Chapitre 76
Le temps passe. Mon amour grandit et mon coeur s'habitude beaucoup trop à la présence de Denis. C'est comme si mon âme le reconnaissait. Comme si nous avions toujours été lié d'une certaine façon. J'ignore si ce sentiment est complètement biaisé par ce que me dicte mon coeur actuellement mais c'est pourtant ce que je ressens. A travers ses gestes, son regard, sa façon d'être tout simplement, je le reconnais comme s'il avait toujours été près de moi et son silence me perturbe plus que celui de quiconque.
Perdue dans mes pensées comme souvent, je n'ai pas vraiment fait attention à la route que nous avons emprunté. Denis finit par se stationner en bas d'un bâtiment qui semble dans un sale état. Le quartier n'a rien avoir avec celui dans lequel j'habite. J'ignore où nous sommes mais je préfère garder le silence.
Denis finit par éteindre le moteur et détacher sa ceinture. Nos regards se croisent pour quelques fractions de secondes avant qu'il ne quitte l'habitacle. Il s'abaisse à mon niveau juste avant de prendre la parole :
- Tu restes ici, je reviens.
Je n'ai pas d'autre choix que d'acquiescer. Je ne pose pas de questions et me renfrogne dans mon siège en observant Denis s'éloigner vers une grande porte qui semble être la porte d'entrée de l'immeuble. Il la pousse d'un coup de main rapide avant de s'éloigner du couloir et disparaître de mon champ de vision.
J'ignore si ses sentiments sont aussi sincères que les miens. Denis m'a répété qu'il m'aimait mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce qu'il connaît ce sentiment ?
Je me rappelle que je ne suis finalement pas meilleure que lui dans le domaine. Pourtant, la chose la plus réelle et la plus rationnelle que je ressens en ce moment, c'est bien mon amour pour lui.
Après plusieurs minutes, Denis finit par réapparaître devant moi, le visage encore plus impassible que lorsqu'il m'a quitté. Il porte une grosse veste à son bras et s'approche d'un pas assuré vers la voiture. En entrant, il jette la veste à l'arrière avant d'émettre un souffle remplit de détresse. Je sais que quelque chose le tracasse depuis quelques jours mais j'ignorais qu'il s'agissait d'une question d'argent.
- Je peux t'aider si tu veux. Dis-je alors.
- Sûrement pas. Lâche-t-il d'un ton sec.
Denis est plutôt le genre de personne qui aide et qui ne reçoit rien en retour mais je sais que n'importe qui a sa place se trouvant dans une position difficile accepterait ma proposition. Ça me ferait plaisir de l'aider. Je ne préfère tout de même pas insister, je ne veux pas le contrarier.
- C'est chez qui ? Demandé-je alors.
- Zac. Je vais passé quelques jours ici.
Ses réponses sont courtes et me donnent l'impression que son esprit est loin d'être avec moi. J'aimerais en connaître davantage sur ses problèmes, je veux le soulager et pouvoir être là quand il en a besoin mais je ne veux quand même pas le brusquer. Denis ne détache pas son regard du par brise en face de lui. Il semble pensif.
- Il y a eu un problème chez toi ?
Je sais à quel point les relations entre parents et enfants peuvent être difficiles. J'en parle en connaissance de causes. Parfois, les parents ne se rendent pas compte de l'influence de leurs mots et de leurs actes. Ils se contentent de blâmer leurs enfants sans même comprendre le fond du problème. Ce manque de communication peut conduire à de grosses douleurs. Je ne connais pas vraiment les parents de Denis non plus si ce n'est que son père travaille dans un petit restaurant dans la ville.
- Fait-moi confiance Diviya, t'as pas envie d'entendre tout ça.
- Bien sûr que si. Je peux tout entendre Denis.
Il tourne enfin sa tête de mon côté, un sourire terrifiant prend place sur son visage crispé par la douleur. Il approche son visage un peu trop rapidement du mien avant de reprendre.
