Denis
Moment présent.
J'ai perdu. Quand je la vois s'éloigner dans la rue sans m'adresser aucun regard en arrière, je capte à quel point je suis une merde.
Je sais qu'au départ, elle me voyait comme un mec qui ne connaissait le dialogue qu'a travers ses poings. Je sais aussi qu'à un autre moment elle a essayé de me comprendre. Elle voulait savoir pourquoi j'en voulais autant à son chien de frère. Ensuite, elle a clairement eu pitié de moi quand je lui ai raconté l'histoire de Kate mais maintenant, je viens de rajouter une toute nouvelle chose sur la liste déjà bien remplie. Maintenant, elle sait que je suis assez détraqué pour faire souffrir n'importe qui sur mon passage. Elle me voit comme un monstre capable de faire des choses immorales par pur égoïsme. Ouais, je suis comme ça. Je suis un putain d'égoïste qui était capable d'absolument tout pour venger ma petite sœur. J'étais capable de me transformer en un mec qui moi même me répugne. Parce que pour Kate, je ferais tout. Mais depuis un petit moment et même si je voulais pas me l'avouer, j'ai aussi compris que j'avais des limites. C'est difficile à admettre mais cette fille en qui je ne voyais que ma vengeance, m'a montré mes limites.
Personne ne m'a jamais autant fasciné qu'elle. Personne ne m'a jamais autant obsédé qu'elle. Personne ne m'a jamais donné l'impression de regretter. Pour la première fois, je réalise ce que c'est. Cette fille est rentrée dans ma tête depuis cette soirée chez Paloma. Après ce soir là, je ressentais toujours l'envie d'être proche d'elle pour l'embêter, la voir s'énerver, sourire, s'interroger. Cette façon d'être tout simplement si pure et forte, je ne l'avais jamais vue chez quelqu'un d'autre. C'est une fille qui a beaucoup souffert, je l'ai vu et pourtant elle trouve le moyen d'être si brillante. C'est une lumière et j'ai compris ce soir que je ne faisais que l'éteindre à petit feu.
Moi je suis pas comme elle. Ma souffrance, je l'ai tourné en quelque chose de toxique. Je voulais me venger de la plus horrible des façons et je regrette d'avoir ne serait-ce que pensé à lui faire vivre tout ça.
Quand je réalise que ça fait presque une heure que je suis assis sur le capot de ma bagnole à me détester comme jamais, je me rends compte d'une autre chose. J'ai peut être l'occasion de me racheter. Je réalise que je peux toujours faire quelque chose pour elle, une chose de bien pour une fois.
Je remonte en vitesse dans ma caisse et dégage d'ici au plus vite. Je ne cherche pas vraiment à respecter les limites de vitesses, si je crève, c'est que je le mérite.
Je finis par me garer juste devant chez lui et j'espère qu'il y est. Je frappe à plusieurs reprises à sa porte et c'est sur ses vieux que je tombe. Putain !
- Faites-le descendre.
Ses parents me regardent bizarrement. Ils ont pas l'habitude depuis le temps ? J'en ai rien à carrer de la putain de politesse. Ça ne fait pas trop partie de mon vocabulaire quand je suis vénère.
Je crois qu'ils acceptent. Sa mère me propose d'entrée comme si j'avais envie de discuter en famille. Elle se fout de ma gueule. Si j'avais besoin d'une discussion entre mère et fils, j'irais voir ma mère.
Puis j'y repense. Je me rappelle que ça fait deux ans qu'elle n'a pas dit un mot. Ça fait deux putain d'années que c'est un légume. C'est comme si elle était complètement déconnectée. Depuis la mort de Kate, elle n'a pas prononcé un mot. Elle est traumatisée ou juste vidée. Je la comprends, c'est pas tous les jours qu'on retrouve sa fille morte dans la salle de bain.
