Denis

Deux ans plus tôt

Ça fait un mois que j'ai pas posé les pieds chez moi. Je traîne depuis maintenant deux semaines sur le vieux canapé en cuir de Zac. J'étais censé entrer en école militaire mais j'ai plus aucune motivation. Après l'histoire avec Kate, je m'en veux à mort. Je lui ai gâché sa jeunesse. Elle sort avec un mec qui passe son temps à se bourrer la gueule et tout ça à cause de moi. C'est moi qui suis assez buté du crâne pour avoir des potes comme ça. Je peux pas lui en vouloir. J'ai reçu qu'un appel de John en l'espace d'un mois. Je vais même plus à la fac, c'est sur qu'à cet allure je risque de redoubler ma deuxième année. J'en ai absolument rien à carrer.

- Mec, il est quatorze heures, tu devrais te bouger et faire quelque chose de tes journées.

- Lâche-moi, Zac.

- Ça fait un mois que tu zones ici, ça suffit. Tu vas lever ton cul et te reprendre en main.

Je suis contraint de me relever pour faire face à mon coach qui aime jouer le babysitteur ou le daron, j'hésite encore.
Rester ici, c'est déjà bien. Je pourrais m'amuser à aller amocher deux trois gueules au club où bien directement celle de celui que je considérais comme mon pote et qui se tape ma sœur.

Zac semble prendre mon silence pour une invitation puisque ce dernier vient finalement se poser sur le canapé à mes côtés. Il pose sa main sur mon épaule et il sait à quel point ce geste me fou en rage. Je laisse passer.

- T'es quelqu'un de bien Hernandez. Tu peux te reprendre en main et te construire un bel avenir et toi tu préfères te pavaner sur le canapé d'un mec qui n'a pas de famille à 40 ans.

- Tu sais pas ce que je vaux, Zac.

Il sait pas à quel point je suis une merde. Je fous la merde partout où je vais et je sème le cahot dans ma propre famille. Je crois que je vais finir comme lui. Dans vingt ans, je me lourais un vieil appart comme le sien, je laisserais traîner de la bouffe sur la table et mes fringues un peu partout sur les canaps. Au moins, je soûlerais personne. Kate, je l'imagine à la tête d'une entreprise internationale et mes parents fiers de leur fille. Ça peut me convenir, comme vie. Tant que je sais qu'eux ils sont heureux, je crèverais en paix.

- Allez, debout. Je vais à la salle si jamais je te retrouves encore ici à mon retour je te jure que je te vire.

Il se tire en me lançant un dernier avertissement avant de fermer la porte. Je me rallonge sur le canapé et je décide de tirer mon tel de ma poche. Je suis censé faire quoi au juste ? Me lever de ce canapé, sortir de l'appart et aller où ? J'en ai plus rien à foutre de John qui me l'a bien mis à l'envers ni de Paloma. Qu'ils aillent se faire foutre tous les deux.

Je veux juste savoir comment elle va. Je me souviens de sa tête et ses pleurs quand j'ai mis l'autre trou du cul en sang. J'ai vue le désespoir dans ses yeux. Elle avait peur de me voir le dégommer sous ses yeux, j'imagine qu'elle doit me détester. Si ça peut la soulager, qu'elle me déteste je m'en bats. J'espère juste qu'elle ne regrettera rien. J'espère que ce fils de pute d'Aless la traite comme la prunelle de ces yeux, l'or du monde. Elle mérite tellement mieux qu'Aless. J'arrive pas à croire qu'ils sortent ensemble, bordel.

Je décide d'aller prendre une douche sinon je risque de passer l'aprem à fumer devant le téléviseur.

C'est vrai que c'est un gros boxon chez Zac. Ça balance les vêtements sales partout par terre, ça aère jamais les pièces, tu m'étonnes qu'il a pas de meuf. Qui voudrait mettre les pieds dans ce trou ?

J'attrape mon jean et un teeshirt du lave linge et j'ai le malheur de passer devant le miroir. J'arrive même plus à me regarder dans une glace. Tout ce que je vois c'est un putain de délinquant qui finira sa vie clochard ou en taule. C'est la merde.

