VIOLET
Sur un fond sonore de BBC et à cause de la pluie qui se faisait de plus en plus forte, Mummy conduisait à allure raisonnable. La petite route de campagne qu'elle avait suivait depuis presque 3 heures donnait l'impression d'être perdu au beau milieu de nulle part. Violet s'ennuyait. Dès le début du trajet, Cyrus s'était enfoncé dans un sommeil profond et n'en était pas sorti, confortablement installé qu'il était dans son siège-auto. Quand à Charlene, si elle avait perdu sa tête des mauvais jours, elle portait toujours ses écouteurs enfoncés dans les oreilles et pianotait frénétiquement sur son portable ou bien changeait brutalement de position, en une quête désespérée pour ne serait-ce qu'une petite barre de réseau, annonçant le retour de la civilisation. Aucune chance donc de trouver une source de distraction de ce côté là non plus. A l'avant de la voiture, Ruth était plongée dans ses pensées, comme la plupart du temps, et affichait une petit moue maussade. Et ce n'était même pas la peine de demander à Mummy de faire un jeu avec elle : elle était beaucoup trop concentrée sur cette route qui zigzaguait sans cesse.
Décidément, Violet s'ennuyait. De temps en temps, ils passaient non loin de quelque ferme, ce qui aurait pu lui permettre d'apercevoir des vaches ou des moutons. Mais la pluie battait la terre et tous les êtres vivants à 5 kilomètres à la ronde s'étaient réfugiés à l'abri du déluge. D'ordinaire, elle aimait bien la pluie. Mais aujourd'hui, c'était une mauvaise pluie. Elle avait quitté sa maison, ainsi que tous ses amis, et en plus, Daddy n'était pas là. Il était parti avec une dame jeune, belle, blonde et souriante pour vivre avec elle et le bébé. Il lui avait dit qu'il reviendrait la voir et lui avait fait jurer de ne pas pleurer. Elle avait juré. Après tout, elle était grande maintenant. Elle aurait bientôt 7 ans ! Mais malgré ses promesses, Daddy n'était pas venu. Pourtant, elle l'avait appelé, juste comme il lui avait dit de le faire. Elle avait murmuré son nom, le soir dans son lit. Elle avait même pleuré... Oh, juste un peu ! Et sans faire de bruit, en plus ! Peut-être qu'il viendrait la voir, dans la nouvelle maison ! Tout ce qu'elle espérait, c'est qu'il y aurait un grand jardin, avec un arbre pour y accrocher une balançoire, et qu'il y aurait plein d'enfants avec qui jouer.
La nuit commençait à tomber, si bien que Mummy dû allumer les phares de la voiture. Maintenant, Violet ne voyait plus rien du monde extérieur. A peine discernait-elle les lueurs des maisons environnantes qui pourtant se faisaient de plus en plus nombreuses. Et cette pluie qui n'en finissait pas de tomber ! Elle s'imaginait déjà dans Raining Cats and Frogs, ce dessin animé qu'elle avait vu à l'école, avec la méchante tortue ! Comme ce serait drôle de vivre plusieurs mois sur un bateau, au milieu des animaux...
La Ford grise traversa un petit bourg désertique aux allures moyenâgeuses sous une pluie battante qui semblait ne jamais vouloir s'arrêter. A l'écart de la petite ville, perdue au milieu des chênes et autres champs à l'abandon, une auberge de taille modeste apparu finalement dans le champ de vision de Violet. Mummy se dirigea vers le parking réservé à la clientèle, désert lui aussi. Tous sortirent du véhicule et se dirigèrent en courant et zigzaguant entre les gouttes vers l'entrée de l'auberge et la promesse d'un repas chaud. Derrière un comptoir en bois délavé par l'usure et le temps se tenait une petite femme d'un âge respectable. Tout le sol était recouvert d'une moquette rouge sombre ayant fait son temps et sur les murs s'étendait une tapisserie aux couleurs passées. Mais ce qui attira le plus le regard de Violet, et visiblement celui de Cyrus, c'étaient la collection d'oiseaux empaillés que l'on retrouvait partout. Sur les murs, perchés au-dessus du porte-manteau, devant la cage d'escaliers, derrière le comptoir. Le petit garçon s'était arrêté net devant un énorme coq de bruyère qui le dominait presque. Violet était mal à l'aise. Il y avait quelque chose de gênant à être entourée d'oiseaux morts. Elle avait l' impression d'être observée et jugée de tous côtés, et elle n'aimait pas cela. C'était...comment aurait dit Charlene ? Malsain, voilà. Hypnotisés par les volatiles figés dans le temps, les deux enfants entendirent à peine les instructions que la tenancière remettait à Mummy, en même temps que les clés des chambres. Arrachés à leur contemplation par leurs aînées, ils les suivirent finalement à l'étage dans un état second.
