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Quand je pénètre dans la grande salle, je relève à premier vue un groupe d'homme assis au niveau du bar il ne me faut que quelques secondes pour comprendre que John n'en fait pas partie. En revanche, sur ma droite résonnent les bruits de coups de poings acharnés contre un sac de boxe. Je me dirige alors doucement vers lui. John ne m'a toujours pas remarqué, il semble être entré dans une sorte de transe sans nom. Les sourcils froncés et les poings serrés, il envoie des coups d'une puissance ahurissante. Ce n'est que maintenant que je remarque qu'il ne porte ni bandage ni gants de boxes alors je me précipite vers lui et attrape le sac dans mes mains pour lui faire relever la tête.
Il finit par s'arrêter en croisant mon regard et son torse se gonfle et se dégonfle à une fréquence impressionnante. Je reste silencieuse en attendant qu'il dise le premier mot. Je ne veux pas non plus le presser, mais j'aimerais tout de même lui faire comprendre que ce n'est pas la bonne solution de réagir ainsi.
- Si t'es là pour me faire la moral, Div...
- Non ! L'interrompis-je. Je suis là quoique tu décides John. Je serais toujours derrière toi peu importe tes choix mais c'est mon devoir de te dire que là, tu t'apprêtes à faire une bêtise.
Des gouttes de sueurs perlent déjà sur son front et quelques une d'entre elles glissent le long de sa nuque. Je détourne rapidement mon regard pour de nouveau recroiser ses yeux.
- J'en ai besoin. Lâche-t-il.
- Alors on s'entraîne qu'entre-nous comme on l'a toujours fait ! Je ne veux pas que tu te battes contre ses gars. Je ne veux pas que ça redevienne une addiction pour toi.
John s'approche de moi d'un pas lent tout en maintenant son regard dans le mien.
- Je veux pas te vexer mais on a pas le même niveau toi et moi. Dit-il en esquissant un rictus en coin de lèvres.
Je ne le prends pas mal car il a raison mais j'insiste quand même.
- Ok, alors tu peux t'entraîner avec Zac.
- Hmm-hmm, négatif.
Il secoue la tête de gauche à droite à mon plus grand désespoir.
- Mais ...
- Mais rien Diviya, putain ! Me force pas à te crier dessus, ma décision est prise.
Sans réfléchir je lui attrape ses mains beaucoup trop grandes comparé aux miennes et tente de le convaincre.
- S'il te plaît. Je veux pas que tu te blesses, ou que tu te remettes à fréquenter ces gars. Tu sais très bien que ça peut mal finir.
Son regard fait des aller-retours entre nos mains et mon regard. Je vois qu'il est en plein débat intérieur.
- Qu'est-ce ça peut te foutre que je me blesse hein ?
Je rie face à sa remarque plus qu'idiote mais lui garde une expression sérieuse.
- John. M'oblige pas à dire ce que tu sais déjà.
- Quoi ? Qu'est-ce que je sais ?
Son regard fouille le mien à la recherche d'une réponse. Je ne sais pas pourquoi il fait ça. On en a parlé et reparlé . On s'est mis d'accord pour ne jamais jouer dans ce club. C'était ma seul condition pour y mettre les pieds. Je comprends qu'il est blessé à cause de Paloma mais si j'ai appris une chose c'est qu'il est inutile de rendre le mal par le mal. On n'avancera jamais sinon.
- Je viens de t'inscrire. Lâche la voix de Zac nous tirant brusquement de notre conversation.
Sans lâcher mes mains, John jette un coup d'œil vers Zac avant de reposer ses yeux sur moi. J'essaie de lui faire la moue pour le convaincre sachant très bien que cette tête le fait rire et c'est là qu'il répond à mon plus grand soulagement.
- Laisse tomber pour ce soir, Zac.
J'offre mon plus beau sourire à mon meilleur ami et c'est enfin que je détourne mon regard vers celui de Zac qui semble fixer quelque chose un peu plus bas que mon visage. Je remarque alors que mes mains sont toujours scellés à celles de John et je les retire brusquement en comprenant.
- Qu'est-ce qui t'a fait changé d'avis ? Demande alors Zac.
- Elle. Réponds John en me désignant d'un coup de tête sans se soucier du regard désapprobateur de notre interlocuteur.
Je ne sais pas ce qui se passe ce soir mais Zac semble penser que je vais me mettre à sortir avec John ou un truc dans le genre. Pourtant, il connaît très bien la nature de notre relation. Il a conscience que jamais je ne ferais ça à Paloma et ne serait-ce que par respect pour moi-même, il n'y aura jamais rien avec John et ça Zac ne semble pas le comprendre.
John finit par s'éloigner pour récupérer des gants de boxes, il me jette une paire à moi aussi et je les intercepte en commençant à les enfiler.
Zac s'approche de moi l'air sérieux. Bon sang, il ne lâchera jamais l'affaire !
Il m'arrache les gants des mains avant de reprendre :
- T'es pas au courant pas vrai ?
Je le regarde étrangement ne voyant pas de quoi il parle.
- Au courant de quoi ? Demandé-je.
- Du retour de Hernandez.
Je pense avoir mal entendu. Non c'est sûr que j'ai mal compris ! Ça fait des lustres que personne n'a prononcé son nom, comment Zac peut dire une chose pareil. C'est faux !
- Ça fait quoi trois ans que tu l'as pas revu ? Tu crois que si tu le croises ici ce soir, ça va lui faire quoi de te voir aussi proche de John ?
C'est comme si le sol s'ouvrait sous mes pieds. C'est comme si mon coeur transmettait de nouveau la douleur de ce soir là quand je l'ai vue s'en aller alors que mon frère venait de mourir. C'est comme si toute la douleur me frappait de nouveau d'un seul coup. Je reste sans voix.
