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Je prends une minute pour envoyer un message à Anil, l'informant que je ne pourrais pas rendre visite à Rama ce week-end. Puis, je range mon téléphone pour me concentrer sur la route.
L'impression d'être pris dans une boucle spatio-temporelle me submerge. Me voilà de nouveau dans la voiture de Denis Hernandez, en route pour la maison dans les bois où John et Paloma nous attendent. C'est incroyable, si quelqu'un m'avait dit ça il y a quelques mois, je lui aurais sûrement éclaté de rire en plein visage.
- Denis ?
- Hmm ?
Je détourne mon regard du paysage pour le fixer sur le profil de mon chauffeur.
- Quand on sera là-bas, je... j'aimerais que tout ce qui s'est passé entre nous reste entre nous. Je ne veux pas que...
- Tu ne veux pas que John sache pour nous deux.
Son visage se crispe brusquement alors qu'il m'interrompt. J'espère ne pas l'avoir offensé.
- Ce n'est pas que j'ai honte de toi, c'est juste qu'avec tout ce qui s'est passé... Je ne veux pas que John se sente mal. Il y a à peine une semaine, je lui ai dit que je n'éprouvais plus rien pour toi et... enfin, tu saisis. Lâché-je and la vitesse de la lumière.
Je fixe mes mains, un peu nerveuse, me demandant si mes paroles ont été maladroites. J'entends le son du rire étrange de Denis comprenant que cette décisions ne le réjoui pas tellement.
- Je saisis, Diviya. Si c'est vraiment ce que tu veux, alors d'accord.
- Merci, dis-je, tandis que Denis gare la voiture devant la grande maison qui m'avait tellement manqué.
- Ne me remercie pas pour quelque chose que tu pourrais regretter.
Un frisson me parcourt alors que je perçois une lueur étrange dans le regard de Denis.
- Comment ça ?
Il n'a pas répondu à ma question. Il coupe le moteur, ouvre la porte et se penche brièvement pour me faire un clin d'œil avant de refermer la porte.
Je me hâte de le rejoindre avant qu'il ne sonne à la porte. J'attrape son bras, et son regard descend vers moi.
- Une dernière petite chose, j'ai tout dit à Paloma sur ton travail.
Un sourire se dessine sur mon visage alors que je le vois tenter de garder son calme.
- Génial ! lâche-t-il. Et John... ce con est au courant aussi ?
Mon sourire s'efface à l'entente du surnom que Denis utilise pour parler de mon meilleur ami.
- Normalement, non.
- Normalement ?
- Oui, si Paloma ne lui a rien dit, alors non, il ne sait rien. À part le fait que je t'ai croisé derrière le club et que tu as essayé de reprendre contact avec moi.
- Ok.
"Ok" est tout ce qu'il dit avant de sonner à la porte. Mon cœur bat la chamade alors que je prie en silence pour que John ne me juge pas, comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit de ma relation avec Denis. Je sais qu'il veut me protéger. Je sais qu'il craint que je souffre à nouveau, et je sais qu'il tient à moi malgré nos débuts plutôt antipathiques.
Et puis je me souviens aussi du moment où Paloma m'a dit qu'elle voulait voir quelque chose de ses propres yeux et je me demande encore en quoi m'a venu ou celle de Denis pourrait l'aider.
Puis elle s'ouvre. Cette imposante porte en bois finit par se balancer, dévoilant Paloma seule, et je pousse un soupir de soulagement.
- Hernandez ! Wow, c'est étrange de te voir, dit-elle.
Paloma s'avance pour étreindre Denis qui reste stoïque. Cependant, il lui offre un sourire en retour et ne manque pas de lui dire que le blond lui allait mieux.
La classe à la Hernandez, en quelque sorte...
- Entrez !
Nous pénétrons à l'intérieur et mes yeux parcourent la beauté des lieux, comme il y a trois ans. Cet endroit n'a vraiment pas changé, et je me sens transportée en arrière une fois de plus.
- Vous n'avez pas besoin de visite, j'imagine. Prenez la chambre qui vous convient.
- Oh, euh, on ne dormira pas ensemble, je dis maladroitement.
Un regard sombre de Denis m'est jeté, mais il se reprend en souriant à Paloma.
- Ah, j'ai cru... désolée.
- Ne t'en fais pas. Et John ? Il n'est pas là ? Je demande.
- Il est dehors en train de fumer sa cigarette sur la terrasse. Il est un peu tendu.
Je hoche la tête, et tandis que Paloma rejoint John dehors, Denis et moi montons. Il y a une atmosphère tendue et je peux la ressentir.