Le couloir, à l'image du rez-de-chaussée, n'était qu'une succession de portes, identiques les unes aux autres, à l'exception du numéro. Mummy s'arrêta enfin devant l'une d'elles - le numéro 24 - puis se tourna vers les jumelles, et à voix basse :
- Voilà, nous on dort ici et votre chambre est un peu plus loin. Il me semble que c'est la 37, ajouta-t-elle en leur tendant une clé.
Évidemment, la réaction de Charlene ne se fit pas attendre :
- La 37 ? C'est ridicule ! Pourquoi on n'a pas des chambres voisines ? Cet hôtel est aussi vide qu'une piscine municipale au mois de décembre !
- Charlene ! Peut-être que les autres chambres ne sont pas utilisables pour le moment... Ce n'est pas si grave. Et parle moins fort ! Tout le monde ne tient pas à savoir que la disposition des lieux ne convient pas à Miss Bowers !
Jetant un regard noir à Mummy, Charlene saisit les clés d'un geste vif et se dirigea à grands pas vers sa chambre, Ruth sur les talons.
Lorsqu'ils entrèrent dans la chambre, Violet fut saisit d'effroi. De nouveau, des oiseaux empaillés qui tous la regardaient de leurs yeux vides, et pourtant pénétrant, comme si tous étaient au courant du moindre de ses secrets. Elle était persuadée qu'elle ne pourrait jamais dormir en sachant que tous ces cadavres l'observaient. Mais déjà Mummy posait leurs affaires sur l'un des lits et sortait la trousse de toilette qu'elle emporta dans la salle de bain. Cyrus s'installait tranquillement sur le lit double, testait les ressorts du matelas, remettait les coussins en place et finit par enlever ses chaussures pour être plus à son aise. Les oiseaux qui l'avaient tant dérouté au rez-de-chaussée semblaient ne plus exister à ses yeux. Violet se sentit stupide et étrangement seule dans cette pièce inconnue où se frère se croyait déjà comme à la maison et où Mummy vaquait à ses activités de rangement, même si - fort heureusement - ils ne restaient qu'une nuit.
La porte de la chambre s'ouvrit brusquement, ce qui fit sursauter Violet et lui laissa une vilaine boule dans la gorge. Mais ce n'était que ses sœurs. Ou, plus exactement, ce n'était que Charlene, et Ruth qui la suivait comme son ombre. En véritable coup de vent, la première vint s'installer sur le grand lit, acte qui eut pour résultat de faire émettre des petits bruits de mécontentement à Cyrus qui avait passé tant de temps à en faire l'endroit le plus confortable au monde. L'ignorant royalement, Charlene fit signe à sa jumelle de venir la rejoindre au bord du matelas et Ruth s'exécuta immédiatement. Au milieu de la pièce se tenait toujours Violet, qui regardait sans trop y croire ses frère et sœurs se conduire comme s'il était tout à fait normal de voir des volatiles décédés dès que l'on levait le bout de son nez. Mummy, ayant entendu du bruit, finit par passer la tête dans l'embrasure de la porte et s'adressa à ses aînées :
- Finalement, elle n'est pas si mal cette auberge ?
