Chapitre 50

- Merci.

C'est la moindre des choses. Il a fait l'effort de m'écouter, de ne pas me juger et la promesse d'être là si besoin. Je ne pense pas qu'il se rende compte à quel point sa présence m'apaise. À quel point j'aime passer du temps avec lui, et surtout lorsqu'il est calme et à l'écoute comme à présent.

- Merci de quoi ?

- D'être là pour moi.

Soudain, il s'éloigne. Il émet un mouvement de recul et détache ses mains de mes épaules. Il se passe une main dans les cheveux avant de se lever brusquement. J'ai dis quelque chose de mal ?

- T'inquiète.  Répond-il simplement.

Il ne me jette même pas un regard et se met à débarrasser la table. Je reste toujours assise encore un peu sonnée. C'est sûr qu'après ce qu'il vient de se passer, je ne sais même plus comment agir. J'ai peur de l'avoir un peu brusqué. C'est vrai que ce n'est pas vraiment son habitude de paraître si gentil et compréhensif. C'est peut être ça le soucis. Pour une fois, je comprends que le soucis ce n'est pas moi. Cela devrait me soulager, mais ce n'est pas le cas.

Il finit par réapparaître, il attrape sa veste et part en direction de la porte d'entrée.

- Je t'attends dehors.

Sans un regard, il ouvre la porte et sort avant de la laisser claquer derrière lui. Ces changements d'humeurs peuvent s'avérer très déstabilisants je l'avoue.

Je décide de vite me reprendre, j'essuie le reste de larmes qui se situait sur ma joue. Je prends une profonde inspiration et attrape mon sac avant d'aller le rejoindre à mon tour.

Quand j'arrive à l'extérieur. Il se tient debout contre la carrosserie de sa voiture et une cigarette à la bouche. J'ai l'impression de visualiser une photographie. Oui, ça ressemble à ces genres d'affiches de publicité pour une grande marque de parfum. Quand je croise son regard froid, cette image s'évapore brusquement. Il a l'air vide de toute expression. J'ai du mal à communiquer quand il est comme ça.

Tout ça n'a plus rien de chaleureux.

- Je la finis et on y va.

Il parle de sa cigarette. Je décide alors de hocher la tête et de monter à ma place dans la voiture.

Je me demande s'il l'a toujours, son arme. Si elle est toujours ici rangée dans cette boîte à gant en face de moi. Quand je jette un coup d'œil vers l'extérieur, Denis est toujours dos contre la carrosserie. Je ne distingue pas son visage alors j'en profite.

Sans vraiment réfléchir, je tente d'ouvrir le compartiment qui chatouille ma curiosité. Malheureusement, il est fermé.

Ok, j'ai besoin des clés. Quand je tourne le regard, je les découvre jetés sur le siège conducteur. Je ne perds alors pas de temps et les attrape. Je jette un dernier coup d'œil vers Denis avant d'ouvrir.

Il y'a un tas de babiole, un parfum, des chiffons, une casquette et cette chose.

L'arme.

Elle est d'une couleur métallique et quand je la prends dans mes mains, je suis incroyablement surprise du poids de celle-ci. Ça paraissait tellement léger dans mes pensées...

Je me demande si c'est avec cette arme qu'il a sauvé Aless. Lui a-t-elle servit pour autre chose ?
Je ne pense pas, je ne l'espère pas.

- Qu'est-ce tu fous avec ça putain !

Je n'avais même pas entendu la porte s'ouvrir. Sans vraiment faire attention, je lâche l'objet qui vient s'échouer à mes pieds. Je n'ose plus bouger.

Denis se dépêche d'entrer et de se pencher pour récupérer l'arme. Il finit par faire je ne sais qu'elle manipulation avant de faire sortir un genre de boîtier de celle-ci et de le vider. Ce qui me semble être des cartouches viennent s'échouer dans sa main.

- Il était chargé, à quoi tu joues ?

Lorsqu'il me regarde ainsi, j'ai envie de lui dire que je ne suis pas une enfant. Je n'aime pas qu'il hausse la voix ainsi.

- Réponds ! Qu'est-ce qui t'as pris de sortir ça Diviya ?

- Rien ! J'étais curieuse c'est tout. Je voulais savoir si tu l'avais encore. Tu te balades toujours avec une arme ? Pourquoi ?