Denis se dirige vers la chambre qu'il avait occupée à l'époque, et je le suis. Soudain, il se retourne brièvement vers moi, et je m'arrête, attendant ses paroles. Cependant, il ne dit rien. Son regard se pose intensément sur moi, et mon corps semble de plus en plus vulnérable, figé sous son regard électrisant.
Je déglutis.
Après des secondes qui s'étirent aussi lentement que des heures, son regard se détourne du mien, et il entre dans sa chambre, fermant la porte derrière lui.
Je fais de même en essayant de retrouver mon calme. Je pose mes affaires et me dirige vers la baie vitrée de ma chambre qui offre une vue saisissante de l'environnement.
L'atmosphère est si calme et apaisante. On ressent une déconnexion avec la ville, et c'est exactement ce qui me plaît ici. Mon regard descend et finit par se poser sur John, qui fume sa cigarette adossé à une poutre. Paloma est en face de lui, visiblement en train de lui parler, mais John semble être à des années-lumière d'ici. Il n'a pas l'air aussi heureux que je l'aurais pensé.
Mon téléphone vibre dans mes mains et je tombe sur le message d'Anil.
« Pas de problème, à lundi Diviya😁. »
Lorsque je lève les yeux vers la fenêtre, je me retrouve face à deux yeux bleus qui me fixent d'une manière étrange, tandis que Paloma a mystérieusement disparu.
Je fais un signe de la main à mon meilleur ami, et il me le renvoie avec un léger sourire tout en continuant à fumer sa cigarette. Je me demande involontairement si son état d'esprit est dû à l'arrivée de Denis.
Est-ce la raison pour laquelle Paloma nous a appelés ? Peut-être souhaite-t-elle les réconcilier.
Un bruit derrière moi me fait tourner la tête, et je découvre Paloma qui vient de s'installer sur le grand lit.
- Hey ! dis-je en m'asseyant à ses côtés.
Ses yeux bleus, si clairs et si différents de la couleur de ceux de John, se posent sur moi, et je comprends immédiatement qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? je demande.
- Tu sais, Viya. John et moi, on se connaît tellement bien que je peux ressentir ce qu'il éprouve sans même qu'il me l'explique. Ça a toujours été comme ça entre nous. C'était passionnel et amusant. On s'aimait plus que tout, Viya.
À mesure que mon amie parle, je vois des larmes perler sur ses joues, et mon cœur se serre, car je sais exactement ce qu'elle ressent. L'amour peut briser le cœur.
- Il t'aime toujours, Paloma. Ne parle pas au passé. Malgré la distance, il n'a jamais cessé de t'attendre.
La tête de Paloma se tourne vers moi, un sourire contrastant avec ses yeux rougis se dessine sur ses lèvres.
- Ce n'est plus comme avant, Viya. Je le sens. John a avancé.
- Non, je te jure, Paloma. Il n'a jamais approché d'autres filles. J'ai passé ces trois dernières années avec lui, et je peux te garantir qu'il n'a eu aucune relation avec personne d'autre.
Je suis surprise lorsque Paloma me serre dans ses bras. Elle sanglote alors que je pose une main sur son dos pour la réconforter.
- Il n'a pas eu besoin d'une autre fille, Viya. Il t'avait toi.
Je reste immobile.
Il me faut quelques instants pour réaliser.
... A quel point je suis idiote.
À quel point j'ai été aveugle !
Quand je repense aux moments récents passés avec John. Quand je me souviens de son côté protecteur qui, tout ce temps, n'était pas une simple préoccupation amicale, mais bien de la jalousie. Quand je comprends pourquoi il s'est montré si distant après notre baiser. Quand je saisis à quel point il m'en a voulu de lui avoir caché le retour de Denis. Quand tout cela me devient évident, je me sens stupide.
Je ressens de la culpabilité.
Ma chère Paloma est actuellement dans les bras de la seule personne qui a contribué à semer la confusion dans le cœur de celui qu'elle aime. Je me déteste pour cela.
- Paloma... je te promets que je n'ai jamais ressenti autre chose que de l'amitié pour Jonathan.
Paloma finit par s'éloigner de moi, tout en arborant son sourire radieux.
- Ça, je le sais, Diviya. Je sais que tu es folle amoureuse d'Hernandez et que ce sera toujours lui et personne d'autre. C'est pour ça que je ne t'en veux pas.
- Mais alors, pourquoi m'as-tu demandé de venir ?
