18

En ouvrant la porte de chez moi, je suis accueillie par mon père et John, assis dans le canapé du salon. Depuis trois ans, John est devenu un habitué de cette maison. Au fond de moi, j'ai trouvé cela particulièrement touchant qu'il soit venu prendre de mes nouvelles ainsi que celles de ma famille après le décès d'Aless.

J'ai du mal à croire que Denis est à l'origine de tout cela. Sans sa demande, John ne serait probablement jamais venu et nous ne serions probablement pas amis à l'heure actuelle. Cela me serre le cœur de comprendre que même en son absence, Denis a réussi à exercer un certain contrôle sur ma vie.

- Diviya ?, m'appelle mon meilleur ami, ses yeux bleus se posant sur moi, ce qui fait naître un sourire naturel sur mes lèvres.

- T'étais passé ou hier ?, ajoute John en s'approchant de moi.

J'ai réalisé que je n'étais pas une bonne amie au moment où j'ai caché la vérité sur cet incident qui s'est déroulé derrière le club. Je n'ai rien dit parce qu'une voix à l'intérieur de mon cerveau naïf m'a poussée à écouter Denis, à ne rien révéler comme il me l'avait demandé.

Malgré tout ce qui a pu se passer entre Denis et moi, tout semble indiquer que dès qu'il croisera ma route, son opinion comptera toujours pour moi, même s'il ne s'agit que d'une infime goutte dans un océan en pleine tempête.

- Chez les parents de la petite Lina. Ils ont eu un empêchement, et j'ai dû rester pour la nuit, mentis-je.

Le regard de John semble se détendre tandis que mon cœur se serre. Je déteste mentir ainsi, mais je sais qu'au moment où je parlerai de Denis, tout changera.

Je ne veux pas que John me juge. Je ne veux pas non plus m'entendre lui reprocher d'être venu me réconforter parce que Denis le lui avait demandé. Je n'ai pas envie de tous ces problèmes, j'en ai assez.

Je n'ai plus la force de me disputer encore et encore. Je suis fatiguée, alors le silence et les mensonges qui gravitent autour du nom de Denis Hernandez persisteront aussi longtemps que la paix sera nécessaire pour moi.

- Tu as pu voir ta sœur ?, me demande mon père.

J'acquiesce en lui racontant qu'elle m'a montré sa magnifique robe ainsi que la décoration de la salle de réception. Puis mon regard se tourne vers celui de John qui ne m'a pas quittée une seconde. Je m'arrête de parler pendant quelques instants en réalisant que ce garçon ne peut pas s'inquiéter ou discuter avec moi sans ressentir un certain attachement. Malgré la demande de Denis, je suis convaincue qu'en cet instant précis, John est mon meilleur ami et qu'il ne se sent en aucun cas obligé d'être à mes côtés.

Mes parents finissent par nous laisser et John et moi nous dirigeons vers le jardin à l'arrière. Ce jardin où j'ai joué pendant des heures avec Aless. Un jardin qui a entendu nos rires résonner, nos cris s'exclamer. Chaque recoin de la maison abrite un souvenir d'Aless pour moi. Au début, c'était douloureux, trop douloureux pour pouvoir décrire précisément cette sensation. Mais aujourd'hui, c'est différent. Les souvenirs me font toujours mal, mais je ne peux nier qu'ils me font parfois sourire. Un sourire empreint d'une certaine nostalgie pour nos moments partagés.

Malgré l'année tumultueuse qui a précédé son décès, je garde un excellent souvenir de mon frère. Aless a joué son rôle de grand frère à merveille. Il a su m'apporter cet amour et cette protection que je désirais tant trouver chez Anil et Jaï lorsque j'étais plus jeune. J'avais tant espéré que mes deux grands frères biologiques me retrouveraient et me délivreraient de ce fardeau que je vivais.

Mais la vie en a décidé autrement. Il était évident que je devais rencontrer cette nouvelle famille, de nouveaux amis et me créer de nouveaux souvenirs.

- Diviya ?

La voix de John me sort de mes pensées.

- Oui ?

- T'es sûre que ça va ? me demande-t-il.

Je regarde mon meilleur ami, perplexe. Suis-je si facile à lire ?

- Oui, pourquoi ?

- J'sais pas, t'es trop silencieuse et perdue dans tes pensées. D'habitude tu me racontes tout ce qui te fais chier.

Un sourire se dessine sur mon visage en entendant les mots crus de mon meilleur ami.

- Je suis juste pensive. Le mariage de ma sœur approche et je suis heureuse pour elle, mais je peux pas m'empêcher de penser à comment tout se serait passé si Aless était là, et si Denis ne m'avait pas abandonnée...

Je m'interromps avant de poursuivre ma pensée. Lorsque je pose à nouveau mon regard sur John, ses sourcils se froncent et il ne semble pas réjoui par ce que je viens de dire.

- Tu l'as croisé ? me demande soudainement John.

- Qui ça ?

- Hernandez.

Mon cœur s'accélère soudainement. Je ne m'attendais pas du tout à cette question, je l'avoue.

