Chapitre 77
J'ai toujours su que mon destin était particulier. Depuis le jour où je me suis retrouvée livrée à moi-même, j'ai appris à accepter la fatalité de ma vie. Mais l'espoir est un faux ami. Dès qu'il pointe le bout de son nez, l'impossible devient possible mais la chute est encore plus brutale. Quand on m'a sauvé de la noyade à mes huit ans, c'est là que j'ai appris à faire sa connaissance pour la première fois. J'ai fait la découverte de ce qu'on appelle un orphelinat. Les visites se sont enchaînées, les regards indiscrets étaient devenus que de simples habitudes. Je n'y suis pas restée très longtemps, deux mois à ce que l'on m'a dit et c'est là que je fais la connaissance des Tallers. De nouveaux, l'espoir avait surgit. Tout s'est passé assez vite, en l'espace de même pas deux semaines, je me retrouvais les pieds dans une nouvelle maison avec une nouvelle famille.
A l'âge de huit ans, le cerveau n'est pas complètement mature. Je restais silencieuse me contentant d'observer le comportement de chaque membre de ma nouvelle famille. A premier abord, c'était Amber qui me paraissait la plus gentille. Elle avait 26 ans à l'époque et pourtant elle en paraissait même pas vingt. Elle était si douce et prenait le temps de m'expliquer absolument tout. Quand je dis absolument tout, je pèse mes mots. Le moindre regard interrogateur que je posais sur un objet, elle le prenait comme une nouvelle leçon à m'enseigner. C'est avec elle que je m'étais sentie le plus à l'aise. Avec le temps, j'ai commencé à apprendre l'anglais, à retourner à l'école et en observant Monsieur et Madame Taller venir me chercher tous les soirs, j'ai vite compris que ces deux là jouaient le rôle de vrais parents.
Pour la première fois de toute ma vie, je découvrais le sens du mot famille. Je n'avais jamais connu ça avec Rama. Elle ne m'adressait que très peu la parole. La plupart du temps, elle me laissait seule dans l'appartement dans lequel nous vivions. Je me souviens que cet appartement ne se résumait qu'à deux pièces insalubres et que l'on partageait avec d'autres gens que je ne connaissais pas vraiment. Le père de Jaï et Anil passait souvent nous voir et je me souviens avoir compris que je n'étais pas sa fille lorsqu'un jour il m'a littéralement insulté. Je ne saurais retranscrit exactement ces insultes, mais je me souviens que ça m'avait beaucoup blessé. Avec les Tallers, j'ai appris la vraie vie de famille et je leur serai a jamais reconnaissante pour tout ce qu'ils ont fait pour moi.
Avec Aless, ça été plutôt difficile de créer des liens fraternels. Il me lançait quelques sourires par ci par là, mais je sentais néanmoins une certaine animosité entre nous surtout durant les premiers mois. Jusqu'à un jour bien particulier que je n'oublierais jamais.
C'était le jour de mon anniversaire. A vrai dire, je n'ai pas de réel date d'anniversaire. C'est l'orphelinat qui s'était occupé de m'en attribuer une aléatoirement.
Ça s'est passé le 24 février 2013 exactement. Mes amis d'écoles m'avaient promis une fête d'anniversaire à une condition bien particulière. Je devais me déguiser. Alors, j'avais demandé à mes parents de m'acheter des déguisements. Je m'étais préparée avant d'aller à l'école et à mon arrivée, j'ai finis acclamée par toute ma classe. Scandée par une chanson au sens lourd :
« Joyeux anniversaire l'indienne, Joyeux anniversaire l'indienne, Joyeux anniversaire l'indienne, Joyeux anniversaire ! »
Au départ, je n'avais pas vraiment compris ce que l'indienne signifiait. Cela ne faisait qu'un an que j'étais aux états unis et je n'avais encore jamais entendu ce surnom. Puis une fille de ma classe, Clarissa, s'était approchée de moi un grand sourire suspendu aux lèvres. Elle m'a dit mot pour mot :
« Alors tes vraies parents ne te manquent pas trop ? Tu as conscience que tu es ridicule Diviya avec ton déguisement, tu ne ressembles pas une américaine. Tu devrais rentrer dans ton pays d'indiens! »
Ces mots, je les avaient très bien compris et les regards amusés qu'arboraient l'ensemble de mes camarades m'avait simplement brisé le cœur.
Ce jour là, Aless était intervenu et pour la première fois de ma vie, j'avais ressenti l'amour d'un frère !
Depuis, nous étions devenus inséparables. Je lui confiais absolument tout, je considérais Aless comme mon protecteur et j'avais l'espoir qu'il serait toujours là pour me protéger.
Les mains tremblantes, je décide finalement de sortir de la voiture de Denis. Je ne sais pas ce que je fais à cette heure-ci devant un hôpital mais le film d'une nuit épouvantable commençait à faire son apparition.
Je m'arrête un instant pour jeter un coup d'œil vers la Chevrolet noir garée sur le parking et je découvre que Denis est toujours à l'intérieur. Il ne me quitte pas des yeux mais ne bouge pas pour autant.
D'accord Denis, tu m'abandonnes sur ce coup.
Mes pas me dirigent alors vers mes parents, Amber, Alan ainsi que John et Paloma.
Je ne saurais expliquer ce que je ressens à mesure que la distance entre nous se réduit. En revanche, mon cœur est sur le point d'exploser lorsque je finis par entendre les pleurs et les sons de douleurs de mes proches.