J'attrape ma veste et mes clés de voiture avant de sortir de l'appart. J'ai vraiment besoin de me détendre.

J'hésite plusieurs minutes avant de céder.
J'attrape mon tel, et compose son numéro.
Elle me répond d'une voix mielleuse à croire qu'elle rêvait que de ça.

En même pas dix minutes, je suis chez elle. Elle me fait rentrer et fait genre de me proposer un truc à manger. Depuis quand je l'appelle pour venir taper la discute et manger sérieux ?

Elle semble avoir vite compris que ces choses ne m'intéressent pas parce qu'on se dirige enfin vers sa chambre.
Je sais même plus combien de fois, je l'ai déjà appelé. Dix peut être ? Ou plus, j'en aucune putain d'idée. Je sais toujours pas aussi pourquoi c'est la seule que je vais voir.

C'est pas comme si je l'aimais ou une merde pareille. C'est pas comme si c'était la plus canon non plus. On va dire que c'est peut être la moins chiante. Elle au moins comprend que jamais je serais son gars, qu'il y a aucune chance qu'elle se projette avec moi ni que je lui doit ma fidélité. Je suis libre.

Je viens faire mon business quand je suis stressé et je me casse, c'est tout. Elle n'a jamais dit non, elle est toujours prête et je me demande des fois si elle est pas un peu conne. Ça doit sûrement être le cas, elle n'a pas foutu les pieds à l'école depuis ses seize ans, je crois.

Elle finit par poser sa tête sur moi. Ses cheveux blonds doivent mesurer trois mètres. Pourquoi elle coupe pas cette merde ?

- Hernandez ?

-Hmm ?

Elle finit par relever sa tête vers moi une expression sérieuse sur la gueule.

- Tu penses qu'un jour tu pourrais t'ouvrir un peu plus ?

Qu'est-ce qu'elle est en train de me chier ? J'aime pas avoir l'impression de subir un putain d'interrogatoire. J'essaie quand même de faire un effort.

- Tu parles de quoi ?

Elle finit par se relever complètement et tire la couverture avec elle pour se couvrir comme si je ne savais pas ce qu'il y avait en dessous.

- Je veux dire, tu dois pas m'en vouloir après ce que je vais te dire mais je dois te le dire.

- Crache le morceau.

Elle semble réfléchir. C'est bien la première fois que j'ai l'impression qu'elle essaie de mettre en marche son cerveau. Ses yeux sont vides, son mascara à baver autour rendant ses yeux bleus encore plus froids.

- Je sais que toi et moi c'est juste un passe temps, que tu viens me voir pour t'amuser mais je pense qu'on doit s'arrêter là.

Je la regarde en attendant qu'elle continue.

- Je pense que j'ai besoin d'avoir une certaine stabilité. Je veux être avec quelqu'un de bien tu vois. J'ai rencontré quelqu'un de bien, en fait.

Elle dévoile ses dents blanches parfaitement bien alignées alors qu'elle commence à me faire la description de son gars. J'écoute même pas ce qu'elle raconte parce que j'en ai complètement rien à foutre. Mon cerveau reste bloqué au moment où elle m'a balancé qu'il est quelqu'un de bien. Je me rends compte qu'au final, je trouverais jamais personne qui me considère comme bien à ses yeux. Personne veux d'un déchet comme moi.

Je suis une merde et je me prends encore cette vérité en pleine gueule par Amanda.

- Ok. Voilà ce que je trouve à dire.

Je me relève, me rhabille et dégage de chez elle. Je l'entends me rappeler mais je l'écoute pas. Je remonte dans ma voiture et sans comprendre comment, je me retrouve devant chez moi. J'ai l'impression d'avoir complètement arrêter le temps.

Mon subconscient m'a mené devant chez moi. Je ne peux pas y entrer. Pas après un mois sans y avoir posé les pieds, sans avoir donné aucune nouvelle à personne. Je peux pas me permettre de débarquer comme un enfant model.

Je vais juste récupérer quelques affaires et je repartirais aussi vite que possible. En descendant, je m'imagine déjà croiser le regard de ma mère, inquiète. Celui de mon père accusateur ou celui de Kate plein de haine.

