19
Le téléphone sonne une fois de plus, marquant déjà le dixième appel. Je résiste à la tentation de répondre, déterminée à ne pas céder aux appels incessants de Denis Hernandez, même si nous avons conclu un accord. Je suis chez moi, en sécurité, alors pourquoi insiste-t-il autant ? N'est-ce pas suffisant que je doive déjà mentir à John à cause de son travail perturbant ?
Je souffle en posant mon téléphone sur la table de chevet près de mon lit. Je saisis une serviette et commence à sécher mes cheveux. D'une manière ou d'une autre, j'ai réussi à convaincre John. Il semblait plus apaisé en partant, mais moi, je ne vais pas bien du tout. La culpabilité s'ajoute à mon fardeau déjà lourd, enfoui au plus profond de mes entrailles. Je ne peux m'empêcher de penser au moment où la mission de Denis sera enfin terminée et qu'il retournera à sa vie, tandis que moi, je retrouverai la mienne sans mensonges ni promesses vides.
Je viens de promettre à mon meilleur ami que je lui parlerai de chaque obstacle qui se dressera sur mon chemin, tout comme Denis m'avait promis de ne pas m'abandonner. Et devinez quoi ? Je ne suis pas si différente de lui finalement. Les promesses vides semblent être notre spécialité.
Je lance violemment la serviette dans la salle de bain et me laisse tomber sur mon lit. Et voilà, l'onzième appel ! Onze appels en si peu de temps, c'est insensé. En trois ans, il n'a pas réussi à composer mon numéro, et maintenant il n'hésite pas à me harceler pour ses propres intérêts !
Espèce d'égoïste !
Dans l'obscurité de ma chambre, je me glisse sous mes draps, cherchant désespérément le sommeil. J'en profite également pour mettre mon téléphone en mode silencieux. Peu importe combien de fois il appelle, je ne suis pas d'humeur à lui répondre. Je préfère me plonger dans le calme de la nuit, en espérant que les soucis et les promesses vides s'estompent, ne serait-ce que pour quelques heures.
Je me retrouve soudainement allongée sur le sol glacé d'une pièce sombre et chaotique, entourée de cartons délabrés et de vêtements en lambeaux. Une terreur indescriptible s'empare de moi alors que je réalise que je suis de retour à cet endroit maudit. Mon estomac se noue d'angoisse, et je tente de me relever, mais mes jambes refusent de répondre. Je me recroqueville sur le lit miteux, fermant les yeux avec force, priant pour que ce cauchemar prenne fin. Mais leurs voix méprisantes résonnent à mes oreilles, signalant leur présence. Mon corps se fige d'horreur.
Je sens les doigts glacés de l'un d'entre eux effleurer ma peau nue, provoquant des frissons de dégoût qui parcourent mon être. Je lutte de toutes mes forces pour le repousser, mais je suis impuissante, submergée par leur puissance écrasante. Le cauchemar continue, plongeant mon esprit dans les ténèbres les plus profondes de l'effroi.
Je me réveille en sursaut, le souffle court et les draps collés à ma peau moite. Mon corps tout entier est encore agité par l'emprise de ce cauchemar troublant qui s'est immiscé dans mes rêves.
Bon sang, encore ces satanés cauchemars. Ils sont revenus, comme des ombres du passé qui refusent de me laisser en paix. Des souvenirs douloureux qui se répètent sans cesse dans mon esprit, me rappelant les horreurs que j'ai vécues.
Je me redresse, passant une main lasse sur mon visage, tentant de me convaincre que tout cela est bel et bien derrière moi, que je ne vivrai plus jamais de telles épreuves. Mais la peur persiste, insidieuse, comme un poids sur mes épaules, me rappelant que les cicatrices du passé sont toujours présentes.
Je me décide finalement à me lever et à descendre pour me chercher un verre d'eau. Le liquide frais glisse dans ma gorge, apaisant peu à peu les traces du cauchemar qui m'oppressait. Jetant un coup d'œil par la fenêtre, je constate que la nuit est paisible, me donnant envie de m'évader un instant.
