Chapitre 48
Elle est peu profonde. Plus claire que son teint naturel mais douce à souhait. Un mauvais souvenir ? Probablement. Néanmoins, je n'ai pas envie de lui demander la façon dont elle a pu graver sa place sur son visage. Alors, je retire mes doigts et me concentre à nouveau sur le programme qui vient de s'afficher seul sur la télé.
Las Chicas del Cable.
Je me souviens avoir dévoré cette série durant l'été dernier. Ces femmes sont un exemple pour moi. Elles réussissent à s'en sortir malgré les difficultés qui dominent à leur époque. Je les admire beaucoup !
- Et ? Résonne la voix grave près de mon oreille.
- Hum, et quoi ?
- Tu me demandes pas d'où elle vient ?
Il parle de la cicatrice. Je lui réponds en secouant la tête de gauche à droite.
- Pourquoi ? Ajoute-t-il.
- Parce que moi je n'aime pas parler des miennes.
Cette fois, son corps se retire un peu du mien et cette chaleur rassurante qui m'enveloppait disparaît. A présent, il me fixe ou plutôt m'étudie comme s'il arriverait à me percer à jour avec ses deux billes vertes. C'est peut être possible.
- Tu parles de celles qui sont sur le haut de tes jambes...
Bien sûr qu'il le sait. Je l'avais remarqué à plusieurs reprises, l'autre soirée lorsque nous nous étions retrouvés tous les deux seuls dans la cuisine. Puis il y a eu tout à l'heure aussi lorsqu'il m'a surprise dans la chambre. Je me suis dit que s'il ne demandait pas, c'est qu'il ne les avaient pas vu, mais le doute persistait.
- Oui. Répondis-je alors tristement.
- Elles sont récentes ?
- Non.
Il hoche la tête et n'insiste pas plus. Un sourire vient s'afficher sur ses lèvres puis il finit par se repositionner comme tout à l'heure m'invitant de nouveau dans ses bras.
Pendant la durée de trois épisodes, nous ne bougeons pas. Enfin plus ou moins. Quelques fois, je me laisse attirer par ses expressions changeantes à mesure qu'il découvre les épisodes. Moi, j'ai tout vue.
Je ne le pensais pas du genre à accepter ma proposition. Denis, regarder un film avec moi dans une maison complètement exclut de la ville... Moi même, j'ai du mal à réaliser.
Le moi d'il y'a quelques mois n'aurait jamais imaginé une chose pareille même dans ses rêves les plus fous. En l'espace de quelques mois, j'ai embrassé quelqu'un. Je me suis disputée avec ma meilleure amie, j'ai posé les pieds dans un lieu complètement illégale, j'ai aimé passer du temps avec un garçon, avec John et Denis et Adam. Puis surtout, j'ai aimé un garçon tout simplement.
Alors que je le pensais complètement plongé dans la série, j'ai visiblement manqué pendant plusieurs minutes la lourde pression qui me transperce des yeux en ce moment même.
En tournant, la tête, je le vois me fixer un peu étrangement. Ses yeux ne sont pas du tout rivés aux miens mais sont bien plus bas sur mon visage.
Mes lèvres.
Je me sens soudainement rougir et je remercie les cieux d'être dans le noir pour ne pas qu'il remarque cette réaction idiote que mon corps s'est décidé de montrer. Comme si pour une fois, il fonctionnait normalement.
Sans détacher ses yeux de moi mais en les relevant quelque peu, il finit par s'exprimer.
- C'est qui le mec qui te fais toujours chier ?
Oh non. Ce n'est pas le moment d'avoir cette conversation. J'essaie de la repousser au maximum.
- Personne.
Cette fois-ci, je dépose délicatement ma tête sur son torse et fais mine de fermer les yeux. J'entends les bâtiments réguliers de son cœur qui rythment en même temps les montées et descentes de son torse. Rien de fascinant, il respire comme tout être normalement constitué sur cette planète. Mais pour moi ça reste fascinant. Comme tout ce qui se rapporte de près ou de loin à Denis, au passage.
- Pourquoi tu fuis Diviya ? J'aimerais savoir...il me force à relever ma tête et je n'ai pas le choix que de lui faire face lorsqu'il ajoute, s'il te plaît.
Sa voix a pris une tonalité drôlement plus douce comme s'il essayait de m'encourager à tout lui raconter. C'est tellement difficile d'ouvrir cette partie de moi à haute voix. Ça me fait tellement mal de vouloir renouer le passé au présent mais c'est tout aussi difficile que de devoir faire face à ce Denis qui parait si attentionné et rester muette.
Après tout, il m'a parler de son plus gros mal être. Il m'a parlé de sa sœur et j'imagine que tout ça est au moins tout aussi traumatisant que ce que j'ai vécu.
Alors, un peu hésitante et surtout morte de trouille je finis par répondre d'une voix tremblante.
- C'est mon frère, Anil.
Le visage de Denis passe de la confusion à de la colère puis à de l'incompréhension. Je commence à savoir m'y faire avec les émotions des gens. Du moins celles de Denis, maintenant.