J'essaie de monter un genre de bouclier expressif pour ne pas laisser transparaître mes émotions. Avec le temps, je pense que ce genre de chose peut aider. Je ne peux pas montrer mes faiblesses. Moi, merde que je suis, je ne peux pas me permettre de montrer qu'au fond de moi, je me sens mal. Qu'il y a un putain de boulon mal placé dans mon cerveau. Je vois pas d'autre explication à mon comportement. J'ai toujours eu ce que je voulais et pourtant j'ai toujours été attiré par l'illégal. Je suis vraiment rouillé.

Je décide enfin de me bouger et d'entrer chez moi sans porter mon attention sur ma mère. Mon père doit probablement être sortie.

- Denis !

Dès que je rentre, elle s'empresse vers moi alors que je reste stoïque et muet. Je m'attends à ce qu'elle m'interroge. Qu'elle m'engueule mais elle ne fait rien de tout ça. Elle me prend dans ses bras comme si j'étais le Messi. Elle me sert fort et me scrute de près en passant ses mains sur mon visage.

- Tu vas bien ?

Alors elle s'inquiétait vraiment ? Comment elle peut s'inquiéter pour moi ?

- Je vais bien.

J'ignore pourquoi et je me reconnais clairement pas à cet instant mais je m'éloigne de ma mère et monte à l'étage sans la moindre considération. C'est comme si je ne ressentais plus rien, comme l'impression qu'on ne me devait rien. Je ne mérite pas qu'on s'inquiète pour moi après tout ce que j'ai fais. Mais apparemment pour une raison que j'ignore encore, l'amour d'une mère semble inébranlable.

Je passe devant la chambre de Kate en me rendant dans la mienne. Elle est fermée et je comprends que je n'aurais pas l'occasion de la croiser aujourd'hui. Elle doit avoir de la chance.

Ma chambre est parfaitement rangée. Mes vêtements dans mon placards sont pliés au millimètre près. Je reconnais les traces du passage de ma mère. Malgré le fait que je ne sois pas venue pendant un mois, elle a continué à prendre soin de mes affaires sans la moindre hésitation.

Je me contente de tirer un sac de sous mon pieu et de le remplir de quelques jeans et de tee-shirts. Je prends aussi une veste et une autre pair de tennis et je ferme tout ça. Je vais quand même aller prendre quelques affaires de toilettes pour éviter de vider ceux de Zac.

Je balance mon sac sur mon lit et sors de ma chambre pour atteindre la salle de bain. Quand je tente d'ouvrir la porte, je remarque que quelque chose bloque le passage. A l'intérieur, il y'a quelque chose qui m'empêche d'ouvrir la porte. Je finis par forcer et je rentre sans vraiment comprendre pendant plusieurs minutes ce qui se trouve sous mes yeux.

Un corps étendu sur le parquet de la salle de bain se trouve sous mes yeux. Un visage palle contraste dramatiquement avec le sang s'écoulant de ses poignets.

Je ne ressens rien. Je ne sens littéralement rien. Si en fait je vois la pièce tourner autour de moi et puis d'un coup c'est comme si mon âme quittait mon corps.

Je vois un mec complètement paniqué s'approcher du corps de Kate. Il se laisse tomber au sol et commence à hurler son prénom. Il dépose délicatement ses mains sur ses poignets à elle et tente d'attraper une serviette pour arrêter tout ce sang qui se vide de son corps. Puis il s'approche de son cœur, il tente de prendre son pouls et à cet instant il hurle tellement fort « Maman » que mes oreilles se mettent à siffler. Ma mère débarque paniquée et manque de s'écrouler au sol face à l'horreur de la scène qui se dresse sous ses yeux. Elle s'approche de ma sœur, la prend dans ses bras et se met à pleurer. Puis soudain, je comprends et je réalise que cette scène ne sort pas d'un putain de film à la con qu'elle adorait voir. C'est pas ses séries qu'elle matait avec Paloma un sourire aux lèvres, non. C'est la réalité. Je percute que c'est ma putain de réalité et que le mec désespéré qui porte actuellement sa sœur ensanglantée dans les bras, c'est moi.

Je porte ma Kate.

hffmbx.

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