Charlene répondit du tac au tac :
- Non... Je me demande juste où ils planquent Norman Bates et s'il compte venir nous rendre visite quand on sera sous la douche.
Violet n'avait aucune idée de qui était ce Norman Bates, mais l'idée que quelqu'un - autre que Mummy - la voit sous la douche lui donnait des frissons. Aussi, sentant que le "non" de sa sœur n'était pas tout à fait celui qu'avait espéré Mommy, elle décida de donner, elle aussi, son opinion sur l'auberge :
- Oh dis, s'il te plaît Mummy, on ne pourrait pas aller dormir ailleurs ? lança-t-elle sur un ton suppliant.
Interloquée par la prise de parole de sa cadette, Maman se tourna vers elle :
- Mais, honey, pourquoi diable voudrais-tu aller dormir ailleurs ?
Violet ouvrit la bouche et la referma aussitôt. Non. Elle ne pouvait pas dire qu'elle avait peur des oiseaux. C'était stupide. Ils étaient morts. Ils ne pourraient rien lui faire. Les morts, ça ne bouge pas. Et puis, Charlene se moquerait d'elle. Mais, maintenant qu'elle avait ouvert la bouche, elle devait trouver une réponse. Au fur et à mesure qu'elle se creusait la cervelle pour trouver une réponse acceptable, ses joues s'empourpraient de plus en plus, jusqu'à devenir écarlate.
- Parce que... Parce que...
Tout à coup, Violet sentit les larmes rouler sur sa peau. Elle n'avait pas su les retenir. Quelle idiote !
Alarmée, Mummy la prit dans ses bras et la berça d'une voix rassurante :
- Eh, honey... Chut, chut, allons... C'est le déménagement qui te mets dans cette état ?
Ouf, sauvée !
- Tu sais, il ne faut pas...continuait Mummy. Je suis sûre qu'il y aura pleins d'enfants pour jouer avec toi... Et tu verras, ça va être amusant de découvrir une autre maison !
Séchant ses larmes, Violet acquiesça et tenta un sourire. Au moment même où Mummy se relevait, un DONG sonore retentit et fit trembler les murs, ainsi que la petite fille. Décidément, ce lieu était horrible ! Mummy regarda sa montre : il était 9 heures.
- Allez, tout le monde descend : la propriétaire a bien insisté sur le fait que le repas était servi à 9 heures précises et je ne tiens pas à la faire attendre.
Ils se levèrent du lit et tous quittèrent la chambre, sauf Violet qui resta immobile au milieu de la pièce, fixant la moquette l'air pensif. Il n'y avait plus un bruit dans cette auberge décidément trop vide pour sa taille ou trop grande pour ses clients. Elle ne savait plus bien. L'enfant cru soudain entendre un bruit et leva la tête. Oh, ce n'était pas un bruit très fort, non. A peine un craquement. Mais dans cet endroit trop silencieux, le moindre petit bruissement prenait des proportions de rugissements d'avions de chasse. Alors qu'elle cherchait l'origine de ce bruit, ses yeux se posèrent sur l'un des oiseaux, un corbeau la bouche grande ouverte, figé dans son croassement. Pétrifiée de peur et pourtant hypnotisée, Violet n'osait quitter l'oiseau des yeux. Aspirée et en transe, elle avait à peine conscience de se rapprocher petit à petit du charognard ailé. Lorsqu'elle ne fut plus qu'à quelques centimètres du volatile noir ébène cependant, il lui sembla voir les plumes des ailes frémirent et s'agiter. Elle reporta son regard dans celui de la créature qui venait de tendre le cou et lui jetait son cri annonceur de mort au visage. Prise d'un sentiment d'horreur sans nom, Violet couru hors de la pièce aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient, sans prendre la peine de refermer la porte et ne s'arrêta qu'à l'entrée de la salle commune où l'aubergiste amenait déjà le souper.
Hop ! Un deuxième chapitre un peu plus long (et oui, pour une fois j'étais inspirée) ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires, ça fait toujours plaisir !
A+ dans le bus !
Tchao !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top