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L'attente... semble comprimer chaque cellule de mon être, et je n'en peux plus.
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Ça fait à peine une demi-heure que les médecins m'ont demandé d'attendre dans cette salle blanche, où seules les chaises et un distributeur à moitié vide me font face.
À ma droite, Jaï est également assis, n'osant pas prononcer un mot depuis notre arrivée. Je sens son regard sur moi, et je l'ai vu partir se laver les mains avant de revenir avec cette chemise tachée du sang de Denis.
Quant à moi, je n'ai pas eu le courage d'affronter mon propre reflet devant un miroir. Je sais qu'à la minute où je le ferai, une nouvelle crise d'angoisse m'envahira. Pour l'instant, je préfère rester assise sur cette chaise, silencieuse et immobile.
Je me souviens...
Tandis que je me tenais debout, la respiration haletante, j'ai senti ses lèvres s'emparer des miennes avec une urgence comme si sa vie en dépendait. Mon cœur a commencé à battre comme si j'effectuais un sprint. L'odeur si masculine que j'aime tant a envahi mes narines et instinctivement, mes mains se sont posées sur son torse. Ses mains se sont posées sur mes hanches, et un frisson m'a parcourue, électrisant tout mon corps. Les papillons dans mon ventre ont pris leur envol dans un tourbillon harmonieux et envoûtant.
Puis, ses lèvres se sont détachées des miennes pour effleurer mon cou dévoilé. À ce moment-là, j'ai ouvert grands les yeux, incapable de bouger. J'ai laissé mon corps savourer cette merveilleuse sensation pendant plusieurs secondes. Quand ses yeux se sont à nouveau plongés dans les miens, j'y ai lu une certaine hésitation. Il s'est interrompu, également haletant, et m'a scrutée comme s'il me demandait la permission. Après ce qui s'était passé chez lui, je suppose qu'il ne s'attendait pas à ce que mes mains trouvent les boutons de sa chemise noire et les défassent maladroitement.
Sa chemise s'ouvrant, mon regard a parcouru son torse musclé tandis que son regard brûlait sur moi, figeant le temps.
"Tu es sûre ?" a résonné sa voix, grave, douce et calme tout à la fois. C'est à ce moment-là que j'ai ressenti un profond besoin d'être avec lui. Comme si au plus profond de moi, je savais que c'était le moment.
"Certaine," ai-je répondu.
Un sourire presque indéchiffrable a éclairé ses lèvres, et l'une de ses mains a retiré délicatement une de mes épaules de ma robe. Lentement. Soigneusement. Délicatement.
"S'il y a la moindre chose qui te dérange, tu m'arrêtes. Je ne te forcerai à rien, Diviya."
J'ai hoché la tête, consciente que cette fois-ci, je ne l'arrêterais pas.
Et je ne l'ai pas fait.
- Diviya?
Mon regard se relève alors que je vois mes parents s'approcher de moi, suivis par Anil, Zac, John et Paloma.
Mon esprit revient à l'instant présent et je réalise qu'il y a une possibilité que le meilleur moment que j'ai partagé avec lui ait peut-être été le dernier.
Ma mère reste en retrait, un regard étrange sur son visage, tandis que mon père vient m'attraper par les mains pour me relever et me serrer dans ses bras.
Je retiens mes larmes, ne désirant pas leur montrer à quel point la situation m'affecte. Mes parents jusqu'à aujourd'hui n'étaient pas au courant du retour de Denis, et j'imagine que c'est pour ça que ma mère reste en retrait.
Depuis la mort d'Aless, et même avant, je sais que Denis n'a jamais été quelqu'un d'apprécié par mes parents, surtout ma mère. Lorsqu'Aless est parti, ils avaient retrouvé la lettre que Kate avait écrite avant son suicide, et ma mère a automatiquement fait le rapprochement entre les deux. Pour elle, tout cela est la faute d'un seul et même coupable : Denis Hernandez.
- Comment il va ? résonne la voix de Paloma alors que mon père finit par se détacher de moi.
- Il est au bloc opératoire. Son état est critique. Ils espèrent que la balle n'a pas touché d'organe et provoqué une hémorragie, répond Jaï.
Je me rends compte que tout cela s'est passé le jour du mariage de ma sœur. La plupart des invités ont eu la chance de ne pas voir la scène, et j'imagine qu'Alan et ma sœur sont restés pour calmer la situation.
- Que faisait ce garçon là-bas? tranche la voix de ma mère.
- Lily Ann... avertit mon père.
