Deux heures plus tôt

Il était une fois, une fille joyeuse et dotée d'une beauté indescriptible qui fit la rencontre de son opposé. Une âme sombre, détruite et poussiéreuse. Progressivement la noirceur de son cœur déteignait sur la pureté de l'autre. Progressivement, les démons de l'homme prirent possession de la beauté de la femme. Telle une éclipse interminable. Telle une nuit éternelle. Mon amour aussi empoisonné que sincère réussit à happer sa joie. Ça a commencé par son sourire. Puis cette lumière pétillante qui s'éteignait au fond de ses iris bleus. Il n'y avait plus que des larmes. Cries de douleurs ! Et comme une bête prête à tout pour déverser sa rage sur la personne la plus pure qu'elle n'est jamais aimé, elle l'a dévoré. Tel un cauchemar sans réveil, je vivais pour l'éternelle seulement deux ans sans elle.

Je n'aurais jamais pensé un jour avoir aussi mal. Si seulement j'avais su que mes troubles alcooliques pouvaient autant affecter une fille aussi gentille que Kate, je n'y aurai jamais touché.

Comment j'ai pu la frapper ? Comment j'ai pu la traiter aussi mal alors que tous ce qu'elle m'avait offert c'était son coeur ?

Ma punition aujourd'hui, là voici.

J'essaie de réfléchir. Est-ce qu'un dernier verre pourrait me faire arrêter de penser ? Est-ce qu'un dernier verre me permettra d'oublier le désastre de ma vie ?

- Un autre. Dis-je alors.

Le barman, homme propre sur lui s'approche de moi avant de me tendre un nouveau verre de ma boisson préférée.

J'ai aucune putain d'idée de ce qui m'arrive. Je fais que vomir. Je ne trouve plus le sommeil. A chaque fois que je tente de fermer les yeux, je la vois. Avec son sourire angélique, elle m'observe et me raconte sa journée encore et encore. Elle me raconte la journée où elle a décidé de mettre fin à tout. Elle m'a dit que tout était de ma faute. Qu'elle m'aimait beaucoup trop pour pouvoir passer à autre chose...

J'ai conscience que cette histoire ne dégagera jamais de ma mémoire mais pendant un an, j'ai réussi. L'année où j'étais avec Jessy, j'ai réussi à passer à autre chose. J'avais réussis à ne plus forcément penser à elle à chaque fois que je croisais une blonde aux yeux bleus.  Je suis clairement au fond du gouffre aujourd'hui. Mes rêves sont si réels que j'ai l'impression qu'il y'a une signification derrière tout cela. C'est comme si elle essayait de me faire passer un message, je sais pas. Je crois que je perds pieds. Je crois que je suis en train de devenir fou. Entre les joints, l'alcool, les cigarettes. Je vais pas bien du tout. J'ai plus de potes ! Même John s'est rangé du côté d'Hernandez. Mon père et ma mère, depuis que j'ai réussi à impliquer Diviya dans la vengeance de Denis, ils n'osent même plus m'appeler.

Mon père était à deux doigts de me dégager de la maison, c'est pour dire à quel point c'est la merde. Je sais plus quoi faire. En fait, si je sais ce que je veux faire.

J'attrape le verre que le Barman m'a filé pour le balancer contre le miroir qui me projette la tronche de ce gars depuis des heures. La glace se rompt dans un bruit sourd et ça me fait rire. La gueule du barman se pointe sous mes yeux et ça me fait rire aussi.

Wow ! Il crie vraiment super fort !

Je sais pas trop ce qu'il dit mais il est à deux doigts de m'envoyer son poing dans la gueule. Alors je prends ma lettre et dégage du bar. Il est tôt, enfin je crois au vue de tout ce monde qui a dans les rues.

Je m'arrête quelques minutes devant la vitrine d'un magasin et je retrouve la même tronche que sur le miroir du bar.

- Qu'est-ce t'as à me suivre putain de merde !

Le gars a une sale tronche. Ses cheveux sont humides, c'est clair qu'il a pas l'air bien. Il me fait limite de la peine.

Kate passe à mes côtés et je l'attrape pour lui montrer ce gars qui me suit depuis le bar.

- Kate, Kate ! Regarde dis-lui de dégager. Je veux pas le frapper encore. Dis-lui de partir je t'en prie.

Kate me regarde un peu bizarrement. On dirait que je lui fait peur.