- Ton frère ?
- Mon frère biologique, il est revenu pour que j'aille voir ma mère biologique. Elle est à l'hôpital.
- Quoi je pige que dalle, tu es toujours en contact avec ta famille ?
- Non en fait c'est compliqué, laisse tomber t'as pas envie d'entendre tout ça.
Je me dégonfle. C'est le terme. Je n'ai pas envie de l'embêter avec toutes mes histoires et j'ai encore moins envie de voir son opinion de moi changer. Il va me regarder comme une petite fille triste et il aura pitié de moi. Pour ça, il fera attention à ce qu'il dit quand il me
parle où il évitera de me dire ce qu'il pense vraiment et ce n'est surtout pas ce que je veux. Je ne veux pas qu'il me voit comme quelque chose à réparer.
Malheureusement pour moi, Denis se détache complètement de moi. Il s'assied sur le fauteuil m'obligeant à faire de même et cette fois-ci à quelques centimètres de lui.
- J'ai envie de tout entendre, t'inquiète pas pour ça. Raconte.
J'essaie mais au moment j'ouvre de nouveau la bouche, je me bloque. C'est comme si mon cerveau refusait catégoriquement d'en dire plus. Je pense que je ne suis pas encore prête à lui raconter cette partie de ma vie.
- Je peux pas, j'y arrive pas. Désolée.
Je ne cherche pas vraiment une réponse de sa part. Il doit être déçue mais c'est comme ça, je suis comme ça.
Je décide alors de me relever et de m'en aller. Je ne sais pas qu'elle heure il est mais il doit être assez tard, j'ai besoin de sommeil.
- Attend où tu vas ?
Denis s'est levé à son tour pour venir me rejoindre près des escaliers.
- Je monte me coucher.
- Diviya, t'es pas obligé de tout me raconter ce soir.
En disant cela, il a délicatement posé une de ses mains sur mon épaule et effectue des mouvements de va et viens avec son pouce. Cette étrange attention me rassure.
- C'est pas que j'en ai pas envie, j'aimerais pouvoir en parler comme si c'était qu'un simple souvenir, le truc c'est que pour moi c'est bien plus que ça. Mon passé, c'est quelque chose qui fera toujours partie de moi et hier comme aujourd'hui ça me blessera toujours autant d'en parler.
Je me surprends moi même d'avoir décrit ce que je ressentais d'une façon aussi claire. Son regard à lui s'est durcit, ses sourcils sont froncés et il continue à m'étudier comme il le fait si bien.
- J'avais aucune putain d'idée de tout ça. Quand j'avais ce plan de vengeance dans ma tête, je te connaissais pas. J'étais très loin de m'imaginer à quel point tu étais la dernière personne de cette planète à faire souffrir.
- Personne ne mérite de souffrir. Même pas toi, Denis.
Mes yeux plongés dans les siens, c'est comme si j'arrivais soudainement à ressentir un genre de soulagement. C'est peut être aussi le souffle qu'il émet juste après m'avoir entendue mais je suis sûr que Denis doit apprendre à s'aimer.
Avant de pouvoir se sentir bien dans cette vie, il doit apprendre à se donner de la valeur. J'ai aussi eu beaucoup de mal à le réaliser mais c'est là le départ de tout. Sans cela, je pense que je n'aurais pas pu aimer ma nouvelles famille, ni ma meilleure amie ou encore lui. Sans cette estime de moi, je ne serais peut être pas tomber amoureuse de lui.
Prise par un élan de confiance et aveuglée par ce trop plein d'émotions, je dépose ma main sur sa joue et lui caresse doucement. Il ferme les yeux, tout en prenant une respiration bien plus régulière. Naturellement, la mienne se synchronise à la sienne et seul le silence est témoin de ce moment incroyable.
Un moment où Denis est soulagé, vulnérable et un moment où Diviya se sent bien. Un moment où je suis heureuse.
Quand ses yeux s'ouvrent de nouveau, je lui offre mon plus beau sourire. Je veux le rassurer. Lui montrer qu'il en vaut la peine et que malgré tout ce qu'il a vécu, il a le droit de vivre.
Sans comprendre comment je finis par me retrouver dans ses bras. Mes mains contre son dos et ma tête bien calée contre son torse. Je n'ai jamais eu autant envie de prendre quelqu'un dans mes bras. Je n'ai jamais eu envie de faire qu'un avec une personne. Je veux ressentir ce qu'il ressent, je veux me perdre dans ses pensés pour l'aider à surmonter ses peines. Je veux me noyer dans ses songes jusqu'à moi même en trouver la bouée. Je veux être sauvée par cette chose que je ne ressens qu'avec lui.
Après quelques minutes, ses mains se déposent aussi sur mon dos et c'est comme s'il venait de me donner son accord.
Je vais l'aider à surmonter sa colère. Je vais faire ce que je peux pour le voir sourire et le voir heureux ce sera me rendre heureuse.
Hffmbx.
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