Après plusieurs minutes, John finit enfin par venir me voir. Il me regarde inquiet, avec son regard de daron prêt à me demander ce que j'ai encore foutu. Qu'il oublie pas que lui et moi, on est de la même espèce.
- Qu'est-ce qui t'arrive pour débarquer à cette heure-ci ?
Je m'éloigne de la maison pour éviter que ces vieux assistent au spectacle. J'ai pas besoin de quatre autres yeux qui me dévisagent. Je remonte dans ma voiture et John fait de même.
- T'as foutu quoi encore, parle !
J'ai envie de lui balancer qu'il n'a pas à me gueuler dessus comme si j'étais sa meuf mais je me ravise, j'ai clairement pas la force de me battre avec lui.
- Je lui ai tout raconté.
- Quoi ? Putain t'as tout raconté à qui ?
Il est con ou il le fait exprès ? Quand je réussis enfin à le regarder en face, je vois qu'il le fait vraiment pas exprès.
- L'indienne ?
J'ai horreur qu'il l'appelle comme ça. Je sais à quel point ça lui fait mal quand moi je la surnomme comme ça mais lui c'est autre chose. Un seul con à la fois.
- Diviya putain, l'appelle plus comme ça.
J'essaie de contrôler ma voix, j'essaie de rester calme et là je vois le visage de mon pote se calmer. C'est pas contagieux, je me sens toujours aussi mal.
- Comment ça t'as tout raconté ?
- Mon plan de merde, je lui ai tout balancé.
Il me regarde les globes oculaires prêts à sortir de leur orbites. Ça y est j'ai compris, même moi je sais pas pourquoi j'ai tout dit. Elle a insisté depuis si longtemps, et ensuite elle m'a ignoré pendant si longtemps, je crois que c'était peut être le seul espoir pour qu'elle me reparle. Au final, je suis sur que maintenant elle voudra plus rien de moi. C'est peut être pas plus mal.
- Dis-moi que t'as sauté la partie où tu comptais te venger sur elle.
Il attend. Je ne dis rien. Il va peut être finir par capter ce que « je lui ai tout balancé » signifie. Là ! Voilà ça y est, quand son visage se déforme encore, je vois qu'il a compris.
- Bravo, mec ! Là t'as tout gagné. Elle va finir par te balancer au flic.
Elle ne le fera pas. Elle va dire quoi ? J'ai rien fais. Je me suis arrêté. J'ai abandonné ce plan de merde.
- Ok vas-y balance, c'est quoi qui te fais chier ? Pourquoi t'es venue jusque ici à cette heure ?
- Je veux que tu m'aides à faire une dernière chose.
- Dernière chose ? Tu comptes faire quoi après ?
- Me casser d'ici, tu sais très bien que si je reste je vais finir par tuer ce fils de pute d'Aless.
C'est ce qui a de mieux faire. Quand on arrive pas à désamorcer la bombe, on l'éloigne. Je sers à rien dans cette ville. Mes études, j'en ai clairement plus rien à carrer. Je me casse, me trouve un job de merde, je rends visite à mes parents une fois tous les ans et voilà.
- Ok vas-y dis-moi, qu'est-ce que tu veux ?
- Je veux que tu me trouves ce mec.
Je sais pas d'où il sort. Il l'a suit comme sa putain d'ombre et il ose faire le rigolo. Si je dois dégager d'ici, c'est pas avant de l'avoir écarter de son chemin. C'est la moindre des choses.
- Quel mec ? J'suis pas dans ta tête mec, soit clair.
- Celui qui la faisait chier tout à l'heure.
Cette fois, il comprends direct. Il est peut être pas si con le John.
- Tu te fous de ma gueule là ?
- Je suis très sérieux.
- C'est pas tes ognons bordel ! Hernandez, tu dois oublier cette foutu meuf, tu captes ou pas ?