Je jette un dernier coup d'œil derrière moi pour voir si Denis n'a pas changé d'avis. A mon plus grand désespoir, je remarque qu'il n'a pas bougé d'un centimètre.
Alors je prends sur moi et me convaincs que je suis capable de tout vaincre seule après tout ce que j'ai vécu. Je n'ai besoin ni de lui ni de personne pour surmonter quoi que ce soit. Denis a fait son choix.
Je relève alors la tête et finit par rejoindre mes parents.
À peine m'ont-ils remarqué que ma mère vient me prendre dans ses bras. Je lui rends son étreinte toujours incrédule face à la situation. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe et l'angoisse commence à monter.
- Je suis désolée, Diviya. M'annonce Paloma en baissant le regard.
Je croise ensuite le regard de John. Ses yeux sont rougis par les larmes.
John a les yeux rougis par les larmes !
J'essaie de mettre en marche mon cerveau. Qu'est-ce qui pourrait peiner mes parents, ma famille ainsi que mes amis en même temps ?
Au départ, je pensais qu'il s'agissait d'une nouvelle concernant Rama, ma mère biologique. On m'avait dit qu'elle était hospitalisée dans la ville et que son état laissait à désirer mais maintenant, en voyant John, Paloma, Amber et mes parents dans un si mauvais état, je me dis que c'est encore pire.
Et puis c'est seulement maintenant que je remarque qu'Aless n'est pas là.
Je sais qu'il est injoignable depuis le week-end dernier, je sais aussi que ce n'est pas la première fois que mon frère décide de prendre ses distances alors je décide que son absence n'a pas vraiment d'importance.
Ma mère finit par se détacher de moi et je décide enfin de poser la question après tant d'incompréhension.
- Qu'est-ce qui se passe ?
John me regarde assez intrigué. Mon père est drôlement silencieux et ma mère semble sur le point de s'écrouler à tout moment.
- Denis ne t'a rien dit ? Me demande John d'une voix étrange.
Je secoue la tête de gauche à droite alors que mon coeur a décidé d'emprunter la voie rapide. Mon père s'approche enfin de moi, il dépose ses deux mains sur mes épaules et d'un ton solennel il finit par prendre la parole :
- Aless a eu un accident de voiture.
Je déglutis.
- Comment il va ? Il est à l'intérieur ? Je veux aller le voir.
- Diviya ! Ton frère est mort sur le coup. Reprend mon père.
A cet instant mon cerveau cesse de fonctionner. Mes jambes qui semblaient soutenir mon corps jusqu'à présent lâchent subitement. Sans sentir la douleur, mes genoux viennent percuter le sol enneigé. Tout semble flou autour de moi. Suis-je vraiment en train de vivre ce cauchemar ?
L'air commence à manquer et c'est là que je relève la tête vers le ciel en essayant de trouver une explication à tout ça. Une explication logique.
Mais la mort dépasse toute logique.
Les yeux de mes proches tournent autour de moi. Mes oreilles sifflent, je suis incapable de déchiffrer ce qu'ils me disent. Complètement détachée de la réalité, et sûrement choquée par ce que je viens d'apprendre, je ne bouge plus. Je me fige et me contente de fixer un point en face de moi puis me laisse submerger par mes émotions. C'est un mélange de tristesse, de colère, d'incompréhension, de déni.
Impossible de trouver le moyen d'exprimer tout ça par des pleurs, des cries, des hurlements. Le silence est mal seul option.
Je me laisse aspirer par le vide. Si c'est vraiment la réalité, si Aless n'existe plus, est-ce que ça veut dire que je suis condamnée à vivre le restant de me vie sans plus jamais entendre sa voix ?
Suis-je condamnée à ne plus jamais le voir sourire ni l'entendre rire ?
Suis-je condamnée à ne vivre qu'avec son souvenir ?
Je porte mes mains à mon cou comme si quelque chose voulait en sortir. Comme si un hurlement était sur le point de jaillir mais rien.
J'étouffe !
Je ne sais par quel courage je réussis finalement à me redresser. Je ne sais pas par quelle force mes jambes ont décidé de coopérer mais j'y parviens. Je tourne ma tête dans une direction.
Celle de l'homme qui m'a emmené jusque ici et qui m'a simplement laisser faire face à ce drame toute seule. L'homme qui a chamboulé un peu trop mes principes et valeurs.
Mes efforts semblent tout simplement s'envoler en fumer à l'instant où je découvre qu'il n'est plus là. Sa voiture n'est plus sur le parking et son regard si persistant a disparu.
Denis m'a abandonné.
C'est ça l'amour ? Ça finit toujours comme ça l'amour ? Ça détruit autant l'amour ?
Et c'est là que mon corps décide de s'exprimer. Mes larmes finissent par sortir, mes cries s'entendre et ma détresse s'observer.
Jamais je n'oublierais ce jour.
Alors c'est ça le trésor d'une vie ?
Vivre jusqu'à voir ceux qu'on aime disparaître et nous abandonner chacun leur tour.
Ce soir, je tombe mais j'apprends.
L'Amour ne paie pas !
Denis Hernandez tu as su éveillé en moi un dégoût profond pour tout ce qui s'apparente plus ou moins à de l'affection pour un homme. Je jure en ce soir horrible, ne plus jamais tomber amoureuse de ma vie.
L'amour c'est prendre le risque de perdre et perdre est bien trop douloureux pour que l'amour en vaille la peine.
xxx
FIN DU TOME 1
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