- Non, mentis-je une fois de plus.

Mon meilleur ami arrache son regard du mien et pose violemment ses mains sur la table, me faisant sursauter au passage. John se met à rire bizarrement et je n'aime pas ça.

- File-moi ton téléphone. Ordonne-t-il d'un seul coup.

- Q-quoi ? Pourquoi ?

- Diviya, je déteste quand quelqu'un se fou de ma gueule. Alors soit tu me dis toute de suite la vérité, soit je la découvrirais par moi-même.

Je me lève brusquement de la table ne comprenant pas se changement de comportement chez mon meilleur ami. C'est pas possible ! Enfin, John ne peut pas savoir que j'ai revu Denis, je comprends pas...

Mes mains deviennent moites et j'essaie de trouver un moyen de sortir de cette situation qui commence à me déranger, mais c'est à ce moment que mon téléphone se met à sonner. Je le sors, de manière un peu maladroite, pour lire le nom qui s'affiche à l'écran.

Denis Hernandez.

John m'arrache brusquement le téléphone des mains et se lève à son tour, renversant sa chaise au passage.

- Je le savais ! Putain de fils de pute ! s'écrie-t-il.

Il repose violemment le téléphone sur la table et s'éloigne dans le jardin en se tirant presque les cheveux d'énervement.

Je suis incrédule devant la réalité de la situation qui se déroule sous mes yeux. Une fois de plus, je suis témoin de quelqu'un que j'aime perdre le contrôle à cause de Denis Hernandez.

Mais cette fois-ci, les choses ne se passeront pas comme il y a trois ans. Je refuse de laisser cette situation prendre trop d'ampleur, je me le promets.

Je récupère mon téléphone et me dépêche de rejoindre John. Il s'arrête dans ses mouvements en me voyant en face de lui, son regard exprimant à la fois de la tristesse et de la colère. C'est étrange, je ne sais pas comment l'interpréter.

- Comment ? Me demande-t-il presque désemparé.

- Quoi ?

- Comment t'as pu revenir vers lui après tout ce qu'il t'as fait putain de merde Diviya !

- John...c'est pas du tout ce que tu crois. J'ai pas eu le choix.

John me fixe intensément, luttant visiblement contre ses émotions contradictoires. Son regard mélange la déception et la colère, mais je peux aussi y déceler une pointe de compréhension. Je respire profondément, cherchant les mots justes pour lui expliquer ma situation complexe, mais c'est si difficile. Je ne peux pas prendre le risque de mettre la vie de Denis en danger. J'ai une confiance aveugle en John, mais je sais qu'il fréquente encore le club, et s'il savait toute cette histoire avec Denis et son nouveau travail, cela mettrait tout le monde en danger. Et c'est la dernière chose dont j'ai envie.

- T'as pas eu le choix ? Tu m'expliques parce que je capte pas là ! s'exclame-t-il.

- Ok, c'est lui que j'ai croisé derrière le club. Et il m'a donné son numéro parce qu'il voulait discuter, mais ça s'arrête là. Je ne l'ai pas revu depuis, John.

Le visage de mon meilleur ami ne semble pas se détendre malgré mes révélations.

- Et tu comptes discuter ? me demande-t-il d'une voix étrangement emplie d'une émotion que je peine à déchiffrer.

- Non ! Bien sûr que non. On n'a plus rien à se dire, affirme-je avec conviction.

Et puis, c'est à cet instant que John se détend. Je comprends qu'il ne veut pas que je souffre davantage, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il réagisse aussi excessivement.

- T'es sûr ? interroge-t-il.

Je déglutis, consciente que je m'enfonce dans mes mensonges...

- Certaine, John.

John reste silencieux un instant, scrutant mon visage avec une expression mêlée d'inquiétude et de préoccupation. Je sens qu'il hésite à me croire, mais je ne peux pas lui révéler toute la vérité, pas maintenant.

Je sens les mains de John se poser sur mes joues, empoignant mon visage avec fermeté. Son regard, désormais apaisé, se plonge dans le mien.

- Diviya, peu importe ce qui se passe, peu importe les problèmes auxquels tu fais face, promets-moi que tu viendras me voir en premier. Promets-moi que tu ne lui accorderas pas le moindre regard. Cette merde mérite même pas une putain de seconde de ton attention.

Si seulement je pouvais lui révéler toute la vérité. Si seulement je pouvais lui confier à quel point cet accord avec Denis Hernandez a été difficile à conclure. Si seulement il savait que j'ai été kidnappée hier par un psychopathe à cause du nouveau travail de Denis...

Mais parfois, un mensonge peut agir comme un bouclier pour ceux que nous chérissons, et c'est à cet instant précis que la citation de mon film favori me revient en mémoire :

"L'être humain est empreint d'émotions, et parfois, la vérité absolue n'est pas la meilleure réponse."

Je m'imprègne de ces mots, consciente que parfois, préserver ceux qui nous entourent nécessite de voiler la réalité.

- Promis. Dis-je alors.

Hffmbx

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top