda. Il est de mauvaise humeur, mais n'y faite pas attention, c'est un vieux grognon. Se penchait-elle, pour lui en faire la confidence.
- Tu sais, que je vis aussi dans cette maison et que je peux t'entendre. Lui répondit une voix, qui semblait effectivement un peu morose.
Angélique entrait dans la véranda à la suite de Magalie. Maurice Dugrand était un grand homme, fin, avec des faux airs de Jacques Brel. Les cheveux gris et de grand yeux bleus qui la scrutaient. La jeune femme comprit pourquoi, il avait fait partie de la police et pourquoi, il avait été lieutenant. D'ailleurs, il aurait pu faire partie de l'armée ou autres, car il inspirait l'ordre et la discipline. Rien à voir avec la dame avec laquelle il vivait. La jeune femme ne put s'empêcher de sourire. Ils étaient à la fois un contraire et un tout.
Magalie passait soudain derrière la jeune femme et tirait une chaise.
- Installez-vous. Vous prendrez bien un café et une tranche de tarte aux pommes ?
Et avant même qu'Angélique puisse répondre, elle repartait comme elle était venue.
- Bonjour. Commença la jeune femme, en s'adressant à Maurice. Je suis contente, que vous puissiez me recevoir.
- Je n'ai pas vraiment eu le choix, vu le nombre de messages, que vous vous entêtiez à me laisser.
- Maurice Dugrand. Cria soudain Magalie, depuis la cuisine. Je te préviens que si tu ne fais pas preuves de plus de courtoisies envers cette jeune femme, tu iras trouver ta mère, tout seul.
L'ancien policier grommelait quelques mots et s'excusait auprès de la jeune femme.
- Donc, vous êtes journaliste. Comment êtes-vous tombée sur cette vielle affaire? Et en quoi puis-je vous aider? Demandait-il clairement et d'une seule traite.
- Oui, je suis journaliste d'investigation. Ma famille possède une maison de vacances dans la région et je suis tombée sur de vieux journaux de mon grand-père. J'ai voulu en savoir plus et j'ai décidé de mener une enquête.
La jeune femme ne mentait pas vraiment. Elle était tombée sur un journal intime, sa famille avait vraiment une maison ici, même si désormais, elle était la dernière héritière des « De-La-Tours ». Maurice se levait, prit une boite d'archive en carton et la posait sur la table, comme si un colissée reposait sur ses épaules.
- Tout est là. Les dossiers, les interrogatoires, les listes de témoins, les autopsies. Tout. Inspirait-il en se demandant une fois de plus, s'il avait raison de lui confier tout cela.
Angélique se levait à son tour et s'approchait du carton. L'ancien policier plongeait soudain dans son regard.
- Et pour ce qui est de cette nouvelle série de meurtre, je n'ai pas eu beaucoup d'infos. En réalité, il n'y a pas plus d'infos qu'à l'époque. A ceci près que...
- Voila. Disait Magalie, en arrivant avec trois cafés et trois parts de tartes. Oh désolée, je ne voulais pas vous interrompre. S'excusa-t-elle, en débarrassant son plateau.
La jeune femme se tournait vers Maurice, qui reprit là où il en était resté.
- A ceci près... à ceci près, qu'il y a quelques années, j'ai découvert une autre série de meurtre similaire. Avouait-il en essayant de contenir sa colère.
Il avait essayé de convaincre ses supérieurs à l'époque, mais personne ne l'avait écouté et il ne pouvait s'empêcher de se sentir responsable.
La jeune femme sentit des milliers de papillon dans son ventre. Des milliers de frissons la transpercèrent et l'espace d'un instant, elle crut manquer d'air. Elle fermait les yeux juste un instant et vit des dizaines de corps. Comme les photos de charniers que lui avait montrer l'un des survivants de l'holocauste. Alors elle avait raison et s'était pour cela que sa tante avait inscrit trois petits points après les noms des premières victimes. Le tueur de Thonon était un véritable tueur et violeur en série.
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