John a finit par nous rejoindre et il m'interroge du regard. C'est à ce moment que je réussis à reculer de quelques pas.
- Diviya ? M'interroge John. Putain qu'est-ce que tu lui as dit Zac !
- Je me suis occupé de lui dire puisque t'aurais jamais eu les couilles de le faire.
Mon cœur résonne dans ma cage thoracique.
Boum
Boum
Boum
J'ai l'impression que je n'entends que lui et qu'il est sur le point d'exploser. Je dépose une main contre ma poitrine comme si ce geste pouvait faire quelque chose mais rien. Alors Denis est revenu. Mes mains tremblent et je n'arrive pas à prononcer un seul mot alors que les deux hommes en face de moi scrutent ma réaction.
John finit par se retourner brusquement vers Zac et l'attrape violemment par le col de sa chemise.
- C'est quoi ton problème, mec ! Qu'est-ce qui te donne le droit de lui avouer ça putain de merde !
Les regards se sont dirigés vers nous alors que je reste immobile spectatrice de cette révélation.
- Elle avait le droit de le savoir !
Je vois que John commence à perdre ses moyens, il se met à hurler comme un dingue sur Zac.
- Putain t'es qui pour faire ça ? Je m'occupe d'elle, et personne d'autre à part moi n'a le droit de lui balancer ce genre de chose !
Je vois Zac qui commence à s'agiter, il finit par se soustraire de la prise de mon meilleur ami et remettre en place sa chemise avant de renchérir.
- Et toi t'es qui bordel ! T'es ni son frère ni son mec rentre toi bien ça dans le crâne, Jonathan. Tu devrais me remercier, s'il t'avait croisé ici avec elle, il t'aurait explosé la gueule et tu le sais.
John se met à rire d'un rire mauvais avant de reprendre.
- Je devrais te remercier de quoi au juste ?
- De l'avoir empêché de se pointer ici ce soir !
Le regard de John dévie directement vers le mien et je décide finalement de bouger d'ici et d'aller rejoindre les vestiaires en vitesse. Je bouscule le monde qui a commencé à s'accumuler dans les couloirs et je finis par entrer dans le vestiaire. Je claque la porte derrière mon dos et me laisse tomber sur un des bancs.
Il ne faut que quelques secondes avant que mes larmes finissent par céder. Lorsque John me rejoint, je me dépêche pour me relever et lui tourner le dos pour essuyer les traces de ma faiblesse.
Je le sens se positionner juste derrière mon dos. Sa respiration régulière m'indique qu'il ne bouge pas pendants plusieurs minutes mais je finis par sentir sa main m'entourer le bras pour me faire retourner vers lui.
Le pire dans tout ça, c'est que je ne lui en veux même pas. Je sais que nous avons été clair sur le sujet et je lui ai dit que je ne voulais plus jamais avoir de nouvelles de Denis. Ce qui me blesse ce n'est pas le fait qui me l'ai caché mais c'est plutôt le retour de Denis qui m'a pris au dépourvu.
- Je suis désolé. Lâche mon meilleur ami l'air coupable.
- Tu n'as pas à l'être John. Je ne t'en veux pas.
Un éclair traverse ses yeux bleus.
- Sérieux ?
- Oui ! Pourquoi je t'en voudrais ? C'est moi qui t'ai dit de ne plus jamais me parler de lui. Vraiment, tu peux avoir la conscience tranquille !
John dépose ses deux grandes mains sur mes épaules me faisant relever les yeux vers lui. Il semble chercher quelque chose dans mon regard.
- Alors pourquoi tu pleures ?
Il en profite pour essuyer délicatement une de mes larmes et attend patiemment ma réponse.
- Je sais pas. J'ai...ça m'a fait bizarre d'entendre qu'il était là. J'ai repensé à ce jour quand il est parti sans rien dire et je...
Ma voix tremble et John semble l'avoir remarqué, il approche ses lèvres de mon visage pour déposer un baiser sur mon front. Il les laisses déposés sans se détacher de moi et je cède toutes les larmes que j'avais tenté de divulgué quand il est entré. Je ne suis plus qu'un robinet qui coule à flot. Je ferme les yeux en essayant de me convaincre moi-même que rien n'a changé. Même si je devais le croiser un jour dans cette ville, Denis n'est plus rien pour moi. Je n'ai pas à lui rendre de compte, je n'ai pas à m'inquiéter pour lui, je n'ai pas à m'interroger sur sa nouvelle vie.
Je referme mes bras autour du grands corps de mon meilleur amie et dépose ma joue contre son torse juste au niveau de son cœur. Je ne remercierai jamais assez le ciel de m'avoir mis un ami comme lui sur mon chemin. Aujourd'hui notre amitié compte plus que tout et jamais je ne laisserais quelqu'un s'initié entre nous.
Le menton de John se dépose sur le haut de mon crâne et il reste lui aussi dans cette position qui est drôlement réconfortante. Nous sommes tous les deux dans le même sac à présent. Lui s'est fait largué par Paloma et moi ça fait trois ans que je lutte pour oublier ma relation avec Denis.
Depuis Denis, je n'ai plus eu aucune relation amoureuse. Je me suis promis de ne jamais offrir mon cœur à quelqu'un. Je sais que John est l'exception, je me suis attachée à lui d'une certaine façon. Mais c'est spécial entre nous. C'est réconfortant et c'est rassurant, ça n'a rien de passionnel comme avec Denis. C'est purement platonique.
C'est pour ça qu'au fond de moi, je considère que John ne me blessera jamais.
Hffmbx.
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