Chapitre 23

Ça fait une semaine que j'évite tout le monde.
Une semaine que je ne réponds ni à Paloma, ni à Jessy, ni à John. Une semaine que je change brusquement de chemin lorsque j'aperçois Hernandez. En une semaine, j'ai réussi à faire croître la haine que j'éprouvais pour lui. Tout ce qu'il a bien pu me dire et qui paraissait plus ou moins gentil venant de lui, n'était que déchet parfumé. C'est maintenant à mon tour de lui faire payer tout ça.

Je m'engage dans un terrain inconnu, tout ça je n'ai jamais fait. Toute ma vie, j'ai subi les horreurs de ce monde sans pour autant extérioriser la haine qui s'accumulait au plus profond de moi. Mes cauchemars me hantent encore aujourd'hui et malheureusement je ne peux rien y faire. Si j'avais perdue la vie ce jour là, j'aurais connu la paix, oui mais je n'aurais jamais rencontré ma famille. Des personnes incroyables qui ont toujours tout fait pour me rendre heureuse.

Je décide donc aujourd'hui de devenir quelqu'un d'autre. Je décide de mettre toutes les chances de mon côté pour découvrir la vérité. Qu'est-ce que ça peut faire de devenir celle qu'on a toujours rêvé d'être, intouchable, insensible, protégée finalement ?
Rien de mal je suppose.

Je vais montrer à Hernandez que je ne suis pas celle qu'il pense que je suis. Je vais découvrir ce qu'il cache et la raison pour laquelle il a fait tout ça pour me blesser moi, Aless et Jessy. Je vais me venger pour la première fois en lui faisant découvrir une chose qu'il ne connaît pas : Aimer.

J'ose simplement espérer que cet individu est tout de même normalement constitué pour développer un sentiment comme celui-ci.

Le seul problème, c'est que j'ignore moi même complètement ce que c'est. J'aime mes parents, mon frère, ma sœur, mes amis enfin du moins le peu d'amis que j'ai. Mais aimer comme Aimer. Aimer comme tomber amoureux. Je n'ai aucune idée de ce à quoi ça peut ressembler.

Je sais que ça peut faire mal, merci Jessy. Je sais que ça peut rendre fou, merci Jessy. Je sais que ça peut rendre heureux, merci Jessy. Je sais que c'est fort, si fort que ça peut transformer une personne, ça détruit un monde pour retrouver l'autre et c'est capable de tout pour le bonheur de l'autre.

Si je réussis à faire éprouver ce genre de sentiment à Denis, j'aurai gagné. Je lui ouvrirai les yeux et il sentira ce que ça fait de jouer avec le cœur de quelqu'un. D'après ce que Paloma a évoqué, Denis n'est pas tout blanc. Il en a brisé des cœurs et le moment est venue de lui faire payer.

En revanche, est-ce que je suis là bonne personne pour lui faire éprouver ça ? Je l'ignore, je ne le pense pas. Comment peut-on tomber amoureux de moi ?

Une cambodgienne qui a un style vestimentaire bien particulier, qui malgré ma détermination actuelle reste très timide. Est-ce que je serais capable de me transformer en celle qu'il pourrait aimer ? Jessy, qui a tout pour elle n'a pas réussi, en ai-je vraiment les épaules ?

Ça c'est la question qui me tourmente l'esprit aussi depuis une semaine. Je ne sais pas comment je vais m'y prendre. Je dois rester moi même tout en devenant quelqu'un d'autre. Je dois le convaincre. Ça c'est difficile.

J'attends le bus prête à rentrer chez moi lorsque le principal concerné de mes pensées s'aventure devant mes yeux. Au loin, il avance d'une démarche assurée, le sac sur le dos, un sac qui paraît drôlement vide. Un autre indice qui je suppose montre tout sauf son sérieux.

Il rabat ses lunettes de soleils devant ses yeux et sort une cigarette de sa poche. Il ne l'allume pas immédiatement, il l'a laissé là, coincée dans sa bouche tout en se dirigeant vers le parking.

La nonchalance en un personnage.

Qu'est-ce qu'un garçon comme lui pourrait aimer ?

Je l'ignore complètement. Rien je suppose. Je me demande s'il a des frères et sœurs. Des parents ? Il doit les aimer eux non ? Oui, évidemment.

C'est à ce moment que le visage de ma mère biologique brouille mes pensées. Je ne l'aime pas, moi. Je n'aime pas ma mère tout comme mes deux frères qui m'ont abandonné.

Je les vois encore disparaître dans cette ruelle alors que mes larmes commencent à couler, alors que mes membres se mettent à trembler. Cette douleur indescriptible pourtant bien réelle est-elle vraiment supportable ? Apparemment oui, tristement oui.

Une voiture finit par s'arrêter devant moi. Je mets plusieurs secondes avant de réagir, perturbée par mes pensées sombres.

C'est Denis.

Qu'est-ce que je fais ?

- Je te dépose ?

- Non merci. Répondis-je sévèrement.

Je ne pense pas vraiment que c'est comme ça qu'il faut que je m'y prenne pour qu'il m'apprécie dans un premier temps...Alors je fais un effort énorme pour reprendre :

- C'est gentil mais j'attends mon bus.

- Ton bus n'est pas là.

- Et alors, il va arriver.
C'est compliqué de se retenir finalement.

