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            - Il ne va pas prendre l'autoroute, ce type est loin d'être stupide. Expliquait Ryan.

- Et vous pensez qu'il va où ? Demandait Clovis, qui ne comprenait toujours pas pourquoi, il devait collaborer avec eux.

- Paris est trop risqué, ainsi que Thonon, de plus ce sont les lieux d'Angie, pas les siens. Il va l'amener chez lui.

- Tu penses à Lörrach ? Les charniers ? Proposait Éric.

- Possible. Mais l'endroit est vaste et sans sa véritable identité, je... je ne sais pas, par quoi commencer. Avouait le jeune homme

- Putain, mais... vous servez à quoi ? S'énervait Louis, qui tournait comme un lion en cage.

- Commissaire, Ryan est Profiler, pas magicien ou enquêteur. Le coupait Éric. Il fait le profil des tueurs et si vous ne lui aviez pas cacher des éléments importants, nous n'en serions pas là.

Le mentor plongeait dans le regard du jeune homme et lui fit comprendre, qu'il ne devait rien lâcher.

- Tu penses que Biga pourrait trouver, qui pourrait créer de faux documents de cette nature, en Allemagne ? Ce serait une base. Proposait Éric.

- Attendez... mais qui est Biga ? Nous menons une enquete... Ici en France, on n'est pas des cowboys, pas question qu'une civile... S'énervait Clovis, alors que personne ne lui prêtait attention.

- Elle essaie de regrouper les données téléphoniques entre Angélique, Julien et lui. Elle va relier les bornages, afin d'affiner la recherche. Elle va aussi prendre en compte le téléphone de Durieux. Détaillait Ryan.

- Bien. Que pouvons-nous faire ? Demandait le mentor, heureux que le jeune homme essaie de garder la tête froide.

- Je vais contacter Hardyl et voir s'il peut en savoir plus de son côté et...

- NON MAIS ATTENDEZ. S'énervait le gendarme. De quoi vous parlez ? HEIN.

Son anglais n'était pas parfait, mais il avait compris les grandes lignes de leur conversation et il n'était pas question, qu'il laisse faire une telle chose,

- Louis ? Demandait-il, en les regardant tour à tour.

- Je vais parler avec Jacques, le fils de Maurice. Il connaît bien Charles, peut-être a-t-il vu ou entendu quelque chose. Proposait le commissaire. Je vais aussi voir avec les collègues de Thonon. Se reprit-il, en comprenant que chacun faisait de son mieux, pour retrouver sa fille.

Clovis était à deux doigts de sortir de ses gonds et tremblait de colère. Jamais, il n'avait travaillé dans des conditions pareilles.

- Bien. Grondait-il brusquement. Et moi, je vais aller parler avec le lieutenant-co...

- Salut Louis. Disait soudain la voix d'Olivier Fournier.

Fébrilement, il entrait dans le manoir, qui était devenu un véritable QG et s'approchait d'eux.

- Tu fous quoi ici. S'énervait ce dernier.

Le ton glacial du commissaire fit comprendre à tout le monde, que de vieux grief existait entre eux.

- Louis... je... je me demandais ce... ce qui se passait. Angélique est là ? Et...

- Ne prononce pas son prénom. Grondait-il en s'approchant de lui. Je t'interdis de prononcer leur prénom.

- Je... je voulais simplement...

Louis l'attrapait soudain par le col et le soulevait d'une seule main, sous les regards effarés de chacun.

- Quoi... demander pardon ? Tu vas demander pardon à Juliette et à ma femme... t'es qu'une merde et ton frère est un putain de monstre. Martelait-il chaque mot.

Olivier baissait les yeux. Chacun des mots que venait de prononcer Louis, était comme un coup de poignard et il ne pouvait pas lui en vouloir.

- Sort. Le lâchait-il brusquement. Si tu refous les pieds sur la propriété de ma fille, je te jure que ta femme ne reconnaitra pas ton visage. Le menaçait-il sans sourciller.

Ryan qui observait la scène se tournait soudain vers Éric, qui comprit que son intuition était la bonne. Olivier en savait plus qu'il ne le prétendait.

- Venez. Lui disait-il. Je vais vous raccompagner. Lui montrait-il la double porte du manoir.

