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« Vous pensez avoir le contrôle jusqu'au jour où vous le perdez totalement. »
Des sourires, des coups d'œil vers la voiture de John, encore des sourires, c'est le jeu auquel je me suis attelée depuis maintenant quelques minutes qui semblent d'ailleurs durer des heures. Entre temps, quelques personnes sont venu saluer le nouveau patron alors que je ne rêve que du moment où Zac viendra me délivrer de la situation.
- Quelle langue parlez-vous ? Demande finalement la voix de cet homme effrayant.
La façon dont il a articulé pensant probablement que je comprendrais mieux ainsi me fait doucement sourire.
Je fais quoi maintenant ? Je réponds, je ne réponds pas ? Pendant quelques fractions de secondes, je m'imagine aller en courant en direction de la voiture de John et me cacher sur la banquette arrière mais heureusement pour moi, je n'ai pas à le faire. Zac a finit par nous rejoindre deux bières à la main.
- Merci, Zac.
- C'est quand qu'il débarque ton invité ? Répond ce dernier.
L'homme aux cheveux grisonnants jette un coup d'œil à sa montre qui semble être de luxe.
- Il ne devrait pas tarder.
- Bien alors permets-moi de raccompagner mon amie en attendant..ajoute Zac.
L'homme effrayant finit par rire étrangement coupant court à la tentative de fuite de Zac. J'ignore pourquoi cet homme semble imposer le respect tout autour de lui mais une chose est sûr, je n'ai plus du tout mais du tout envie de le croiser.
- Tu sais ce que je pense, Zac ?
- Non, quoi ?
- Que tu ne veux pas laissé ta petite copine faire connaissance avec moi ?
- C'est pas ma petit amie. Elle n'est juste pas habituer à ces endroits, je la raccompagne et je reviens te voir toi et ton invité.
- Bien, si tu insistes.
Alors que nous nous apprêtons à nous éloigner, j'aperçois une voiture se garer sur le parking du club. Je vois le visage de Zac complètement se décomposer. La main de Zac me tire brusquement de mon observation en se déposant sur mon épaule.
- On y va. Chuchote-t-il près de mon oreille.
J'essaie de suivre la cadence de Zac qui se dirige presque en courant vers John. Il ouvre la porte passagère et m'enfonce littéralement dans la voiture. Puis, il se dirige vers la porte de John. Il l'ouvre brusquement et se met à secouer vivement mon meilleur ami.
- Putain, John reveille-toi, merde.
Se dernier grogne visiblement dérangée par le réveil en douceur de Zac mais il finit par ouvrir les yeux.
- Bougez de là. Annonce Zac.
John a du mal à reprendre ses esprits, je le vois.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Il se passe que tu dois la dégager d'ici. Tu te sens capable de conduire où je m'en occupe ?
John s'étire, se frotte les yeux avant de me jeter un coup d'œil.
- Je suis désolé. Dit-il me surprenant.
- De quoi ? Demandé-je.
- De la soirée de merde que tu as passé à cause de moi.
Zac s'agite à l'extérieur, il finit par pencher sa tête à travers la fenêtre pour nous couper :
- Allez c'est repartie ...vous pourrez jouer votre petite comédie romantique autant que vous voulez quand vous aurez putain de dégager d'ici !
John s'apprête à répliquer mais je l'en dissuade car ce n'est visiblement pas le moment de s'attarder sur ses futilités.
Nous finissons par quitter le parking du club. Je m'autorise à fermer les yeux quelques secondes pour réfléchir à ce qui vient de se passer.
J'ignore la raison pour laquelle Zac paraissait si étrange avec le nouveau patron ni pourquoi il a refusé que je parle, mais ce qui est sûr c'est qu'il y a définitivement quelque chose qui me dépasse. Cet invité du patron semble être quelqu'un de tout aussi dangereux que le patron lui même. C'est décidé, je vais faire une pause avec ces visites au club.
Je sens une main se déposer sur ma cuisse et j'ouvre alors les yeux pour les déposer sur John.
- Tu vas bien ? Me demande-t-il.
- Oui et toi ?
Je vois mon meilleur ami se mettre à respirer bruyamment ignorant complètement ma question. J'imagine que la réponse est « non ». Quand je repense au message de Paloma, c'est plus fort que moi, je lui en veux. C'est leur relation, d'accord. Je n'ai pas à m'en mêler d'accord, mais cette décision fait souffrir mon meilleur ami et ça c'est difficile à supporter.
John a toujours été là pour moi. Il m'a toujours défendu ces trois dernières années. Il a été comme un frère prêt à tout pour me voir sourire— et dieu seul sait à quel point ce fut difficile. Mais il a réussi. Il a réussi à me faire penser à autre chose, il m'a aidé à accepter mon passé y compris celui dont je ne voulais plus parler.
Celui où une mère a finit par retrouver le chemin de la fille qu'elle avait abandonné. Quelques fois, je me demande si elle se réveillera un jour...
Je me demande si je vais vraiment pouvoir lui parler et lui demander pourquoi ?
