Chapitre 47
La démarche saccadée, le rythme irrégulier, mon cœur s'aventure dans la profondeur de l'océan. Un océan sombre et fascinant dans lequel on se perd. Quelques fois, on rencontre un éclair de lumière qui laisse transparaître une couleur verte. Mon vert favoris. Je ne sais pas pourquoi ni comment c'est possible d'avoir des iris si expressives et en même temps si vides. Les miennes, elle sont sombres et il n'y a rien d'intéressant à les contempler. Les siennes, je ne m'en lasserais jamais.
Je ne sais pas ce qu'il doit penser à cet instant, une chose est sûre, il doit trouver ça bizarre que je le fixe. Je m'étonnes moi même à pouvoir maintenir ce contacte pendant si longtemps. Par longtemps je veux dire une bonne minute. Lorsque je commence à réaliser que ce n'est ni normal ni poli, je finis par me concentrer de nouveau sur les œufs dans mon assiette.
- Pour quelqu'un qui voulait parler, t'es bien silencieuse d'un coup.
Sa voix éclate la bulle que je m'étais créée. Je reste silencieuse. Je ne sais absolument pas quoi dire à cet instant. J'imagine qu'il me faut encore un peu de temps avant d'oublier ma colère intérieur.
- Pourquoi tu fais tout ça, Diviya ? Et me répond pas que c'est parce que je suis quelqu'un de bien, c'est un prétexte.
Je finis ce que j'ai dans mon assiette avant de prendre une serviette et m'essuyer les coins de bouches. Oui, j'essaie de gagner du temps.
- Je fais ça en tant qu'amie ?
Je ne sais pas pourquoi je formule ma phrase sous forme de question. Ah en fait si, c'est parce que je ne suis moi même pas convaincue par ce que je dis.
Il a finit par lui aussi poser ses couverts et croiser les bras devant lui avant de s'installer le dos bien enfoncé dans sa chaise.
- En tant qu'amie ? Hier tu m'as dit qu'on était pas amis.
Oui, c'est vrai. Mince, Mince et Mince.
- Et bien ça a changé depuis hier. Dis-je en tentant un léger sourire.
Pas très convaincant, le visage de Denis reste toujours impassible.
- Tu les laisses tous t'embrasser tes potes ? Parce que perso, je fous jamais ma langue dans celle de Paloma quand je la croise.
Ok, c'est bon je me sens pas bien du tout. La température de la pièce a augmenté d'un seul coup et mes joues sont prêtes à exploser. Je décide d'attraper mon verre d'eau et d'en boire le contenu d'un seul coup. Malheureusement, ça ne fonctionne pas. J'ai toujours aussi chaud.
- Non bien sûr que non, j'ai jamais embrassé quelqu'un d'autre que toi de toute façon.
Quand je me rends compte de ce que je viens de dire j'ai encore plus envie de m'échapper. J'ai envie de sortir de cette maison et m'en aller en courant. Je passerais sûrement pour une folle, enfin plus qu'il ne semble déjà me voir.
Ses yeux se sont arrondis et il s'avance sur sa chaise.
Je décide finalement que c'est le bon moment de débarrasser la table. Je me lève brusquement et récupère mon assiette et mes couverts pour me diriger en vitesse dans la cuisine. Par la même occasion, j'essaie de récupérer mon souffle, d'organiser mes pensés et de prendre du recul sur tout ça. J'ai l'impression d'être complètement hors de contrôle. Je n'ai plus de filtre, je dis ce qui me passe par la tête et ça m'effraie.
Soudain, je sens un souffle chaud s'échouer contre mon cou. Je sursaute quand je tourne la tête sur ma droite et que j'y découvre le visage de Denis. C'est encore plus difficile comme ça, je n'arriverais jamais à contrôler ma respiration tant qu'il est dans les parages.
Il est là, ses lèvres presque collés à ma peau et moi je suis complètement tétanisée. Je fixe le mur en face de moi et essaie de trouver une solution à la situation. En réalité, la solution est simple : je dois le fuir. Mais c'est si facile à dire ... c'était si facile à penser...