- Merci. Vous savez, je... je voulais vraiment m'excuser. Assura-t-il en sortant de la demeure. Mais... Louis ne me pardonnera jamais. Assura-t-il, en se frottant les mains.

Et ce n'était pas faute d'avoir essayé. Il avait entretenu le domaine sans rien demander, il avait même rendu régulièrement visite à la mère des jumelles, lorsqu'elle était en maison de retraite. Il avait vraiment essayé de réparer ses erreurs.

- Qu'est-ce que Louis ne vous pardonnera pas ? Demandait Éric, pour le mettre à l'aise et en se concentrant pour bien le comprendre.

Depuis qu'ils avaient parlé avec le couple Fournier, il avait eu le sentiment qu'Olivier en avait gros sur le cœur et qu'il avait besoin de rectifier la vérité.

- Ce... ce qui est arrivé à Juliette. Soupirait-il.

- Monsieur Fournier, si je puis me permettre, vous devriez dire ce que vous avez sur le cœur. Lui souriait-il.

Olivier inspirait profondément, il ne savait pas vraiment ce qui se passait, mais effectivement, il avait besoin d'en parler. Voilà des années, qu'il gardait toutes ces histoires pour lui. Solange le trompait et n'en avait plus rien à faire de lui. Son père l'avait pratiquement déshérité car selon lui, il n'était qu'une mauviette. Beaucoup c'était retourner contre lui, après la rupture de ses fiançailles avec Juliette.

- Je... Jean a débarqué un jour, il devait avoir 14 ans à l'époque. Mon père a été monstrueux avec lui, autant qu'avec moi. Il nous battait souvent. Quand il avait 15 ans, il est devenu ami avec Juliette qui n'avait que 9 ans à l'époque. La situation était tendue entre nos domaines. De vieilles histoires de terrains, mais le père De-la-Tours ne voulait pas de conflit, alors il a redonné le bout de terrain à mon père, qui a fait semblant d'être amis avec lui et... et il... il m'a poussé à sortir avec Juliette pour tout obtenir.

Les larmes coulaient sur ses joues. Il n'avait jamais parler de cela à personne, pas même à Solange. Il continuait son récit, expliquant qu'avec Juliette, ils avaient fini par tomber vraiment amoureux l'un de l'autre et qu'elle ne l'avait pas jugée, lorsqu'il avait eu un jour le courage, de lui avouer le désir et le stratagème de son père.

Qu'elle avait toujours considérer Jean, comme le grand frère, qu'elle n'avait jamais eu. Comprenant son retard mental, lui apprenant à lire et à écrire. A danser, à aimer la vie et toutes ces petites choses. En échange, Jean lui avait appris ce qu'il savait de la terre. L'engrais, l'acidité du terrain et tout ce qu'il avait appris, passionné qu'il était par l'agriculture.

- Je sais plus qui avait dit quelque chose comme : Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre , il passera toute sa vie à croire qu'il est stupide. C'était exactement cela pour Jean. Dans le domaine, il était vraiment intelligent et attentif, mais pour le reste... il n'était qu'un enfant. Un simplet. Il suivait Juliette partout... mais comme un enfant qui suit sa mère. Je... je vous jure que... que je n'avais pas compris à l'époque.

Ils s'étaient arrêtés sur le muret entre les deux domaines. Olivier pleurait à chaudes larmes, la souffrance qu'il éprouvait depuis quelques années, était devenu insurmontable et il avait besoin de la laisser s'échapper.

- Que n'aviez-vous pas comprit à l'époque ? L'encourageait Éric.

- Il n'y connaissait rien aux femmes. Je croyais que... qu'il ne voyait en Juliette qu'une sœur... mais cet été-là, tout est devenu vraiment étrange. Nous étions toute la bande en vacances à Thonon. J'avais réussi à convaincre mon père de me laisser y aller, prétextant vouloir me rapprocher de la famille, mais il a posé une condition... que Jean... vienne avec nous.

Il s'arrêtait soudain pour reprendre son souffle, il sanglotait et avait l'impression malgré les années, de trahir la mémoire de Juliette.