Il finit alors par retirer ses lunettes avant de sortir de l'habitacle.

Qu'est-ce qu'il fait ?

Il s'avance vers moi en prenant soin de jeter sa cigarette et l'écraser au sol. D'une démarche assurée, il me toise de toute sa hauteur alors que je suis toujours assise à mon arrêt de bus.

- Je suis là, pas ton bus. Monte c'est sur mon chemin. Finit-il par lâcher.

Il insiste tellement que c'en est perturbant. Je me surprends moi même à me lever, lui faisant face. Il ne bouge pas visiblement lui aussi surpris par mon comportement.

- C'est à ton habitude d'inviter n'importe qu'elle fille dans ta voiture ?

J'ai vraiment dit ça ? Incroyable, je me surprends.

- Woaw dit-il entre un sourire qu'est-ce qui t'arrive ?

Il l'a remarqué que je ne pouvais plus le supporter, mince c'est plus fort que moi. C'est difficile de cacher ses émotions.

- Rien du tout.

- Ok, ça fait une semaine que tu réponds à personne, tu m'évites, tu évites tout le monde qu'est-ce qui t'arrive ?

C'était si évident que ça ? Je pensais pas qu'il le remarquerait.

- Rien.

Je ne vois pas quoi répondre, je ne peux pas lui dire que je sais tout. Tout ce qu'il a fait c'était pour blesser Aless, Jessy et moi.

- Te fous pas de moi l'indienne, c'est ce mec qui te fais chier encore ? Il t'emmerde ?

Quoi ? De qui parle-t-il ?

Oh ! Non pas du tout. Pas lui, il s'en souvient ? Bien sûr qu'il s'en souvient, c'était sur son chemin pour aller larguer Jessy.

- Non c'est pas lui.

- Ok donc c'est quelqu'un. Qui ?

Il pose sa question en me fixant droit dans les yeux, je ne peux ignorer l'effet étrange que la couleur des siens me font. Il a de la chance, de les avoir aussi clairs, si hypnotisants, profonds.

Soudain, il s'éloigne de moi sans que je ne comprenne pourquoi, il ouvre la porte côté passager et me fait un signe de tête pour que je monte.

Je secoue la tête pour refuser mais à ma grande surprise il finit par venir m'attraper par le bras pour me tirer vers la voiture. Je ne comprends pas son brusque geste mais je finis par me retrouver assise dans sa voiture, encore.

Il finit par monter à son tour attrape sa ceinture et s'apprête à démarrer lorsqu'il s'arrête.

- Quoi ? Demandai-je lorsqu'il me fixe drôlement.

- Ta ceinture.

Mince. Je m'exécute alors en prenant soin de ne regarder que la route devant moi.

- T'es space comme meuf.

- Hein ?

- Je veux dire t'es bizarre. Reprends-t-il.

J'ai vraiment pas envie de faire la conversation mais je n'ai pas le choix, il faut bien commencer quelque part.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Tu parles pas beaucoup, tu es d'habitude très polie mais tu me parles comme si j'étais ton ennemie, je sais pas je te trouve difficile à comprendre.

- Tant mieux, ça te dissuadera de m'approcher.

Il rigole. Vraiment, il rigole a côté de moi. Je ne vois pas ce qui est drôle, je n'ai plus de barrière, je déverse clairement ma haine sur lui et ça semble l'amuser ? C'est plutôt lui qui est bizarre.

- Paloma a essayé de t'appeler plusieurs fois, elle voulait t'inviter ce week end dans le chalet de son père, c'est un bel endroit.

Je m'en veux de ne pas lui avoir donner de nouvelles, la pauvre elle ne m'a rien fait contrairement à l'individu qui se situe à quelques centimètres de moi.

- Je l'appèlerais. Répondis-je simplement.

Le reste du trajet se fait dans le silence, combien de temps vais-je devoir continuer ce jeu ? Combien de temps ça prend pour que quelqu'un tombe amoureux ?

- Tu vas toujours pas me dire pourquoi t'es comme ça ?

J'aimerai, mais malheureusement je ne peux pas.

- J'ai pas envie de t'en parler Hernandez. Lâchais-je alors qu'il finit par s'arrêter devant chez moi.

Je me dépêche de retirer ma ceinture et je m'apprête à sortir mais il me rattrape par le bras, encore.

Je me détache rapidement de lui, je ne veux surtout pas qu'il me touche. Je ne veux plus qu'il le fasse.

- Diviya.

Je le regarde sérieusement en attendant ce qu'il veut dire.

- Sérieux qu'est-ce qui t'arrive ? J'ai fais quelque chose ?

Mon coeur semble rater un battement dans sa cage thoracique lorsqu'il me demande ça.
Je ne pensais pas qu'il me poserait directement cette question.

Il me fixe dans les yeux comme il le fait si bien et attend une réponse, il semble contrarié ? Inquiet ?

Comme je ne réponds pas, il finit par laisser tomber.

J'en profite pour ouvrir la portière mais j'arrive à entendre ses derniers mots lorsque je m'apprête à la refermer :

- Je sais que j'ai fais quelque chose quand tu m'appelles Hernandez.

La porte se referme sous mes yeux puis il s'en va alors que je reste toujours figée devant la route.

Ai-je pris la bonne décision ? Est-ce que ce jeu va vraiment me permettre de me venger ?

Hffmbx.

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