Chapitre 38

Après les trois jours passés à l'hôpital, mes parents ont insisté pour que j'aille consulter un psychologue. Ils pensent que l'arrivée d'Anil m'a complètement dévastée. En soit, ils n'ont pas vraiment tort mais je préfère rester dans le déni. Je préfère me dire qu'ils ne sont pas sur le territoire américain et que ma vie d'étudiante américaine se poursuit. D'ailleurs, je n'ai toujours pas raconté à Jessy l'arrivé de ma famille biologique. C'est la dernière chose que je veux, rependre mon passé à l'université. En ce moment même, je me dirige vers la bibliothèque pour retaper mes cours de la journée sur mon ordinateur.

Je réussis à trouver une place assez calme tout près de la fenêtre. Je m'y installe en essayant de faire le moins de bruit possible. J'ai toujours appréciée cette ambiance calme et apaisante au sein des bibliothèques universitaires. Tout le monde semble travailler sérieusement. C'est parfois amusant de découvrir les divers visages concentrés des étudiants, parfois c'est assez difficile de rester concentrer. Le silence facilite vraiment le sommeil.
Plus la date des examens approche, plus je remarque que les étudiants se dirigent vers la bibliothèque plutôt que le gymnase. C'est assez amusant et en même temps plutôt stressant.

Pour l'instant, je ne peux pas dire que j'adore les études que je fais. Certes les maths, c'est intéressant quand on comprend mais ça reste tout de même très théorique et j'ai du mal à me projeter dans un métier de matheux. Je ne me vois pas ingénieure ou architecte. Je me vois plutôt en contact avec la nature, près d'animaux pourquoi pas...

Après plusieurs minutes à rêvasser, je commence enfin à sortir mes cours et me mettre au boulot. Pendant presque deux heures, sans aucune pause, je réussis à donner formes aux jolies équations que j'avais griffonnées sur mon cahier. C'est bien plus agréable à apprendre comme cela.

Je décide finalement d'aller me chercher quelque chose à manger avant de me mettre à apprendre mon exposé qui aura lieu dans deux semaines. Je ne prends pas la peine d'emporter mes affaires avec moi car ici personne n'y touche.

Je me dirige alors vers la cafétéria la plus proche pour aller choisir un petit brownie au chocolat ainsi qu'une bouteille de jus de fruits. Je dois avouer que les prix sont nettement plus élevés que dans les centres commerciaux.

Je finis alors par me diriger vers la caisse mais je m'arrête presque immédiatement lorsque j'aperçois John et Denis entrer dans la cafet'.

De façon instinctive, je me cache littéralement derrière le distributeur à café en espérant être discrète. J'hésite un moment à abandonner mes petites courses pour filer à la bibliothèque, autrement dit dans un endroit où il y a zéro chance de les croiser, mais je renonce, j'ai vraiment faim. Alors j'attends patiemment que ces derniers achètent ce qu'ils veulent et quittent la cafet'.

Je prends quand même soin de vérifier qu'ils ne sont plus là avant de sortir de ma cachette et de vite aller payer mon goûté.

Ce n'est vraiment pas possible de les éviter éternellement et je m'en rends compte encore plus chaque jour passé à l'université.
Malgré la difficulté, je dois maintenir cette distance. Je ne peux pas me permettre de retourner auprès d'eux car je voudrais toujours savoir la vérité sur cette histoire avec mon frère et malheureusement j'ai bien compris qu'ils ne me la donneront jamais. Je préfère donc rester à l'écart.

Je finis alors par manger mon brownie au chocolat et boire mon jus de fruits avant de retrouver la bibliothèque. Il doit être environ dix-huit heures mais les étudiants semblent toujours s'atteler à leur tâches.
Après quelques minutes, je finis par rejoindre ma place qui en fait semble occupée. Je l'approche doucement pensant d'abord que je me suis peut être trompée d'allée mais ce n'est pas le cas. Ce sont bien mes affaires qu'il est en train de regarder !

J'ai juste envie de hurler en découvrant que ce n'est personne d'autre que Anil. J'avais pourtant bien dit à mes parents de faire transmettre le message : « Je ne veux pas qu'il s'approche de moi. » Visiblement, il n'y comprend vraiment rien à l'anglais.