Il murmure quelque chose qui me semble être un « Fait chier ». Je n'en suis pas sûr.

Sans me répondre, il remet l'arme à sa place et range les cartouches dans sa poche de jean.

- Réponds-moi. Insistais-je.

- C'est pas tes putains d'oignons !

Ok, j'y suis peut être allée un peu fort sur ce coup. Je n'aurais probablement pas dû fouiller dans ses affaires et encore moins toucher à cette arme mais il n'y avait pas de raison pour que j'appuie sur la gâchette. Ce n'était que de la simple curiosité.

Je me tais lorsqu'il démarre et sort du parking à toute allure. Je dois faire l'effort de me tenir à la poignet de la porte quand nous empruntons la grande route. Je déteste qu'il roule aussi vite, ça me fait peur.

Je prends sur moi.

Nous approchons ensuite d'une voiture qui roule bien moins vite que nous. Quand je pense qu'il va finir par freiner, je vois qu'au contraire il accélère jusqu'à la doubler par la gauche.

Il reste un long moment sur la voie de gauche avant de se rabattre et là je commence sincèrement à avoir peur. Pourquoi il fait ça ? Il le fait exprès ? C'est son but de m'effrayer ?

Je prends sur moi.

Je décide de fermer les yeux et de m'imaginer autre part. Je prie pour que nous n'ayons pas d'accident. Je prie pour qu'il entende mes pensées et qu'il se rende compte à quel point son comportement est stupide. J'ai envie de lui hurler de s'arrêter.

Quand je finis par rouvrir les yeux, je remarque cette fois-ci que nous sommes arrivés en ville. Il n'y a pas grand monde dans les rues. Denis a un peu ralenti mais ce n'est pas pour autant que son comportement s'est amélioré. Les feux rouges défilent sans pour autant qu'il ne s'arrête. Je ne vois pas ce qu'il cherche. Il est si pressé que ça ?

Je n'ai pas de réponse.

Après une vingtaine de minutes, nous finissons par nous arrêter dans un quartier qui ne m'est pas inconnu. Je suis déjà venu ici avec John lorsque nous étions justement venu récupérer Denis avant d'aller à l'Université. J'avais raté mon bus ce jour là.

Dès que le moteur s'arrête, je ne me fais pas prier. Je descends brusquement de la voiture et claque la porte derrière mon dos. Je ne fais pas non plus attention à Denis qui vient me rejoindre sur le trottoir.

- J'habite ici. Dit-il sèchement.

Quand je relève les yeux, je vois la jolie maison en face de moi. Elle n'est pas aussi grande que la mienne mais elle reste tout de même charmante. Je continue de rester silencieuse évitant par là même occasion de croiser son regard.

Il finit alors par me laisser sur le trottoir pour retourner à l'intérieur de la voiture. Pendant un instant, je crois qu'il va me laisser ici. Même si je pense être bien plus en sécurité en rentrant à pied, ça me peinerait énormément de le voir m'abandonner seule ici après notre soirée.

Il finit par revenir près de moi et me tend un morceau de papier. Je l'attrape sans vraiment le vouloir et je découvre une adresse inscrite à l'intérieur.

- Mon adresse. Ajoute-t-il près de moi.

Je ne dis rien. Je reste les mains croisés et le regard perdue sur la maison d'en face. Je lui en veux tellement d'avoir réagi comme ça. Il a beau être en colère, on ne peut pas se mettre en danger comme ça.

- Allez remonte, je te dépose chez toi.

Je vais peut être encore plus paraître enfantine, mais tant pis, je le fais. Je reste plantée sur le trottoir sans écouter ce qu'il me dit.

- Monte, il est déjà onze heures, j'ai des choses à faire. Lâche-t-il par la fenêtre.

- Et bien moi j'en ai rien à faire. Je préfère rentrer à pied. Au revoir !

Je reprends le pas vers je ne sais quelle direction. Je veux juste qu'il comprenne que son comportement était puéril.

Tout autant que le mien en ce moment, me souffle ma conscience.

- Et merde !

Je l'entends jurer derrière mon dos avant de me retenir et m'attraper mon bras me forçant à me retourner.

- Ne me touche pas, s'il te plaît. Dis-je.

Il retire immédiatement sa main mais ne s'éloigne pas pour autant.

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Tu plaisantes j'espère ? Tu crois que je vais remonter dans ta voiture pour nous tuer tous les deux !