- Monsieur, j-je ne suis pas Kate et cet homme n'est que votre reflet sur la vitre en verre.

- Quoi ?

Je détache mes mains de la jeune fille et c'est là que je percute que cette fille est rousse. Elle est même pas blonde et elle a pas le sourire angélique que je vois dans mes rêves. Cette fille n'est pas Kate. Elle me regarde d'un air peiné et s'en va.

Je me laisse tomber sur le trottoir et je fonds en larmes. J'ai plus de forces. J'ai plus de courage. J'ai plus envie de rien. J'ai tout perdu et je me déteste comme jamais d'avoir pourri la vie de Hernandez.

Il a gagné !

Je laisse tomber, Denis a eu sa foutu vengeance et moi je suis aux portes de l'enfer.

Ce qui me fait quand même chier, c'est qu'il a réussi à avoir ma sœur. La seule âme pure qui restait dans ce monde, il a réussit à l'avoir alors qu'elle n'avait rien demandé. Je peux même pas la défendre, c'est trop tard elle l'aime.

Des fois, je me dis que Hernandez est mieux que moi. Je me dis qu'il ne fera jamais autant de mal à Diviya que moi j'en ai fait à sa sœur. C'est là aussi que je me rends compte qu'il n'y a vraiment pas pire que moi dans ce monde.

Je décide de me remettre debout avec maladresse et me diriger vers ma voiture. Quand je la vois, je repense à cette journée d'anniversaire. J'étais très loin de m'imaginer que ce jour là tout allait changer. J'étais très loin de m'imaginer que je venais d'offrir à Denis ma propre sœur sur un plateau.

Je monte dans la voiture de luxe, l'odeur du cuir toujours bien présente. L'argent c'est de la merde. Qui a dit un jour que l'argent faisait le bonheur ? J'irais bien gifler son auteur.

L'argent ne ramènera jamais Kate.

Je sors ma lettre de ma poche alors que j'emprunte la voie rapide. La neige se met à tomber comme pour me narguer. Kate adorait la neige.

Dans la lettre, c'est ses derniers mots. Je devrais être fier que ses dernières paroles me soient dédiées mais dans le contexte dans lequel on parle, il n'y a pas de quoi l'être.

Elle m'a dit que la vie était belle ! Elle m'a demandé de ne jamais abandonner. Elle m'a demandé de ne pas être lâche. Est-ce que je vais réussir à tenir ces engagements ? Est-ce que je vais être capable d'avancer sans me retourner vers le passé ?

Putain de merde !

J'en ai pas envie ! J'en ai vraiment vraiment pas envie mais j'ai pas le choix. Après tout ce que je lui ai fait subir, je me dois de lui offrir au moins ça. Je me dois de me battre pour ...

Putain, sa lettre vient de glisser à mes pieds.

Je me baisse pour aller la récupérer en essayant de maintenir le volant bien droit. J'y suis presque ...

C'est bon !

Quand je relève les yeux, je remarque que je suis à contre-sens !

Bordel de merde !

J'essaie de ralentir ma vitesse pour esquiver le camion qui arrive à pleine vitesse mais c'est trop tard. La voiture glisse et c'est impossible de la gérer.

J'attrape la lettre de Kate, la plaque contre mon coeur et ferme les yeux en priant pouvoir un jour réaliser ce qu'elle m'a demandé.

*
Aless,

Tu m'as dit un jour qu'on ne rencontrait qu'une seule fois l'amour de sa vie. Tu m'as dit que lorsque c'était fait rien ne pouvait séparer deux personnes qui s'aimaient. Je voudrais te prouver que parfois la vie est bien plus complexe. Parfois, nos opinions divergent et les disputes nous brisent. Parfois, les gens se séparent et se blessent.

Je ne t'en veux pas. Pour les mots que tu as prononcés ni pour les coups que tu n'as malheureusement pas contrôlé. L'amour c'est aussi savoir pardonner. L'amour c'est aussi savoir abandonner.

Je t'aime, te pardonne mais t'abandonne.

Je ne sais pas quand tu recevras cette lettre mais si jamais je ne suis déjà plus là, ne soit pas triste. Ne désespère pas ! Je n'étais juste pas celle qu'il te fallait.

J'ai mal mais je l'accepte.

Je te souhaite tout le bonheur du monde, je compte sur toi pour ne pas être aussi lâche que moi.

N'abandonne jamais !
La vie est belle, Aless.

Kate H.
*

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