Mon cœur rate un battement en croisant de nouveau les yeux de ma mère.
- Quoi, Arron ? Ce garçon est un danger ambulant. Il n'était même pas invité, et voilà qu'il attire un dégénéré pour l'abattre ! Imagine que cette balle ait touché Diviya ou Amber ? Ce garçon ne réussira pas à me retirer un autre de mes enfants, Arron !
Alors c'est ainsi que tout le monde le voit. Comme un monstre. Si Denis était vraiment un monstre, comment expliquer que mon cœur batte aussi fort pour lui ? Comment se fait-il que tout mon être l'ait pardonné après qu'il m'ait abandonnée ? Qu'il ait voulu se venger sur moi ? Suis-je si naïve pour tomber amoureuse d'un monstre ambulant ?
Non ! Je refuse de croire un mot de ce que ma mère a dit. Je refuse d'admettre que Denis soit un monstre. Je le connais. Je l'aime et je me battrai pour que mes proches l'acceptent.
S'il s'en sort...
- Quelqu'un a réussi à reconnaître le tireur ? Demande Zac soudainement.
- Non. Répond John.
Mais moi je sais. Je sais que tout ça a un rapport avec son travail. Et je me souviens mot pour mot de ce que Denis m'a dit en route vers l'hôpital.
- Richardson. Prononcé-je.
Zac vient s'approcher de moi, une main se pose délicatement sur mon épaule. Une douceur dont je n'imaginais pas l'existence au vu de la carrure de cet homme qui semble si fort.
- Tu serais d'accord pour discuter à l'écart avec moi ?
Mon regard croise le gris rassurant de l'homme qui a toujours été là pour Denis. L'homme qui m'a toujours protégée lorsqu'il n'était pas là. L'homme qui m'a toujours rappelé que Denis m'a toujours aimée malgré toutes ses actions qui disaient le contraire. L'homme qui, je pense, connaît Denis mieux que personne.
Je hoche la tête sans oser jeter un coup d'œil vers mes parents car je sais très bien que ma mère n'approuverait pas.
Je suis alors Zac vers la sortie puis nous descendons. L'air frais de la nuit vient immédiatement me rafraîchir.
Sans réfléchir, je vois Zac récupérer sa veste de costume pour la déposer sur mes épaules et je le remercie faiblement.
- C'est vraiment Richardson ? T'es sûre ?
- Oui. Denis m'a dit qu'il viendrait pour moi aussi avant de... je déglutis me rappelant ce moment. Avant de perdre connaissance.
Je vois Zac se gratter sa barbe fournie en observant l'horizon en face de lui.
- Pourquoi il ferait ça ? Je capte pas. Hernandez travaille pour lui, pourquoi il voudrait le buter ?
Encore une fois, la réponse, je l'ai, et je me rends compte que c'est en partie de ma faute.
- Il y a quelque chose en fait. Denis devait éliminer un homme la semaine dernière. Il devait ensuite déposer le corps dans une planque de Richardson et donner l'adresse à Alana Ruiz. Mais il ne l'a pas fait. Je... je ne voulais pas qu'il tue un homme innocent, même si c'était les ordres. Alors il ne l'a pas fait mais a quand même récupéré l'adresse de la planque pour la donner à Alana.
Le regard de Zac se durcit alors qu'il m'observe d'un air concentré.
- Et Richardson a répliqué ce soir. Putain d'enfoiré.
Un silence s'installe alors que je me remémore son corps inerte, empli de sang, devant mes yeux. Un nouveau cauchemar vient de s'ajouter à ma grande liste de traumatismes.
- Je vais m'occuper de lui, Diviya. Je te donne ma parole.
Je relève mon regard vers celui de l'homme imposant à mes côtés, tentant de comprendre ce que cela veut dire.
- Comment ?
- Avec ou sans Hernandez, je vais enterrer ce fils de pute vivant, juste après lui avoir bien arraché la gueule.
Est-ce normal de ressentir un certain soulagement face à ces derniers mots ? Pour la première fois de ma vie, je ressens cette envie de vengeance et de violence. Je ressens l'envie de déverser toute ma douleur sur ce Richardson. Et s'il s'avérait que je n'ai plus la chance de croiser le regard de celui que j'aime à cause de cet individu monstrueux, je me ferais un malin plaisir de me joindre à Zac au moment où il l'enterrera vivant.
Si Denis était un monstre aux yeux de ma mère, je deviendrais le diable pour Hernandez.
Hffmbx.
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