Cette foutue meuf ne mérite pas tout ce qu'elle a vécu. Cette meuf, je ne peux pas m'empêcher de penser à ce que je lui voulais. Ça me ronge et le seul moyen d'oublier ce plan foireux, c'est que je lui rende ce service.
- Tu peux le trouver ou pas ?
Je le vois se mettre à rire comme un taré. Je vois pas trop ce qui est drôle dans la situation là.
- T'es complètement piqué, j'arrive pas à le croire. Moi qui pensais que ça t'arriverais jamais ...
- Ferme-là avec ça, c'est pas le moment ! J'ai clairement balancé que je voulais l'utiliser pour ma putain de vengeance, je lui dois ça.
Il me regarde comme s'il croyait pas un mot de ce que je venais de sortir. Je m'en balance qu'il y croit ou pas, je veux ce mec.
- Ah ouais ? Hernandez, pourquoi t'as pas senti cette putain de culpabilité avec l'autre, Jessy hein ? Moi je vais te dire pourquoi, t'es un putain d'enfoiré capable de n'importe quoi pour venger sa petite sœur mais tu ne m'enlèveras pas ce que je viens de cracher. Cette foutue indienne est ta faiblesse.
Je le laisse parler dans le vide. Il me soûle avec sa psychologie à dix balles, sérieux.
- T'as finit ?
- Ouais j'ai finis.
- Donc ?
- Donc, je m'en occupe t'inquiète. Je t'appelle quand je l'aurais.
Il finit par descendre de la bagnole et je le vois à son sourire qu'il va pas garder ça pour lui. Je lui donne même pas vingt quatre heures pour aller tout balancer à sa meuf. Qu'il le fasse, je m'en fous. Tant que ça compromets pas le fait que je dois mettre la main sur ce gars.
Quand j'y repense, je capte pas ce qu'il lui veut. Soit c'est un putain de psychopathe et je vais bien lui expliquer les règles de vie, soit je me trompe complètement. Comment il connaît son blase, d'abord ? Elle lui a dit ? J'aurais peut être dû encore insister pour qu'elle m'explique tout ça. Non, j'ai préféré direct cracher ma connerie, l'embrasser et après regretter. Bordel, je suis complètement finit.
Je décide de rentrer chez moi, à cette heure-ci mes parents doivent dormir. Non pas que j'ai envie de leur taper la discute. Je voulais juste m'assurer que ma mère aille bien. Enfin par bien je veux dire pas pire que la veille. Des fois, je me demande comment c'est possible.
Pourquoi elle et pas moi ? Je l'ai découvert en premier pourtant. C'est moi qui ai appelé les pompiers. C'est moi qui ai signé toute la paperasse après son décès. Mais c'est elle qui a été la plus traumatisé. Quand je dis que je suis pas normalement constitué, c'est que c'est vrai.
Je me stationne devant chez moi et attrape mes clés. Sans surprise, je capte que tout le monde dort.
J'ai même pas faim, je me précipite dans la salle de bain.
Cette salle de bain.
Je bloque pendant quelques minutes avant de me reprendre. Ça fait deux ans, bordel ! Deux ans qu'elle est partie. Ma vie n'avait déjà pas de sens à cette époque alors aujourd'hui, c'est clairement pas mieux.
L'eau tiède rentre en contact avec ma peau et malgré la décontraction immédiate de mes muscles, mon cerveau lui, tourne toujours à plein régime. Je l'ai embrassé putain, qu'est-ce qui m'a prit ? J'ai beau réfléchir encore et encore je sais pas pourquoi j'ai fais ça. C'était une pulsion. Ça doit être juste de la simple curiosité. Elle m'a tellement fasciné pendant ces derniers mois que j'avais peut être juste envie de goûter à ses lèvres.