Il a l'air agacé. Tant pis !

- T'abuses là.

J'essaie de déchiffrer un semblant de regret dans ses yeux. Un semblant d'excuse. Mais il n'y a rien. J'ai l'impression d'avoir échangé le Denis de la veille contre un Denis complètement indifférent, sans âme ni émotions. Comment peut-il faire une chose pareille ? Se fermer sans rien laisser transparaître ? Il garde tout pour lui et ne laisse personne avoir accès à ce qu'il ressent. Que ce soit colère, tristesse, joie ... Il peut tout laisser à l'intérieur s'il en a envie et c'est bien triste.

- Tu trouves que j'exagère, vraiment ? T'as l'habitude de faire ce genre de chose, c'est ça ? Tu as l'habitude de rouler comme ça seul.

Il reste silencieux et continue à me fixer.

- Un jour ça va mal finir. Tu n'as pas peur de mourir de cette façon ?

- Non ! Crie-t-il d'un seul coup. J'en ai rien à foutre de crever. Le jour où t'auras compris ça, tu pourras peut être enfin dégager de ma vie.

C'est comme si je me prenais une gifle en pleine face. Cette sensation, je l'ai déjà ressentie il y'a à peine deux jours. Mais visiblement, ça n'a pas été suffisant. Je suis revenue et il essaie encore de tout faire pour me rejeter. Ce qu'il veut c'est être seul, triste et détesté de tout le monde.

- Je ne partirais pas. Avouais-je.

A ce même moment, je comprends. Je comprends qu'il se sent tellement mal qu'il ne gère plus rien. Il veut éloigner tout ce qu'il lui arrive de bien. C'est comme s'il voulait se faire souffrir intentionnellement. Je ne peux pas lui en vouloir car j'ignore moi même le nombre de fois où j'ai ressentis ce besoin. Je suis arrivé au stade d'en finir et je ne veux pas qu'il ressente tout ça, lui aussi. Je veux le protéger de ce sentiment atroce.

- Denis, repris-je, sache que même si tu décides de faire des choses stupides pour me prouver que tu n'en vaux pas la peine, je te prouverais le contraire. Et tu sais pourquoi je ferais ça ?

Il reste silencieux attendant ma réponse. Alors je poursuis.

- Parce que l'homme que j'ai vue hier, l'homme que j'ai vue ce matin m'a montré le contraire. Tu en vaux la peine et je ferais tout pour qu'un jour tu t'en rendes compte. Tout ce que tu m'as dit ce matin, tu ne sais pas à quel point ça m'a fait du bien. Juste pour ça, je serais prête à te montrer qui tu es vraiment. Je réussirais à te prouver que tu es quelqu'un de bien.

Tant qu'à tenter le tout pour le tout, je décide d'attraper l'une de ses mains qui jusqu'à présent était perdue le long de son corps rigide. Je fais bien attention à la tenir délicatement, comme s'il s'agissait de la chose la plus précieuse que j'ai pu tenir et je ne la lâche pas.

- Maintenant, je t'en prie Denis, laisse-moi t'aider. Laisse-moi être là pour toi.

Il secoue la tête négativement. C'est pas grave, je vais tenter autre chose.

- Alors laisse quelqu'un d'autre. Si ce n'est pas moi, j'en suis sûr que quelqu'un d'autre le fera. Raconte lui ce que tu ressens, montre lui tes peurs et fais lui confiance. J'en suis sûre que tu dois avoir des parents incroyables. Une maman qui est prête à te rassurer quand il le faut, te comprendre et trouver les mots justes.

Jusqu'à maintenant, j'ignorais que c'était possible. J'ignorais qu'une armure comme la sienne pouvait se rompre aussi brutalement. J'ignorais le pouvoir des mots sur un homme blessé. Je le découvre à présent. Dur comme le fer mais fragile comme le verre. Ce serait la façon dont je décrirais son armure.

Une larme lui échappe. Elle coule si vite que j'ai à peine le temps d'apercevoir son parcours. Je ne pensais pas qu'un jour il le ferait et surtout devant moi. Je sais à quel point ça peut être difficile pour un homme de se montrer sous cet aspect. J'ai toujours ignoré pourquoi ils devaient toujours se sentir forts, incassables. Ils sont humains comme nous les femmes. Ils doivent pouvoir lâcher prise quand il le faut.