Quand Denis Hernandez est dans les parages, je serais prête à tout accepter pour qu'il y reste et cela même si parfois ça me fait mal, même si parfois je suis en colère, même si parfois j'ai peur. Quand il est là plus rien ne surpasse mon envie d'être à ses côtés.
Je réalise donc enfin et je finis par l'accepter.
Je suis amoureuse de lui.
Pour la première fois de ma vie, je suis amoureuse et même si je pense que ce n'était pas censé être lui, aujourd'hui, au moment présent, il n'y a que lui.
Je frissonne lorsque ses lèvres se mettent en mouvement contre ma peau pour me dire :
- Pourquoi, tu me fuis ?
- Parce que j'ai peur.
La chaleur finit par se dissiper un peu lorsque je ne sens plus sa présence dans mon cou. Je décide alors de me retourner pour le retrouver en face de moi, le regard plongé dans le mien.
- Je te ferais rien Diviya, je sais que je suis un enculé de première mais fais moi confiance au moins sur ça. Je te blesserais jamais, je ne te toucherais jamais sans que tu ne le veuille.
Ces derniers mots résonnent dans ma tête. Au fond de moi, je sais qu'il ne me touchera pas comme eux. Je sais qu'il faut être complètement ravagé pour me faire la même chose qu'eux. Denis n'a rien à voir avec ces hommes qui ont profité de mon état pour leur propre plaisir.
Ce dont j'ai peur à cet instant, c'est de devoir confier mon cœur à quelqu'un. Je sais que c'est trop tard, que je l'aime et que je peux rien y faire mais je me dis que si je ne lui dis pas et si jamais j'essaie de mettre des limites et bien peut être que ça passera. C'est comme une maladie, on en guérit.
Enfin pour la plupart.
- Je ne sais pas quoi dire. Dis-je alors.
Il s'approche de moi et cette fois-ci laisse une distance suffisante pour que je puisse respirer à peu près normalement. Il dépose ses mains de part et d'autre de mes joues et dirige ma tête de façon à ce que mes yeux soient parfaitement alignés aux siens qui me surplombent de toute leur intensité.
- Dis moi que t'as confiance en moi.
Confiance en Denis, c'est vraiment pas ce que tout le monde ferait. Il a brisé le cœur de ma meilleure amie ainsi que celui de plein d'autres filles pourquoi je lui ferais confiance. J'ignore si je suis l'une d'entre elles, si je suis complètement obnubilée par sa prestance ou son regard mais j'ai envie de lui faire confiance.
- Je te fais confiance.
Il s'approche doucement et cette fois, son nez rentre en contact avec le mien sans pour autant que nos lèvres se joignent.
- T'es sûre ?
Je hoche la tête doucement pour le lui confirmer.
- Dis-le.
- Oui, je suis sûre.
Alors il finit par s'éloigner, retirer ses deux mains de mes joues et me regarder de loin.
J'essaie de déchiffrer son humeur, ce qu'il pense, ressent mais je n'y arrive pas. Son visage est fermé. Dans ces moments, j'ai l'impression que je suis seule. Quand je le vois comme ça, sans aucune émotion qui transparaît, je doute.
- On regarde un film ensemble, ce soir ?
J'arrive pas à croire que j'ai dis ça à haute voix.
- Quoi ?
- Rien, oublie.
Je me dépêche finalement de quitter la pièce pour me rendre dans la salle à manger. Son assiette est vide alors lorsque je le vois arriver vers moi, j'attrape des couverts pour filer de nouveau vers la cuisine.
C'est puéril, j'en ai conscience. Je ne vais pas pouvoir jouer à cache pendant longtemps.
Après avoir finit de débarrasser, je remarque que Denis n'est plus là. Je souffle de soulagement. La pression descend peu à peu.
Il a peut être préféré aller se cacher dans sa chambre plutôt que rester là à entendre des bêtises sortir de ma bouche. Un film sérieusement ? Il est peut être fatigué et moi je pose ça sur la table.
Finalement, je le vois réapparaître dans les escaliers, une petite couverture sur le bras.