J'ai vue à quel point elle a eu peur au début. Elle ne bougeait pas, respirait fort et elle m'a laissé faire. Puis après j'ai sentie qu'elle en avait envie elle aussi. Peut être que je déraille complètement et qu'elle avait juste pas le choix mais au fond j'ai sentie quelque chose. Elle a fermé les yeux et m'a donné le contrôle. Je ne vois pas qu'elle personne ferait ça s'il elle en avait pas envie.
Ça a durait quelques minutes et après elle m'a dégagé. Fallait bien qu'elle le face, je pense que j'aurais pas été capable de le faire moi même.
C'était juste de la curiosité. Je voulais juste savoir ce que ça faisait de l'embrasser au moins une fois.
Je finis par rouvrir mes yeux et éteindre le robinet. J'attrape une serviette et me la met autour de la taille puis je sors de la salle de bain vers ma chambre.
Mes parents ont décidé de laisser celle de Kate intact. J'y ai jamais foutu les pieds depuis qu'elle est morte. C'est pas mon trip de foutre les pieds dans une pièce vide, une pièce dont l'âme du proprio n'existe plus.
Elle existe plus.
Cette phrase est la seule phrase que je ressens. Quand je percute que je la reverrais plus jamais, que je ne lui parlerais plus jamais, que tous ses rires, sa voix, elle tout simplement n'existe plus ça me déchire littéralement.
C'est pire que les coups qu'on se prend sur un ring. C'est pire que d'entendre mon père me crier que c'est de ma faute avec mes fréquentations. C'est pire que se prendre des coups de couteaux dans le bide et j'en parle en connaissance de cause. C'est pire que tout. Quand on perd quelqu'un, on est obligé de se demander s'il y'a vraiment pas quelque chose après la mort. C'est un espoir et même ceux qui ne sont pas croyants sont obligés de se remettre en question. L'espoir c'est humain, et je crois que se dire qu'il y a une autre vie après celle-ci, ça nous rassure un peu. On a tous au moins une personne que l'on veut retrouver là bas, si c'est pas le cas aujourd'hui ça le sera dans l'avenir. On voudrait tous penser qu'elle est quelque part en paix. C'est tout ce que je veux pour Kate.
En arrivant dans ma chambre, mon téléphone sonne et je capte que c'est Valentina.
Je savais qu'elle me lâcherait pas. A partir du moment où elle m'a vue rentrer avec Diviya, j'ai capté qu'elle allait prendre sa comme une putain de compet'.
Y'a pas de compet'. Diviya n'entre même pas dans ce jeu.
Sans comprendre vraiment pourquoi, je la rappelle.
- Hernandez ?
- Val ? Qu'est-ce tu me veux ?
- Je veux que tu retournes au club.
Je m'attendais à ce qu'elle me demande qu'on se voit ou une merde du genre, j'aurais peut être pas refusé mais retrouver ce club de merde, je m'y attendais pas.
- Qu'est-ce que j'irais foutre encore dans ce trou ?
- Tu gagnais de l'argent avec les combats, et puis tu penses pas que ce serait l'occasion de te détendre un peu ?
- J'ai pas besoin de toi pour savoir ce qui me détend, Val.
- Non t'as raison. Tu sais ce que tu veux. Je voulais seulement te proposer.
- Ok, j'y penserais.
- C'est vrai ?
- Ouais, allez je vais pieuter.
- Bonne nuit.
Je prends pas la peine de lui répondre et raccroche avant de balancer mon tel sur le chevet.
Je suis complètement perdu. Je sais que si Zac me retrouve dans ce club, il va me soûler. Juste pour pas l'entendre pleurnicher que « je mérite mieux », j'ai pas envie d'y reposer les pieds. Mais Val a raison. Ça me fera de l'entraînement, de la thune et ça me détendra. Ce sera provisoire, juste le temps que je règle cette histoire avec Diviya et je me casse.
J'attrape des vêtements de mon placard avant de me foutre au pieu.
La seule chose à laquelle je pense en ce moment, c'est la nouvelle gueule amochée de cet harceleur de mes deux.
Hffmbx
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