6 ~ Je te pardonne.
"Ce sont les effets de l'alcool ", c'est ainsi que John et moi avons justifié ce qui s'était passé la veille. Il n'était pas dans son état normal, et j'ai cédé à la curiosité, mais depuis, rien n'a changé. John est mon ami, et un baiser ne pourra jamais altérer notre amitié.
Assise sur une chaise, je contemple Rama, immobile depuis un an. Une septicémie l'a plongée dans un coma artificiel, mais elle a été soignée à temps en arrivant aux États-Unis. Maintenant, nous attendons, tels des veilleurs, que ses yeux s'ouvrent un jour.
Mais je suis rongée par l'incertitude. Dois-je craindre de ne jamais pouvoir m'expliquer avec elle, ou de tenir cette conversation tant redoutée ? Dans cette chambre d'appartement, je suis en quête de réponses. Mon cerveau rumine constamment.
Quand Rama reprendra conscience, que lui dirai-je ? Mes mots seront-ils suffisants pour exprimer ma colère et mes regrets ?
Je lui dirais quelque chose comme « Salut c'est Diviya, la fille que vous avez abandonné y'a plus de dix ans. Avez-vous une raison valable d'avoir fait cela ? »
Ou bien devrai-je peut-être commencer par « Bonjour c'est Diviya, votre fille. Vous souvenez-vous de moi ? »
C'est pathétique. Je suis là à lui rendre visite tous les matins alors qu'elle n'a sûrement jamais pensé à moi depuis ce jour où elle m'a lâchement abandonné. Que voulez-vous ? Je suis comme ça prête à prendre mon mal en patience par simple espoir.
Je ne sais pas ce que je veux au fond, je ne sais pas ce que j'espère non plus. J'ai peur que tout ça ne me fasse plus de mal qu'autre chose.
- J'ai trouvé un travail. Déclare la voix d'Anil à mes côtés.
- C'est bien.
Oui car avec lui non plus, je ne veux pas étendre la conversation. Je lui en veux de n'avoir rien fait ce jour là et de s'être comporté comme un vrai psychopathe avec moi. Je n'oublierais jamais le jour où je l'ai croisé dans cette rue en rentrant de chez moi il y a trois ans.
Si Denis ...
Et voilà que je me remets à penser lui !
Stupide Diviya !
Je finis par me relever, ranger la chaise sur laquelle je m'étais posée puis je m'apprête à quitter l'appartement.
- Diviya ! M'interrompt Anil.
Je lui fais un signe de tête pour qu'il poursuive. Il m'a l'air assez mal à l'aise, il se passe une main derrière la tête et se tient maladroitement. Je fais l'effort de patienter mais je ne vais pas rester ici des heures non plus, qu'il se dépêche !
- Jaï voudrait te voir. Lâche-t-il.
Jaï, comme mon ...autre frère biologique.
- Il .... il est aux États-Unis ? Demandé-je.
- Ça fait cinq ans qu'il vit ici.
Je reste bouche bée. Cinq ans ? Cinq ans et c'est maintenant que je l'apprends.
- Et pourquoi vouloir me voir juste maintenant ?
- Il voulait te voir avant mais il n'osait pas.
Je vois. Non en fait je ne vois pas, ma vie n'a plus aucun sens.
- Pourquoi ?
- Tu lui demanderas par toi même.
Anil me tend un morceau de papier avec un numéro inscrit dessus. Je l'attrape sans vraiment me poser de questions et l'enfouis dans mon sac.
- Tu l'appelleras quand toi t'en ressentiras le besoin, Diviya.
Je remarque qu'Anil fait des efforts depuis maintenant quelques mois. Il s'en veut de la façon dont il m'a abordé et la façon dont nos soient disantes retrouvailles se sont déroulés. J'imagine qu'il voudrait que ce soit différent avec Jaï.
- Je verrais.
Je finis par sortir de l'appartement en jetant un coup d'œil à ma montre. Il n'est que treize heures, j'ai donc le temps d'aller à mon lieu de paix.
J'appelle un uber et lui indique l'adresse, entre temps je réponds au message de ma mère qui me demande si je rentre ce soir. Je lui réponds que oui et finit par ranger mon portable.
**
Je marche à travers les allées étroites du cimetière. Mes yeux défilent sur des noms qui ont autre fois existé, car oui, c'est ça la mort. Quand on vie la perte d'un être proche, c'est un vide immense qui se creuse en nous. Tous les souvenirs que l'on a partagé, tous les rires, les sourires, les larmes, absolument tout n'est plus qu'à sens unique. Les souvenirs ne sont plus partagés, ils demeurent de simples moments qui n'existent plus que dans une seule mémoire.
Je l'ai très mal vécu. Perdre une personne aimée, c'est la chose la plus difficile dans la vie. Je peux le dire, la mort d'Aless m'a fait plus de mal que n'importe quel expérience douloureuse de ma vie.
Quand on décide de ne plus parler à quelqu'un. Quand on met un terme à une relation, on l'a choisi d'une certaine façon. Avec le temps, on commence à s'y faire et se dire que chacun vivra heureux de son côté. Mais, lorsqu'il s'agit de la mort c'est si différent.
Brutal.
Froid.
Cauchemardesque.
Le sommeil est le seul moment durant lequel on peut oublier ce vide qui s'est creusé. Le réveil en revanche, nous arrache de l'autre monde pour venir nous claquer la vérité en face.
Mes pas sont lents, mon souffle court et je commence à l'apercevoir. Cette pierre tombale qui affiche le nom de mon frère. Je remarque aussi quelque chose d'autre ou plutôt quelqu'un.
Un homme qui m'offre son dos à la vue. Il est grand et vêtu tout de noir, une capuche est rabattue sur sa tête mais le temps que j'arrive à son niveau, il s'en est parti.
Quelqu'un.
Je finis par m'approcher de la tombe de mon frère et j'y dépose une fleur. Je ne fais pas attention à l'état du sol en m'asseyant juste à côté de lui.
- J'aimerais tellement que tu sois là, Aless. Commencé-je. Je m'excuserai de la façon dont je t'ai parlé, accusé. Mes mots ont parfois dépassé mes pensées. T'es mon frère, malgré tout ce qui a bien pu se passer. Tu as toujours été là pour me protéger même quand je ne pouvais pas le voir. Tu as essayé de me protéger de Denis et je ne t'ai pas écouté. Tu...
Mes larmes cèdent, un sanglot m'échappe mais je continue.
-..Tu avais raison Aless. Denis m'a utilisé. Il m'a...briser le soir où je t'ai aussi perdu. Ça a été la pire soirée de ma vie. Et...et j'arrête pas de me dire que c'est en parti de ma faute. Tu étais seul et personne n'était de ton côté. Tu es parti seul, triste et en colère et je m'en veux tellement si tu sa-savais !
J'ai l'air d'une fontaine en perdition. Elles qui sont belles et pures, je suis le genre de fontaine abandonnée, souillée qui n'aspire la confiance de personne.
J'ai été une sœur terrible pour Aless et je m'en voudrais pour toujours !
En me relevant, je remarque qu'une photo à l'envers est posé sur la pierre. Intriguée, je me penche pour l'attraper et lorsque je la retourne, je jurerai que mon coeur s'arrête de battre.
Aless, Paloma, John et ...Denis Hernandez.
C'est la photo qu'il avait dans sa voiture. Celle qui les montre juste devant le club il y'a des années.
Ce qui est étrange c'est qu'au moment où je lis la phrase qui a récemment été inscrite dessus, mes larmes cessent subitement de couler.
« Je te pardonne.»
Hffmbx.
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