J'enfile mes claquettes et sors par la porte d'entrée en veillant à faire le moins de bruit possible. Je m'aventure dans l'air frais de la nuit, cherchant à me détendre car la plupart du temps le vent frais est drôlement efficace.
Alors que je m'engage dans la rue adjacente, une brusque sensation d'oppression m'envahit. Un bras solide se glisse autour de ma taille, me plaquant contre une présence inconnue qui se dissimule dans l'obscurité. Ma respiration se bloque tandis qu'une main rude se pose violemment sur ma bouche, étouffant mes cris dans l'urgence.
Mon cœur continue de battre frénétiquement dans ma poitrine alors que je me débats avec acharnement, cherchant désespérément à me libérer de cette emprise brutale. Mais mes efforts semblent vains face à la force et à la fermeté de cette présence mystérieuse. Mon esprit est envahi par la peur, mais aussi par une étrange familiarité qui émerge des ténèbres. Soudain, un souffle chaud effleure mon oreille et une voix rauque, une voix que je reconnaîtrais entre mille, pénètre mes tympans, faisant vibrer chaque fibre de mon être.
- C'est tout ce que t'as, Vi ?
Cette phrase, prononcée avec un mélange d'arrogance et de provocation, résonne en moi comme une décharge électrique.
Puis, soudainement, il lâche prise et je me retourne vivement vers lui, prête à lui faire regretter son geste. Mon visage exprime une colère brûlante, mes yeux lancent des éclairs de fureur.
- Espèce de malade mental ! T'es un vrai dégénéré, qu'est-ce qui t'as pris ! M'énerve-je.
Il croise ses bras contre son torse, arborant un sourire satisfait qui m'agace au plus haut point. Son attitude déconcertante me laisse perplexe et en colère.
- Pourquoi tu réponds pas au téléphone ? lâche-t-il, comme s'il venait pas de me foutre la trouille.
Mes sourcils se froncent tandis que je le regarde avec méfiance. Comment peut-il se comporter de cette manière après ce qu'il vient de faire ?
- Parce que j'ai pas envie de te parler sale malade, lui rétorqué-je d'une voix glaciale. Et après ce que tu viens de faire, j'ai aucune raison de te donner la moindre explication.
Ma voix tremble légèrement, mêlant l'indignation à l'appréhension. Je me demande ce qu'il trame, pourquoi il m'a agressée ainsi.
- Et notre accord, Diviya ? Ajoute-t-il en s'adossant au portail de mes voisins.
- L'accord ne dis pas de répondre aux appels. Sérieux, pourquoi t'as fait ça ? C'est devenu ton délire d'agresser les gens dans les coins de rues ?
Je croise les bras devant moi à mon tour, cherchant à reprendre le contrôle de la situation, bien que mes émotions bouillonnent à l'intérieur de moi. Je veux comprendre ce qu'il cherche réellement, pourquoi il insiste de cette manière.
Son rire se met à résonner, me rappelant à quel point ce son me plaisait dans une autre vie.
- Bon accouche, qu'est-ce que tu me veux Hernandez ?
Sans détourner le regard de ses yeux habituellement émeraude, mais cette fois assombris par l'obscurité de la nuit, je le vois avancer lentement, réduisant progressivement la distance entre nous. Mon cœur s'accélère tandis que je l'observe avec une certaine méfiance mêlée d'une étrange fascination. Finalement, il s'arrête, nos deux pieds se retrouvant à quelques centimètres l'un de l'autre. Je suis forcée de relever la tête pour maintenir ce contact visuel, un instant suspendu entre nous.
- Hernandez ? demande-t-il d'une voix grave.
- Quoi ? C'est ton nom pourtant.
- En effet, mais tu ne m'appelles jamais comme ça.
"...À part quand tu es énervé ou quand j'ai fait quelque chose."
Ces paroles prononcées il y a trois ans résonnent encore en moi. Je réalise soudain qu'il s'en souvient lui aussi. Son regard en dit long. Je déglutis pour retrouver ma contenance, sur le point de lui demander ce qu'il veut, mais il me devance.