Je reste debout à attendre qu'il descende puis il finit par s'avancer jusqu'à moi.
Délicatement, il dépose la couverture sur mes épaules non sans me quitter du regard. Le visage fermé, je n'arrive pas à comprendre cette attention soudaine.
Puis il recule et va s'allonger sur le canapé.
Je reste encore debout, perturbée par ce qu'il vient de faire.
- Tu veux voir quoi ? Demande-t-il soudainement.
- Euh...comme tu veux.
Toujours immobile, je le dévisage pour tenter de déchiffrer ce changement d'humeur. Il n'est pas aussi gentil d'habitude. Quand ses yeux se déplacent sur moi, je me sens encore plus mal à l'aise.
- Tu comptes rester debout encore longtemps ?
Oui, c'est vrai. Je vais m'asseoir en vitesse à l'autre bout du canapé.
Un rire finit par se propager dans la grande pièce, redonnant un peu vie à ce silence devenue mortuaire.
- Je vais pas te bouffer, pourquoi tu t'assoies à l'autre bout du canap' ?
- C'est juste que ... je ne voulais pas te déranger.
- Allez viens-là.
Il écarte son bras gauche m'invitant ainsi à me faufiler entre son corps chaud et son bras. J'hésite un peu. Je franchis toutes mes barrières avec lui et j'ai un peu peur de le regretter plus tard. Je lui offre ma confiance, il a mon coeur et maintenant cette proximité. J'ai peur que tout ça se termine mal et je redoute le moment où il en aura marre de moi. Ce jour là, ce sera comme mourir sur place. Je ne sais pas si je m'en remettrais. Suis-je assez forte pour cela ?
Je décide néanmoins de reculer ces pensées négatives de mon esprit quelque peu sadomasochiste et m'avance doucement vers lui.
Je mets du temps avant de me laisser aller contre lui. Je mets du temps avant de sentir cette chaleur qui émane de son corps musclé. Je mets du temps avant de me sentir en sécurité. Mais quand c'est fait, c'est une sensation exquise.
Je n'ai plus envie de bouger. Je veux rester là, blottie contre lui aussi longtemps qu'il m'y laissera.
Son bras se referme alors contre moi et sa main trouve sa place par dessus mon teeshirt au niveau de mon ventre.
Son teeshirt.
J'ai du mal à réaliser que tout ceci est la réalité. Que je ne suis pas en train de lire un de mes livres et m'imaginer des scénarios dans ma petite tête. Non, c'est moi.
J'ai réussis à vaincre cette peur.
- Dis-moi, ce que tu veux regarder, j'y connais rien à c'te merde de Netflix.
Quand je relève la tête, la sienne est face au grand écran télévisé accroché au mur. Son visage semble un peu plus détendue. Ses yeux un peu plus sombre, je pense que cela est dû à la faible luminosité de la pièce. Sa barbe naissante épouse parfaitement sa mâchoire définie. Je remarque par la même occasion un petit grain de beauté sur sa joue gauche. Celui-ci surplombe une petite cicatrice qui semble assez ancienne.
Je pensais être la seule à avoir des cicatrices aussi prononcées.
Visiblement, la vie éprouve beaucoup plus de personnes que je ne me l'imaginais. Je ne suis peut être pas la seule à être cassée.
Je sors de mes pensées lorsque sa tête se tourne brusquement pour m'offrir son expression interrogatrice. Je dois faire l'effort de relever la tête pour voir ses yeux.
- Qu'est-ce que tu fous ?
- Moi ?
- Non le pape.
C'est une blague, je crois.
- Je faisais rien du tout. Dis-je alors.
Je comprends finalement qu'il parlait sûrement du fait que je le fixe.
- Je regardais cette cicatrice.
Je dépose alors mon doigt dessus. J'essaie d'être la plus douce possible, peut être que ça lui fait mal ? Enfin même si physiquement ce n'est normalement pas possible, je sais qu'observer les miennes me fait mal. Je repense à leur origines et mon cœur se resserre.
Je ne veux pas qu'il ait mal.
Hffmbx.
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