- Qu'est-ce que t'as envie d'entendre, hein ? À quel point je suis misérable depuis que ton frère m'a détruit la vie ? Que depuis que j'ai découvert Kate les veines en sangs dans la salle de bain, ma mère n'a pas prononcé un putain de mot ? Qu'elle croit qu'elle est en train de finir ses études en Europe alors qu'elle se désintègre à vingts pieds sous terre ? Que mon père m'a dégagé de chez lui et que je me retrouve sans toit et sans une thune ?
Je retiens mes larmes face à la violence des mots de Denis. J'ai du mal à assimiler tout ce qu'il vient de me dire. J'ai du mal à réaliser que tout ça est de la faute de mon frère.
- T'sais que j'avais envie de faire la même chose ? Tu crois que ce club c'est le pire endroit que j'ai pu fréquenter mais t'es très loin de la réalité. Loin d'imaginer ce que j'ai pu faire pour oublier mes problèmes. J'étais à la quête du moindre délire dangereux pour crever. J'étais prêt à tout pour me faire payer mes putains de fréquentations de merde qui ont causé la mort de Kate ! Après ça, je me suis mis à réfléchir de façon complètement tordu. J'ai élaboré ce plan malsain pour détruire le seul et l'unique responsable de mon malheur. Aless. Toi t'étais qu'un simple dommage collatéral sur mon passage.
Mes yeux se sont transformés en deux robinets incapables d'être refermés. J'essuie mes larmes à l'aide des manches de ma veste en espérant balayer tout ce que je viens d'entendre. Je me sens mal. Terriblement mal et drôlement coupable.
- Et comme si le putain d'univers se foutait de ma gueule, il a fallut que je tombe amoureux de la sœur de celui qui a détruit ma vie !
Je sursaute lorsque le poing de Denis vient terminer dans le volant. Je tente d'étouffer mes sanglots mais c'est si difficile. Je ne supporte plus de le voir ainsi.
Je décide de prendre sur moi et de sortir de la voiture. Le vent glacé me fait l'effet d'une gifle en pleine face. Je tombe de dix étages et mon cœur se brise en mille.
Tout est plus clair à présent. Je comprends pourquoi il me regardait si étrangement il y'a quelques mois. Je comprends d'où vient cette haine envers mon frère. La mort de Kate a déclenché le cahot dans sa vie. J'arrive presque à concevoir son désir de vengeance. Après tout ce qu'il a vécu, Denis reste toujours celui qui a renoncé à ce qui alimentait son âme depuis deux ans. Il a abandonné sa vengeance pour moi. C'est à ça que je m'en tiens.
J'ai du mal à rester debout. Mon cœur bat bien trop vite et mes larmes brouillent complètement ma vue. Je m'abaisse légèrement en tentant de récupérer une respiration correcte mais j'y parviens à peine. Lorsque deux jambes viennent se dessiner sous mes yeux, je relève alors mon visage vers Denis.
Il a perdu toute expression. Il n'y a aucune trace de larme et je me demande encore comment une personne aussi meurtrie par la vie peut continuer à garder autant de choses en lui.
- Je-je suis désolée. Tellement tellement désolée, Denis.
Mes larmes ne s'arrêtent pas et ma respiration est d'autant plus saccadée.
- Désolée de quoi ?
- Désolée pour mon frère. Pour tout ce qu'il t'a fait ressentir. Je m'excuse pour lui.
J'en veux à Aless et d'un autre côté je m'en veux de lui en vouloir. Je sais que mon frère a fait une erreur. Une erreur horrible et impardonnable mais je sais aussi qu'il regrette. Qu'il n'a jamais voulu en arriver là. Je me sens tellement mal de voir les personnes que j'aime souffrir. Mon plus gros problème, c'est sûrement celui-là. Me sentir mal pour les erreurs des personnes que j'aime.
Le regard de Denis est en nécrose. Il n'y a plus aucune lumière à laquelle je pourrais m'accrocher.
- T'as pas à être désolée. Maintenant, tu comprends que toi et moi c'est dingue d'y croire.