- On... on était tous en couple... mais à l'époque, c'était chaste et très diffèrent de maintenant. Un soir, on avait tous beaucoup trop bu et on était resté chez la famille Perrier, des amis des De-la-Tours, car ils avaient une fille au pair, qui était adulte. Adèle. Je me suis réveillé. On dormait tous dans le salon et... et là... je...j'ai vu Jean se... se toucher. Il était debout à quelques centimètres de la jeune femme. Elle dormait... honnêtement, je ne suis même pas sûr de ce que j'ai vu... je... je lui en ai parlé et il m'a dit de me mêler de mes histoires ou il dirait tout à mon père. J'avais la trouille, car il avait compris que... que j'aimais vraiment Juliette. Mais je vous jure, que jamais je n'ai pensé, qu'il lui avait fait du mal.

Il inspirait profondément à plusieurs reprises, pour reprendre son souffle. Ce qu'il racontait lui faisait mal, mais le soulageait aussi.

- Juliette avait changé. Elle passait de moins en moins de temps avec lui. Un jour, elle m'avait même demandé, si lorsqu'on serait mariés, on pourrait partir. Elle rêvait d'aller dans le sud de la France. Moi... moi je voulais juste être avec elle. Puis... puis il y a eu Lucie. Juliette m'a dit que c'était Jean et je ne l'ai pas crue. Tout cela n'avait pas de sens pour moi et je...je voulais juste partir. En juin 1972, nous avons annoncé nos fiançailles. Mon père était content, car pour lui, il allait enfin obtenir le domaine.

Sa voix changeait et se brisait. Il peinait de plus en plus à retracer cette partie de sa vie, qui avait été la plus terrible de son existence.

- Le 19... Jean... il... j'ai entendu des cris qui venait de la grange... J'ai reconnu la voix de Juliette et j'ai couru. Il... Jean était en train de... de lui faire toutes ces choses. Elle hurlait. Suppliait. Je suis intervenu, mais il était tellement fort, qu'il m'a frappé à la tête et je me suis évanouie.

Il dut inspirer profondément à plusieurs reprises. Il avait le regard dans le vide, comme s'il revivait cette scène.

- Lorsque je suis revenu à moi. Juliette était nue. Couverte de coup et de griffure. Sa robe était en lambeau. Il... il l'avait violée. Il m'a dit que désormais, elle serait sa femme, car elle porterait leur enfant.

Olivier s'arrêtait un instant pour reprendre ses esprits. Il fermait les yeux, mais les rouvrait aussitôt. L'image de la jeune femme était gravée dans ses souvenirs.

- Je suis rentré chez moi. J'ai supplié mon père de le dénoncer à la police. De faire quelque chose, mais... il m'a interdit de revoir Juliette. Il m'a dit que désormais, elle appartenait à Jean. Qu'il était mon frère et que d'une manière ou d'une autre, désormais, le domaine serait à lui. Je lui ai dit ce que Jean avait fait à ces deux jeunes femmes, alors il m'a frappé en me disant, qu'il ne me laisserait pas foutre en l'air... sa famille. Qu'à partir de cet instant-là, je ferais tout ce qu'il me dirait, à commencer par fermer ma gueule. Il m'a frappé, encore et encore. Je... j'ai cru que j'allais mourir et que... que si je résistais, il finirait par s'en prendre aussi à Juliette. J'étais terrifié. Sanglotait-il, en se frottant frénétiquement les mains.

Éric était horrifié par le récit d'Olivier. C'était monstrueux. Comment un homme avait-il pu traiter ainsi ses deux fils. La chair de sa chair. Jouer avec la vie d'une jeune femme innocente et protéger un violeur, un tueur, tout cela pour un bout de terrain !

- J'aurais dut affronter mon père. Aller à la police. J'aurais dû protéger Juliette. Puis... mon père m'a obligé à me fiancer à Solange, l'amie de Ludivine. C'étaient les pires moments de toute mon existence et... j'ai vu la souffrance de... de l'amour de ma vie. Elle... elle s'est suicidée. Avoua-t-il enfin. Elle s'est pendue dans la grange. Comme elle avait la santé fragile, la famille De-la-Tour ont fait passer cela pour un problème cardiaque, mais on savait tous... ce qu'il en était. Ludivine m'a haïe après cela, Louis a refusé de me pardonner et... et tout le monde à continuer sa vie. Plongeait-il ses mains dans son visage.

Éric restait un long moment sans bouger, ne sachant plus vraiment, si le tueur de Thonon était le seul véritable monstre de cette histoire.

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