- J'ai besoin de voir s'il t'aime vraiment ou s'il reste une chance pour moi de le récupérer. Tu n'as rien à prouver. Toi ici, avec Hernandez, ce sera suffisant pour moi. Je saurai ce que j'ai besoin de savoir.
Je hoche la tête à mon amie. Je suis prête à faire ça pour elle. Peut être que ça soulagera un tout peu petit cette culpabilité en moi.
Paloma se relève, elle s'essuie ses larmes et arbore une allure comme si rien de tout ça ne c'était passé. Elle est forte et je l'admire de pouvoir gérer ses émotions ainsi.
- Il y a un barbecue organisé dans le village ce soir. On a juste quelques boissons à apporter et c'est tout. Prépare-toi.
J'acquiesce et Paloma quitte ma chambre.
**
J'ai choisi un joli haut noir qui dévoile mes épaules, associé à un jean noir coupe flare qui met en valeur mes courbes de manière flatteuse. Il est assez rare que je me prépare autant, mais ce soir, j'en avais vraiment envie. J'ai aussi enfilé une longue veste blanche, et mes cheveux sont relevés en un chignon haut soigneusement plaqué. Je finis par sortir de la salle de bain pour aller rejoindre les autres dans le séjour et lorsque j'arrive, il n'y a que John.
Je m'approche de lui, et il ne manque pas de scruter ma tenue.
- Salut, dis-je, un peu tendue.
- Cette tenue te va à merveille, Diviya.
Je suis idiote. Comment ai-je pu être si aveugle ?
- Merci.
C'est à ce moment que le regard de John se relève vers quelqu'un derrière moi, et je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit. Il suffit de voir le visage de mon meilleur ami se crisper, sa mâchoire se tendre.
- John, déclare la voix grave derrière moi.
- Denis.
Je remarque que John vient d'appeler Denis par son prénom, chose qui a toujours été rare, voire très rare. Denis se place à ma droite, me lançant un coup d'œil rapide sans s'attarder.
Je dois avouer que je suis un peu déçue de sa réaction. Je n'attendais pas forcément un compliment, mais au moins un petit sourire.
Denis porte un jean noir ainsi qu'un sweat-shirt blanc, et je ne peux m'empêcher de remarquer à quel point le blanc contraste magnifiquement avec sa peau légèrement hâlée, mettant en valeur le vert incroyable de ses yeux. Cependant, je détourne rapidement le regard.
Paloma nous rejoint, et finalement nous quittons la maison. Denis propose de prendre sa voiture, alors je monte à l'arrière, suivi par John, tandis que Paloma s'installe à l'avant.
Paloma comble le silence pesant dans l'habitacle en partageant de petites anecdotes de sa résidence universitaire, tandis que mon regard tombe à plusieurs reprises dans le rétroviseur intérieur pendant le trajet. Mes yeux s'attardent sur un vert électrisant qui ne manque pas de faire rosir mes joues. Je ne sais pas s'il le remarque, mais Denis reste imperturbable ce soir, et cela m'irrite réellement, même si c'est difficile à admettre.
Nous finissons par nous garer dans ce qui ressemble à un parking. Nous sommes entourés d'arbres gigantesques qui couvrent presque tout le ciel étoilé.
Je sors de la voiture, et John me rejoint.
- Vous avez discuté ? me demande-t-il.
- Hein ?
- Toi et Hernandez, reprend-il.
Je relève la tête pour affronter le regard de mon meilleur ami, qui attend une réponse.
- Oui.
- Et alors ? Quelle est ta décision ?
Mon cœur bat anormalement fort, et je détourne le regard vers celui de Denis qui me scrute intensément.
Quelle est ma décision ?
J'aime Denis plus que tout. Je lui ai pardonné pour l'horrible chose qu'il m'a faite il y a trois ans. Je lui ai partagé mes cauchemars, mes démons. Je me suis engagée dans un travail plus que dangereux avec lui. Je l'ai laissé entrer dans ma vie comme personne d'autre ne l'a jamais fait.
Mon cœur le veut.
Mon âme le veut.
Alors pourquoi est-ce si difficile d'accepter à haute voix que je l'aime ?
Pourquoi est-ce si compliqué d'admettre que je suis follement amoureuse de lui, que je ne désire que lui et que je veux passer ma vie avec lui ?
- On reste amis, lui et moi, je réponds finalement.
Quand je relève les yeux vers l'homme qui détient mon cœur, je réalise qu'il n'est plus là. Sa silhouette imposante s'éloigne vers ce qui semble être une grande clairière, où un groupe de personnes s'est formé au loin.
Hffmbx.
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