- Tu fais quoi dehors à une heure pareille ? Toujours tes cauchemars ?
- Ce ne sont plus tes affaires, Hernandez.
Il est si proche que je peux sentir son odeur réconfortante, un parfum légèrement mentholé qui lui est propre. Même si c'est difficile à admettre, cette fragrance me manquait. J'ai l'impression qu'il est trop proche, beaucoup trop même. Son visage n'est plus qu'à quelques centimètres du mien mais je ne bouge pas déterminé à lui montrer que cette proximité ne me fait plus rien.
Pendant quelques instants, le silence s'installe, seuls les souffles de nos respirations et les hululements des hiboux résonnent dans mon cœur. Je ne vais pas céder !
- Si tes affaires te poussent à sortir sans aucune protection au milieu de la nuit, alors elles deviennent aussi mes affaires. C'est notre accord, Diviya.
Sa voix se fait plus douce, un simple murmure, et je flanche légèrement en fermant les yeux.
Puis, comme par magie, je sens son emprise se relâcher, me rendant instantanément l'usage de mes poumons. J'ouvre les yeux et le retrouve légèrement à distance.
- Je voulais que tu rencontres quelqu'un. Demain soir, je t'enverrai l'adresse. Lâche-t-il finalement brisant la bulle d'illusion que je venais moi même de créer.
- Qui ? Demandé-je une peu trop vite.
- Quelqu'un. Tu le découvriras demain.
Je le sonde une dernière fois du regard mais il ne semble pas du tout enclin à m'en dire plus alors je change de sujet.
- Ok. Est-ce que je peux tout raconter à John ? demandé-je.
Il semble pris au dépourvu par ma question, ses sourcils se froncent légèrement et son visage exprime une légère confusion. Ses yeux cherchent les miens, comme s'il essayait de lire mes intentions derrière mes paroles.
- Non.
Il se redresse brusquement, son regard se durcit et toute trace d'amusement qui pétillait auparavant a disparu.
- Pourquoi ? Il se pose des questions et je n'aime pas mentir, Denis.
- Je m'en fou complètement. Je veux plus qu'il se mêle de mes affaires. C'est non, Diviya.
Je comprends qu'il y ait une certaine animosité de la part de John envers Denis. Le comportement de son meilleur ami n'était pas exemplaire, et le fait que Denis revienne maintenant dans ma vie préoccupe John. En revanche, je ne vois pas en quoi Denis pourrait en vouloir à John. Ce dernier ne lui a rien fait, au contraire.
- Tu n'as pas répondu à ma question, pourquoi ?
Cette fois-ci, c'est à moi de m'approcher de Denis, qui continue de me fixer du regard. C'est étrange de me retrouver dans cette situation après toutes ces années. Autrefois, j'avais l'habitude de le rassurer, de l'encourager à s'ouvrir et à partager ses pensées en insistant un peu. Je le prenais dans mes bras et lui promettais d'être toujours là pour lui. Mais maintenant, tout cela n'est plus possible. Denis et moi sommes devenus des étrangers qui ne partagent que quelques souvenirs en commun.
- Diviya...
Mon cœur s'emballe à chaque fois qu'il prononce mon nom de cette manière si désespérée.
- Hmm ?
Je suis surprise lorsque je sens sa main se poser sur ma nuque, avec une fermeté mêlée de délicatesse. Son pouce glisse doucement sous mon menton, créant une caresse délicate qui fait vibrer ma peau.
- Je pense que tu devrais rentrer. Lâche-t-il alors.
Mon cerveau semble se reconnecter brusquement, et je réagis instinctivement en m'éloignant rapidement de sa prise, comme si elle me brûlait la peau.
Je lui accorde un dernier regard avant de finir par me diriger vers chez moi.
- Bonne nuit. Entendis-je derrière mon dos.
Je lui accorde un dernier regard avant de me diriger rapidement vers chez moi. Ses paroles résonnent dans l'air, mais je m'efforce de ne pas y répondre. Les mains tremblantes et les sens en vrac, j'atteins enfin la porte d'entrée, soulagée de me retrouver à l'abri.
Hffmbx.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top