Je prends mon courage à deux mains, un grand souffle et fonce droit vers ma place pour y récupérer mes affaires le plus vite possible. Je range tout sous ses yeux ébahis et m'empresse de quitter la bibliothèque le plus vite possible. Tant pis, je terminerais à la maison.

Alors que je pensais l'avoir perdue, je l'entends m'appeler derrière mon dos. C'est pas possible, je ne sais vraiment pas quoi faire pour qu'il abandonne.

Il finit par me rattraper et me barrer le chemin alors que je suis à quelques mètres de rejoindre l'arrêt de bus. Nous sommes en plein milieu du parking de l'université et à moins de vouloir me faire remarquer par tous les étudiants, je ne peux pas me donner en spectacle et lui hurler dessus.

J'attends alors patiemment qu'il me dise ce qu'il me veut.

- Diviya ...

- Quoi ? Je ne veux plus te voir Anil, tu ne fais plus partie de ma vie.

Il met du temps avant de comprendre ce que je lui dis et de me répondre.

- Je veux juste passer du temps ensemble, connaître un peu plus ta personne, ce que tu deviens.

Je remarque l'enchaînement douteux des mots dans sa phrase. Il est vrai que lui ça ne fait que quelques mois qu'il est aux États-Unis.

- Ecoute moi bien, c'est la dernière fois que je te croise ici, tu m'as bien compris ? Je ne veux plus rien à voir ni avec toi, ni Rama, ni personne ! Sortez de ma vie.

Alors que je suis déterminée à m'éloigner, de nouveau il me rattrape par le bras et me tient un peu trop fort par la même occasion.
J'essaie de me retirer de sa prise mais ce dernier ne semble pas d'humeur à me lâcher. Il commence vraiment à me faire mal.

- Lâche-moi. Demandais-je.

Il émet un regard vers sa prise puis sourit étrangement.

- Diviya, si tu ne veux pas me voir, je vais trouver un moyen pour que tu viennes avec moi.

- Mais tu es complètement fou ? On est pas au Cambodge, ici il y a des règles qui me protègent !

Cette fois-ci son regard n'a plus rien d'amusant. Son visage est sévère et sa prise se resserre de plus en plus. Ça commence à devenir douloureux à mesure que je me tortille pour me libérer.

- Tu ne comprends pas. Maman veut te voir. Tu vas venir que tu le veuilles ou pas.

Je commence sérieusement à paniquer en me rendant compte qu'il est vraiment sérieux. Comment peut il se montrer menaçant avec moi ? C'est pas censé être comme ça qu'on se comporte avec les membres de sa famille. Puis je me souviens que le concept de famille avec lui c'est d'abandonner sa sœur en plein milieu du danger sans aucune raison.

- Anil tu me fais mal, lâche moi s'il te plaît.

Cette fois, je le supplie pour attirer sa pitié. Il peut pas me kidnapper comme ça, en plein milieu du campus, je ne peux pas retourner avec ces gens des années plus tard !

Alors que je commence sincèrement à perdre espoir, j'aperçois en face de moi Denis et John. Mon cœur se met à accélérer d'un seul coup. A peine ont-ils posé leur regard sur la grande silhouette d'Anil qu'ils arrivent en courant dans ma direction. Je me détends immédiatement. A cet instant, je comprends que je suis sauvée.

A peine arrivé à notre niveau, Denis attrape violemment la main d'Anil pour l'arracher de mon bras. J'émets d'abord un mouvement de recul et me masse la trace rouge qu'a laissé sa main. Je ne comprends pas pourquoi vouloir être aussi violent. Je ne veux pas venir avec lui tout comme je ne veux plus rien à voir avec cette famille, c'est pas difficile à comprendre.

Denis semble sortir tout droit du gymnase. Il porte un débardeur noir ainsi qu'un short de sport gris. Il finit par s'interposer devant Anil, les deux font quasiment la même taille et se tiennent tête.

- C'est la deuxième fois que je te trouve autour d'elle, c'est quoi ton problème ? S'énerve-t-il.

John, lui, s'est positionné à côté de moi et observe la scène d'un œil attentif.

Anil met du temps avant de répondre, il me jette un coup d'œil distrait avant de reporter son attention sur Denis.

- Mon problème, c'est toi. Je communique tranquillement jusqu'à que tu viennes nous interrompre.

On a décidément pas la même définition de communiquer tranquillement.