Pourquoi m'avoir infligé toute cette douleur ?
Et puis d'un autre côté, je pense au fait que je n'aurais jamais rencontré ces incroyables personnes si j'étais restée au Cambodge. Je n'aurais jamais appris à connaître les Tallers. Je n'aurais jamais passé des soirées avec ma sœur à discuter ni ressentie le soulagement d'avoir un frère dans ses bras.
Malgré mes souffrances, malgré la perte des personnes que j'ai aimé, je serais d'une certaine façon à jamais reconnaissante de la chance que j'ai eu. Les connaître était à la fois la meilleure et la pire chose qui pouvait m'arriver et mon amitié avec John est aujourd'hui aussi précieuse que mes merveilleux souvenirs avec les Tallers.
John finit par se stationner à quelques mètres de chez moi. Pendant les premières secondes qui suivent l'arrêt du véhicule, nous restons sans un mot à apprécier le silence de la nuit puis je finis par prendre la parole.
- Tu penses qu'avec Paloma c'est vraiment terminé ?
Le regard de John se pose alors sur moi et je comprends que la conversation n'est pas prête de lui soutirer un de ses sourires que j'apprécie tant.
- C'est finit. Je dois l'accepter.
Je m'apprête à surenchérir mais John m'interrompt.
- Après tout ce qu'on a vécu ensemble elle a du se trouver un remplaçant au Canada et c'est comme ça qu'elle me lâche. Elle va le regretter et le moment où ça arrivera ce sera trop tard. J'suis pas quelqu'un qui vit dans le passé, quand c'est terminé, ça l'est définitivement.
- Jonathan, tu penses pas qu'elle a fait ça pour toi ?
J'essaie de trouver un moyen de rassurer John. Il est très loin de la vérité.
- Pour moi ? Attend parce que tu crois que j'adore la sensation d'être célibataire Diviya ?
Je vois le regard de mon meilleur ami se voiler d'une certaine colère et je comprends que j'ai visiblement touché un point plus que sensible.
- Lui trouve pas d'excuses, s'te plait ! Reprend-il un peu plus fort. Surtout pas toi, Diviya. Hernandez a été une merde avec toi et Paloma n'est pas différente de lui.
- Mais ...
- Mais quoi ? Tu penses pas qu'on mérite mieux tous les deux ? Qu'on mérite des personnes qui ne nous abandonneront pas ? Une personne en qui tu pourras toujours avoir confiance sans réfléchir au jour où elle détruira tout ?
John s'est brusquement tourné vers moi et ces mots résonnent étrangement dans ma tête. C'est comme si je les ressentais au plus profondément de mon être. Je veux quelqu'un de confiance aussi, je veux une personne qui ne m'abandonnera jamais et je veux aussi être là dans les pires moments.
De mon côté, je serais toujours là pour les personnes que j'aime mais Denis n'était visiblement pas du même bord. Quand il souffre il fait tout exploser. Il ne sait que détruire le cœur des personnes qui l'aiment et j'ai assez donné de ma personne. Je ne revivrais plus la même chose, c'est terminé !
- Bien sûr John mais c'est devenu si difficile de nos jours. Tu sais des fois, je me dis que je préfère vivre seule. Quand on offre son cœur, on donne la possibilité aux autres de nous le détruire alors pourquoi pas le conserver pour nous simplement ?
Les reflets bleus dans les yeux de mon meilleur ami semblent s'illuminer étrangement et je finis par lui décocher un sourire impossible également.
- Et si tu l'offrais à la bonne personne, Diviya ?
Je ne comprends pas vraiment ce qui se passe quand je sens une larme couler le long de mon visage ni quand je remarque les détails du visage de mon meilleur ami qui semble s'être rapproché et encore moins la sensation étrange que ses lèvres me font lorsqu'elles viennent s'écraser contre les miennes soudainement.
Je ne bouge plus. Paralysée par une sorte de surprise déconcertante. Mes yeux se ferment d'eux même et je me laisse emporter par mes émotions encore une fois.
C'est étrange, ce n'est pas le souvenir dont j'avais d'embrasser quelqu'un.
Avec Denis, c'était si différent. C'était plus fascinant et bien moins douloureux. Actuellement, j'ai cette sensation au fond de la gorge qui me brûle drôlement. J'ai ce pincement au cœur qui me dérange profondément et ce n'est que quand John retire son contact et que je croise son regard que je comprends.
Rien de tout ça n'était censé arriver, mais le plus difficile c'est que je me rends compte d'une plus grande fatalité.
Je ne l'ai toujours pas oublié.
Après trois ans et malgré mes nombreuses tentatives de l'effacer de ma mémoire ainsi que mes efforts pour éviter de prononcer son nom. Son regard sombre habillé de lueurs vertes a fait irruption au pire moment.
Son parfum ainsi que sa voix rassurante n'ont absolument rien à voir avec le doux regard de John qui n'est et ne sera rien de plus que celui d'un meilleur ami.
J'ai perdue.
Hffmbx
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