Je lève les yeux vers le ciel en espérant que quelqu'un là haut puisse effacer cette soirée qui commence à virer au cauchemar. Je n'ai pas envie de comprendre les derniers mots de Denis.
- C-comment ça ?
Je tente de trouver quelque chose, un semblant d'espoir dans sa voix, dans ses expressions, peu importe quelque chose de rassurant mais rien.
- T'as très bien compris. On peut pas continuer comme ça Diviya. Je peux pas continuer à t'entraîner dans mon merdier.
Je comprends tout simplement que Denis se comporte comme un lâche. Lui et moi c'est comme l'allumette et le gaz, quant on trouve le moyen de se rapprocher, l'explosion guette.
- Alors quoi ? Tu m'abandonnes ?
- Non, je te mets face à la réalité.
Il ne peut pas me faire ça. J'ai du mal à croire que c'est encore en train de m'arriver. Je n'ai pas envie de souffrir encore plus. Je ne veux pas ajouter son regard à ceux de Rama, Jaï et Anil. Je n'ai pas envie de le perdre et ne suis pas prête à revivre cette douleur. Mais pourtant c'était bien ça les mots à la fin du contrat quand j'ai commencé à éprouver des sentiments pour Denis.
Quand on aime, on prend le risque de perdre.
- De quelle réalité tu parles au juste ?
- La notre Diviya ! Tu vois pas qu'on a pas d'avenir ensemble ? Je veux pas te rajouter encore plus de problèmes que t'en a déjà. Je veux pas non plus gâcher l'avenir de la seule personne qui m'a apporté du bonheur.
Non. Non. Non.
Je secoue la tête comme une hystérique incapable d'accepter ce que Denis est en train de me dire. Il est hors de question qu'il me fasse ce coup là. Je refuse qu'il prenne cette décision à ma place. Je refuse qu'il nous abandonne pour les autres.
- C'est toi qui ne comprends rien Denis ! Tu penses me sauver en faisant ça mais tu vas me blesser plus qu'autre chose. Je t'en prie fait pas ça ! Tu me rends triste et tu tu rends triste, Denis. Tu penses pas qu'on mérite mieux ? Tu penses pas qu'on peut être heureux tous les deux ?
- Diviya...on est pas dans un putain de film.
- Je m'en fiche ! Moi je veux être avec toi.
Je vois que Denis commence à perdre ses moyens, son regard parcourt les alentours sans but précis. Alors que la pluie commence à s'imposer, les mains de Denis viennent trouver le haut de son crâne avant de glisser derrière sa tête.
- Tu vas me rendre fou ! Tu crois que ça va t'apporter quoi d'être avec moi ? Regarde-moi, putain! Je n'ai rien à t'offrir. Je suis en échec scolaire, j'ai zéro thune, je suis finis. Tu mérites mieux que ça.
Je déteste cette façon qu'il a de se rabaisser. Il est sans cesse en train de détruire son image et à force, il finit par croire à cette mauvais personne qu'il s'est construite. J'ai une fois entendue dire qu'on devait faire attention à la façon dont on se considérait. La façon avec laquelle on parle a nous mêmes. C'est comme si le « nous »d'aujourd'hui parlait à notre « nous » enfant et si ses mots blessent l'enfant c'est qu'ils blessent aussi notre âme. Je tends à penser que Denis se résigne à vouloir paraître mauvais pour éloigner ceux qu'ils l'aiment. Inconsciemment, il se punit de tout bonheur et je refuse d'être une simple actrice à sa destruction.
Je m'approche de Denis, sors mes mains gelées de mes poches pour venir les déposer contre ses joues. C'est à cet instant que je retrouve cette lumière verte dans ses yeux. C'est à ce moment que je retrouve le signe et le courage de poursuivre. Je m'acharnerais autant que je le peux pour faire perdurer cet amour que nous avons construit lui et moi. Nous en vallons la peine, après toutes nos peines, il est temps de penser à nous. Il est temps d'avancer et faire ce qui nous plait. Ce qui nous rend heureux.