- Tu te fous de ma gueule en plus ! Commence à crier Denis. T'appelle ça communiquer quand tu l'attrapes comme ça, t'es qui putain ?

Soudainement, mon cœur se met à battre drôlement pour ne pas dire un peu trop vite. Je n'ai pas envie qu'ils sachent. Je ne veux pas que Denis découvre mon passé, pas comme ça, enfin pas du tout même.
Je commence à m'agiter sur place et je finis par m'interposer entre Denis et Anil coupant court à leur confrontation.

- C'est bon, laisse-le partir. Dis-je en regardant Denis.

Ce dernier finit par plonger ses yeux émeraudes dans les miens. Les sourcils froncés, il semble s'interroger sur ma réaction.

- Tu vois, elle me connaît. Se trouve malin d'ajouter Anil.

Je commence à voir apparaître le regard colérique de Denis. Il respire de plus en plus fort et c'est clair que la situation commence à l'agacer.

J'en profite pour lancer un regard sombre à Anil et lui intime de s'en aller. Ce dernier finit par accepter en souriant mais il ne manque pas d'ajouter avant de partir :

- Je reviendrais, Diviya. C'est une promesse.

Il me fait un genre de bisous dans les airs avant de partir et je sens soudain la pression quitter mon corps. Je me passe une main sur le front pour tenter de reprendre mes esprits ce qui visiblement n'est pas si simple lorsque John et Denis me toisent du regard juste en face de moi.

- Merci. Dis-je avant de me diriger vers l'arrêt de bus.

Il est hors de question que je leur explique cette situation. Je ne leur adresse même plus la parole en plus.

J'entends Denis derrière moi qui ordonne à John de s'en aller et je suis soulagée de comprendre qu'ils n'insisteront pas plus.
Ce soulagement est malheureusement de courte durée puisque Denis réapparaît dans mon champ de vision.

- Toi, tu viens avec moi.

Pardon ?

Je ne comprends pas immédiatement ce qui se passe lorsque Denis m'attrape par le poignet et me dirige vers le parking. Sa prise reste cependant bien plus douce que celle d'Anil. Ses mains sont drôlement grandes et douces en même temps. Nous finissons par arriver devant sa voiture et je me décide enfin à m'éloigner de lui. Il ne me rattrape pas mais attend visiblement une explication.

- Tu comptes me kidnapper toi aussi ? Demandais-je sans réfléchir.

- Moi aussi ? C'était qui ce mec Diviya ?

L'entendre prononcer mon prénom me perturbe toujours autant. Je n'ai vraiment pas l'habitude.

- C'était personne, merci de m'avoir aidé.

Il se met à rire. Un rire nerveux j'imagine parce qu'il n'y a rien de drôle dans tout ça.

- Non, non, non, tu vas m'expliquer pourquoi tu nous fuis depuis un mois. Tu vas m'expliquer pourquoi tu réponds pas à mes appels et tu vas me dire qui est ce mec ! C'est quoi ce délire ?

- J'ai pas d'explication à te donner, Hernandez. On n'est pas amis.

C'est vrai. Je ne vois pas pourquoi je devrais me justifier devant lui. Je ne lui dois absolument rien, mise à part le fait de m'avoir sauvé encore une fois mais pour ça j'ai dis merci, je pense que c'est suffisant.

- Ouais t'as raison, on n'est pas amis. Mais t'oublie qu'avant tu étais pote avec Paloma. Elle t'a rien fait elle et tu l'a laissé en plan.

- J'avais mes raisons.

- Tes raisons ? Tu veux bien me les donner parce que là je pige que dalle, bordel !

- Ne me crie pas dessus !

A cet instant, Denis rentre dans sa voiture et me fait signe d'en faire autant. Bien sûr, que je n'obéis pas. Je n'ai pas fait tout ça pour me retrouver même pas un mois plus tard à discuter avec lui, dans sa voiture.

- Bouge Diviya !

- Non !

Alors que je pense finalement avoir gagné, je commence à être fière de moi, je réussis à tenir tête à quelqu'un, il finit par sortir de la voiture et m'attraper par ma veste pour me tirer vers le côté passager et m'enfoncer dans sa voiture.

Je n'ai pas le temps de comprendre quoi que ce soit qu'il a démarré et quitté le campus.

Hffmbx

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