33 : Flashback
Conseil 🎧: What was I made for ? - Billie Eilish 🔥
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Après avoir enfilé l'un de ses shorts et son t-shirt qui porte encore son odeur, je me dirige vers le robinet pour me rincer le visage. Prendre une grande inspiration, je fixe mon reflet dans le miroir.
Il est temps de lui révéler mon passé.
Je ne peux pas continuer à avoir ces réactions devant lui sans lui raconter pourquoi je suis ainsi. Il doit savoir, même si cela est douloureux.
Jusqu'à aujourd'hui, seuls John et Jessy étaient au courant. Je n'en ai jamais parlé à personne d'autre, car je ne voulais pas voir le regard de ceux que j'aime empli de pitié. Je voulais qu'ils me voient comme une enfant forte qui a réussi à surmonter l'abandon de sa mère. Je ne souhaitais pas ajouter de la douleur à leur cœur. Je sais que si j'avais tout raconté à Aless, Amber ou mes parents, ils auraient souffert pour moi, et je veux les protéger de cela. Ma souffrance est suffisante, je ne veux pas la partager.
Dans mon reflet, je vois une jeune femme qui a grandi malgré les traumatismes. Une femme qui a su relever la tête après tout ce qui s'est passé au Cambodge. Une jeune femme qui a réussi à panser ses cicatrices, même si parfois le pansement se retirait. Une jeune femme qui a su aimer une nouvelle famille, construire une nouvelle vie. Une jeune femme qui a souri, pleuré, aimé, et qui est tombée, mais qui s'est relevée. Une jeune femme qui a perdu un frère, qui a vu la douleur à travers des yeux aux mille couleurs. Une jeune femme qui a ressenti l'amour, qui est tombée amoureuse.
Malgré tout, cette jeune femme a continué à offrir tout ce qu'elle pouvait pour panser les blessures de la personne aimée. Elle a compris qu'elle n'était pas seule à souffrir, qu'il y avait un lien fort entre eux. Une jeune femme qui a senti la passion dans les bras d'un homme fort et vulnérable à la fois. Elle a su que dans leurs épreuves, ils étaient ensemble, main dans la main, prêts à affronter le monde.
Une jeune femme qui a eu le cœur brisé, mais qui a malgré tout décidé d'offrir une seconde chance à cet homme.
Car oui, la femme qui se trouve dans ce reflet est une femme qui comprend la douleur. Une femme qui comprend les erreurs, et qui sait que chacun a ses faiblesses. Elle a compris qu'aussi maladroit que cet homme puisse être, elle restera toujours amoureuse de lui.
Elle ne veut personne d'autre que lui, et c'est pour cela que ce soir, elle décidera de lui ouvrir ses cicatrices. De lui ouvrir ses secrets, ses sentiments, car elle sait que dans cette vulnérabilité partagée, ils trouveront leur force et leur rédemption.
Alors, je souris à cette femme que je suis devenue et je quitte la salle de bain pour rejoindre Denis dans sa chambre.
Lorsque j'ouvre la porte, je découvre Denis assis sur le sol, le dos contre son lit. Il semble fixer un point à travers l'immense baie vitrée qui donne sur la nuit. Son esprit semble déconnecté de son corps car il ne fait pas attention à moi lorsque je viens m'asseoir à côté de lui.
Ses genoux sont repliés, et ses mains sont dans les poches de son sweat-shirt. Je prends l'initiative de déposer ma tête contre son épaule à ma gauche, et je sens un léger frisson le parcourir. C'est là qu'il se rend compte que je suis là.
- Denis...
- Hmm?
Sa voix vibre contre ma tête, et je décide à mon tour de garder les yeux rivés sur cette grande baie vitrée. Je serais sûrement plus courageuse ainsi plutôt que si je fixe ses deux yeux verts si expressifs.
- Je veux que tu promettes de me regarder comme tu l'as toujours fait même après ce que je vais te raconter.
Je sens les yeux de Denis se détacher de l'horizon pour venir se poser sur moi, mais je ne détourne pas mon regard. Je continue de fixer droit devant moi.
- Diviya, aucune parole ne réussira à changer ma façon de te regarder. Jamais.
J'essaie de prendre cela comme une promesse. J'espère seulement qu'il voudra encore de moi après ce que je m'apprête à lui révéler.
Je prends plusieurs minutes pour faire du rangement dans ma tête et je décide de lui raconter tous mes souvenirs en commençant par mon plus lointain.
Flashback,
Diviya.
J'avais six ans.
Je jouais comme une après-midi normale dans la grande pièce qui nous servait à la fois de séjour, de chambre, de cuisine et de salle de bain. À ce moment-là, tout était normal pour moi. J'avais mes frères près de moi. Jaï m'a portée sur ses épaules et, à l'aide d'un lance-pierre fabriqué par nos propres mains, je devais viser Anil. C'était assez rare que ce dernier veuille jouer avec nous. La plupart du temps, il était dehors ou travaillait avec son père.