- Je t'aime pour ce que tu es. Rien ni personne sera capable de me faire changer d'avis à par moi.
Les lèvres de Denis tremblent sous mes yeux. J'ai envie de croire que ce sont mes mots qui lui font cet effet mais ce serait en n'oublier la météo. La nuit est noir, la température est quasi nulle et ce n'est que maintenant que je remarque qu'il n'était jamais question de pluie mais de neige. Comme le miracle de noël, je souhaite qu'en cette nuit il comprenne qu'il en vaudra à jamais la peine.
Mon téléphone sonne dans ma poche. J'ai conscience que ce n'est pas la première sonnerie mais je l'ignore. Je veux être sûr de m'être bien fait comprendre par Denis. Je veux être sûr qu'il ne laissera pas ses démons détruire notre relation.
- Tu ne vas pas m'abandonner n'est-ce pas ?
Denis me regarde confus et puis son téléphone se met à sonner à son tour. Je décide de faire l'effort de m'éloigner pour le laisser décrocher mais en sortant son téléphone, il le laisse sonner sous ses yeux jusqu'à que la sonnerie ne finisse par s'arrêter.
- Pourquoi tu n'as pas décroché ? Demandé-je.
- Et toi, pourquoi tu l'as pas fait ?
- C'était qui ?
- Toi, c'était qui ?
Ce n'est pas vraiment le moment de se donner à ce genre de jeu. Je finis par sortir mon téléphone de ma poche et c'est là que je remarque les dizaines d'appels manqués : Maman, Papa, John, Paloma.
Mes yeux s'arrondissent d'inquiétude. Ce n'est pas normal. Sans que je ne comprenne ce qui lui prend, Denis s'approche de moi et m'arrache le téléphone des mains pour le dissimuler dans sa poche.
- Ça va pas, qu'est-ce qui te prend ?
Il ne répond pas et se contente d'observer l'écran de son téléphone. J'essaie de comprendre ce qu'il fait et c'est là que je remarque son froncements de sourcils.
- Monte dans la voiture, Diviya. Me dit-il sans m'accorder un regard.
- Deni...
- J'ai dit monte dans la putain de voiture, Diviya !
Je sursaute de surprise face au ton qu'il vient d'employer. C'est bien la première fois qu'il m'adresse la parole ainsi. Je ne dis rien et me dirige en courant vers la voiture. Je glisse à l'intérieur sans détacher mes yeux de Denis.
La neige tombante crée un contraste fascinant avec ses vêtements noirs. Un contraste aussi fascinant qu'effrayant. Je ne peux m'empêcher d'envisager le pire en observant sa réaction. Il porte son téléphone à l'oreille et je ne parviens pas à distinguer ce qu'il dit. Il marche alors que la neige commence à laisser des traces blanches sur le sol. C'est bien la première fois que j'assiste à un aussi beau spectacle de la nature mais mon esprit ne peut se concentrer sur ce détail.
Denis balance brusquement son téléphone contre un mur du bâtiment et ce dernier vient se fracasser en morceaux.
- PUTAIN ! Hurle-t-il.
Mon cœur bat à tout rompre dans ma cage thoracique.
C'est là que je comprends que quelque chose est bien sur le point d'exploser.
Hffmbx.
Salut à tous !
J'espère que vous tenez le coup après ce chapitre. Moi pas trop étant donné que je l'ai écris deux fois ...( Je l'ai supprimé sans faire exprès c'est vous dire ...)
C'est un chapitre que j'ai beaucoup aimé rédiger. J'espère avoir réussit à vous transmettre au maximum les émotions de Diviya et Denis.
Alors à votre avis, de quelle explosion va-t-il s'agir dans les derniers chapitres ?
Oui, vous l'avez bien compris c'est bientôt la fin du tome 1 de « trésor d'une vie ». J'ai fait le choix d'enchaîner directement avec le tome 2 à la suite de ce livre. Bien entendu, tout sera clairement annoncer.
J'ai une chose à dire pour les prochains chapitres : Accrochez-vous !
Bonne fêtes à vous ! 🫶🏼
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