Je n'ose plus rien dire, de peur de le blesser encore plus. Alors pour cette raison et sûrement pour des milliers d'autres, je m'approche de lui et passe mes bras autour de sa taille. Ma joue contre son teeshirt, les mains effleurant à peine le tissus de sa veste, j'espère que ce geste pourra le détendre tout autant qu'il m'a détendu ce matin.

Quand je finis par sentir ses mains à lui s'accrocher eux aussi dans mon dos, je souris. Je souris car je sais au fond de moi que c'est une grande étape pour lui. J'ose simplement espérer que ce ne sera pas la dernière.

Nous restons ainsi l'un bercé par l'autre.

La plus belle chose que ce monde puisse offrir, c'est l'amour. C'est à la fois le pire et le meilleure sentiment. Je retire ce que j'ai dit il y a quelques temps. Ça en vaut la peine. Ces moments de bonheurs valent tellement la peine d'être vécue, se priver de cette chose ce serait comme perdre à un jeu.

Le jeu de la vie.

Après quelques minutes, je décide de me détacher doucement de lui et à ma plus grande surprise, je suis accueillie par un visage sérieux. Il se contente de me fixer comme il le fait si bien. En réalité, il ne fait pas que me fixer. Ses mains sur ma taille et mes mains accrochées à ses deux bras puissants, il m'étudie. Comme si j'étais une bête étrange.

Alors je souris. Je lui offre un sourire sincère pour le soutenir.

Sans m'y attendre, il rapporte son pouce près de mon visage et s'arrête un instant devant mes lèvres. Je ne bouge pas attendant patiemment son mouvement. Si c'est une autorisation qu'il demande, il l'a.

Comme s'il lisait dans mes pensées, il approche alors son pouce de mes lèvres et les caresses doucement.

Ce contact est si doux que j'en ferme mes yeux. J'ai l'impression de me retrouver dans mon rêve. Plutôt la première partie de mon rêve. Celle où j'ai sentis un apaisement totale.

Finalement, je décide de rouvrir les yeux quand je ne le sens plus. Et je tombe sur ses deux iris dont j'admire tellement la couleur. C'est ma couleur préférée. Il est si proche de moi, que je sens sa respiration. Ses lèvres sont si proches et en même temps si loin de moi. Alors que je pense qu'il va finir par m'embrasser, il s'éloigne.

Il recul d'un pas.

- Qu'est-ce qu'il y'a ? Demandais-je alors.

Il se passe la main sur sa barbe naissante avant de me répondre la voix drôlement plus calme.

- Rien t'inquiète. Je dois te ramener, j'ai vraiment quelque chose à faire. Et promis ! Je roulerais moins vite.

Je souris quand je me rends compte que j'ai réussis. Je me doute bien qu'il y a encore du travail à faire avant qu'il ne puisse se sentir à l'aise avec moi ainsi qu'avec tout le monde mais le voir ainsi c'est me dire qu'il est sur le bon chemin.

Je remonte alors en voiture et l'ambiance est bien plus paisible que tout à l'heure. Nous finissons par emprunter le trajet en direction de chez moi et j'avoue que sa conduite s'est vachement amélioré. Il respecte la signalisation à quelques détails près.

Je remarque que sa main est bien plus détendue et qu'il n'étrangle plus le volant comme au début.

Nous arrivons alors à quelques mètres de ma maison et c'est à ce moment que je me rends compte que mon téléphone n'est toujours pas allumé, que personne n'a eu de nouvelles depuis hier et que je suis dans un grand pétrin.

Je m'apprête à descendre de la voiture mais Denis m'en empêche en attrapant ma main dans la sienne. J'attends alors à ce qu'il s'apprête à me dire mais je suis surprise quand je le vois s'approcher de moi et m'embrasser le coin des lèvres.

C'était délicat, furtif mais tellement mignon.

Je souris alors comme à mon habitude. Je ne peux pas non plus ignorer les papillons qui viennent se loger dans mon estomac quand je vois qu'il sourit en retour.

- Merci. Dis-je.

- Ne change surtout pas Diviya.

Tout prend sens. Les si belles phrases que j'ai eu la chance de lire sont réelles. Je les comprends et c'est si beau.

Il n'y a rien de plus précieux en ce monde que le sentiment d'exister pour quelqu'un.
—Victor Hugo—

Hffmbx

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