À cet âge, je pensais que le père de Jaï et Anil pouvait être aussi le mien. Je n'ai jamais connu mon père biologique, mais cet homme que mes frères nommaient "Papa" avait fini par prendre l'image d'une figure paternelle à mes yeux.
Je me souviens qu'il était rentré à la maison ce soir-là avec ma mère, Rama. Celle-ci, les yeux blessés, et j'ai compris au moment du repas qu'il l'avait encore frappée. Mon regard avait croisé celui de ma mère, et j'ai eu un pincement au cœur en découvrant des larmes couler lorsqu'elle a croisé mon regard.
Jaï m'avait rassurée. Il m'avait dit qu'elle était seulement triste, mais au fond je savais que notre "père" avait encore une fois blessé physiquement notre mère.
- Dépêchez vous de manger et d'aller vous coucher. Demain, j'ai du travail pour vous les garçons.
C'était à peu près ce que notre père avait annoncé. Ensuite, nous avons débarrassé la table et je suis retourné me coucher.
Le lendemain, c'est Rama qui m'a réveillé. Elle avait le visage plein de larmes et les yeux gonflés comme si elle avait pleuré toute la nuit. Mes deux grands frères me regardaient durement derrière ma mère.
Rama m'a demandé de me préparer et de m'habiller, puis nous sommes sortis. Le trajet était tellement long, avec des rues étroites et effrayantes. Finalement, nous nous sommes arrêtés.
Rama s'est agenouillée devant moi, a posé ses mains sur mes épaules et a souri. C'était étrange car elle ne souriait ainsi que lorsque nous étions seules toutes les deux. Mais ce sourire restera gravé dans ma mémoire, larmes aux yeux, elle affichait un sourire incroyablement magnifique.
Et je me souviens de ses derniers mots : "Je te retrouverai, ma fille. Je te le jure sur ma vie."
Puis, elle s'est relevée, a donné une main à Anil et l'autre à Jaï, et ils sont partis. J'ai essayé de les suivre, mais j'ai perdu leur trace.
Ils m'ont abandonnée. J'ai passé deux années livrée à moi-même, en tant qu'enfant des rues. Là-bas, il était si courant de voir des enfants pauvres seuls que personne ne faisait vraiment attention à moi.
Certains jours, je trouvais de la nourriture, d'autres jours, j'observais les autres manger. Certains jours, j'étais malade, d'autres jours, je trouvais la force de marcher. J'ai essayé de retrouver chez moi, mais je n'ai jamais réussi. Une fois, j'ai trouvé un chiot, mais il est mort de faim dans mes bras.
Puis, un soir, alors que j'étais avec ce chiot, des hommes sont venus me voir et m'ont emmenée avec eux. Ils m'ont enfermée dans une pièce sombre pendant des jours, voire des semaines, je ne sais pas.
Le soir, ils venaient à plusieurs et m'ont fait subir des choses horribles. Je hurlais pour que quelqu'un vienne m'aider, mais j'ai fini par arrêter car je savais que personne ne viendrait me sauver.
Après cela, j'ai réussi à m'échapper, mais j'avais tellement peu d'énergie que j'attendais qu'une seule chose : mourir pour que la douleur disparaisse une fois pour toutes.
J'ai alors tenté de me noyer dans un canal, et c'est là que quelqu'un m'a récupérée. J'ai fini par arriver dans un orphelinat, et les Taller, comme de vrais héros, sont venus me sortir de là.
Fin du Flashback
C'est la première fois que je réussis à raconter tout ça sans verser une larme. C'est la première fois que je ne me sens pas répugnante en repensant à mon passé.
Je sens la chaleur du bras de Denis qui s'est refermé autour de moi pendant que je parlais. Il ne m'a rien dit. Pas un mot ne m'a interrompue, et cette fois, je relève légèrement ma tête vers lui pour sonder son regard.
J'observe son visage de profil. Sa mâchoire contractée fait contraste avec la douceur de sa main posée contre mon bras.
- C'est à cause de ce que j'ai vécu que je fais des crises de panique. C'est pour ça qu'avant de te rencontrer, je détestais le moindre contact physique.
Je vois la pomme d'Adam s'agiter dans la gorge de Denis avant qu'il ne brise l'atmosphère.
- Ces cicatrices que tu as sur le haut de tes cuisses, c'est eux qui te les ont faites ?
- Oui. Au début, je me débattais, alors ils m'ont fait ça.
- Au début ?
Le regard de Denis se pose sur moi. Je le maintiens tout en détaillant chacun de ses traits sur son visage. Je vois sa mâchoire se contracter, et son regard est si différent.
Je le savais. Qu'après ça, son regard changerait...
- Oui, au début. Après, je les ai laissés faire. Je... je n'avais plus de forces, Denis.
Son bras se défait de moi, et je recule un instant alors qu'il se positionne de sorte que nous soyons tous les deux face à face. Une de ses mains vient se poser contre ma joue, et je frissonne sous sa caresse.
- Je peux les voir ?
Mon cœur manque un battement. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il veuille voir les traces de honte laissées par ces hommes sur moi. Ils auront toujours une empreinte grave sur mon corps et je me dégoûte. Je déteste ces cicatrices et je n'ai pas envie que quelqu'un les voie. Je ne veux pas qu'il les voie encore.
Mon regard se baisse alors que le short qu'il m'a donné recouvre ces cicatrices. J'ai toujours réussi à les dissimuler plus ou moins. À la piscine, je mettais des shorts qui les dissimulaient. Je n'ai jamais porté de vêtements assez courts pour qu'on les aperçoive. Mis à part mes parents et lui, personne ne les a vues.
Mon regard le sonde comme si je n'étais plus sûre de sa demande.
- Tu me fais confiance ? Me demande-t-il.
Je hoche la tête immédiatement. Bien sûr que je lui fais confiance. Je sais qu'il ne me fera aucun mal physiquement.
Ses lèvres viennent embrasser les miennes rapidement avant qu'il ne se lève et qu'il me tende de nouveau sa main. Je la lui prends et me relève à mon tour. Denis me fait signe de m'asseoir sur son lit et je m'exécute.
Mes jambes restent sur le sol et Denis se met à genoux devant moi.
Mon regard ne quitte pas le siens mais je sens mon coeur résonner dans ma gorge. Une de ses mains vient délicatement caresser une de mes jambes et je ferme mes yeux. Ça n'a rien de douloureux. Au contraire c'est rassurant. Son autre main fait de même et puis elle remonte jusqu'à atteindre ma taille.
À cet instant mes yeux s'ouvrent pour recroiser les yeux de Denis. Le visage sérieux. J'ai l'impression de ne jamais l'avoir vu comme ça. Un visage impénétrable et pourtant je lui fais confiance.
Alors il finit par écarter l'élastique du short et le baisse. Son short glisse jusqu'à mes chevilles. Son teeshirt couvre néanmoins encore les cicatrices. Je ne dis rien.
Un souffle saccadé m'échappe. Je ferme les yeux d'appréhension et d'anxiété.
Je lui fais confiance.
J'entends le bruit de la pluie s'abattre à l'extérieur. Les gouttes s'écrasent contre la grande baie vitrée. J'ai toujours aimé le bruit de la pluie dans la nuit. J'ai toujours trouvé ça apaisant.
Et puis quand je repose mes yeux dans ceux de Denis je le vois m'observer comme s'il attendait que je lui accorde mon autorisation avant de continuer. Mes souvenirs me crient « non » mais mon coeur hurle « oui ».
- D'accord. Dis-je alors.
Sans que ses yeux ne quittent mon visage ses mains soulèvent délicatement le teeshirt juste assez pour que mes cicatrices apparaissent. La lumière de la ville éclaire suffisamment la chambre pour qu'on les aperçoivent.
Les monstres.
Ce sont mes monstres que je pensais pouvoir garder pour moi à jamais. Mais jamais je n'aurais cru aimer quelqu'un aussi fort que Denis Hernandez.
Je détourne rapidement le regard vers la baie vitrée en face de moi pour éviter de repenser à la douleur avec laquelle ils ont été créés.
Mon corps sursaute et un frisson parcours toutes mes jambes lorsque je sens les doigts de Denis les parcourir délicatement. Ce n'est pas douloureux. C'est agréable. Plus qu'apaisant.
Je retiens mon souffle alors qu'il continue de tracer chacune d'entre elle comme s'il dessinait des chemins sur mes cuisses.
Et puis je baisse mon regard lorsque ce ne sont plus ses doigts qui les parcourent mais des milliers de baisers que Denis dépose dessus. Mon cœur repompe cette fois-ci a une vitesse bien trop folle. Il-...
Wow.
Une de mes mains se dépose naturellement contre son épaule alors que j'essaie de reprendre une respiration normale, mais c'est impossible. Je respire fort, et on doit l'entendre dans toute la pièce.
Pourtant, je ne fais rien. Je ne lui demande pas d'arrêter, contrairement à ce que je pensais. Je lui fais confiance, comme il me l'a demandé.
Après de longues minutes qui me semblent bien trop courtes, il finit par relever sa tête. Il reste toujours plus grand que moi, même si je suis assise sur son lit et lui se tient à genoux devant moi, ses mains posées sur mes cuisses découvertes.
- J'embrasserai chacune de tes cicatrices jusqu'à ce que toute douleur disparaisse de ton regard, Vi.
Hffmbx.
Coucou !
J'espère que vous allez bien ! Moi oui 😊.
Alors vous avez pensé quoi de ce chapitre ?
De Denis ?
J'aime beaucoup aimé écrire ce chapitre et j'espère que j'ai réussi à transmettre ce que Diviya et Denis ont ressenti.
En attendant la suite, passez de bonnes vacances 🫶🏼
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