16 : L'accord

Je me focalise, cherchant à apaiser les pulsations de mon cœur. Parfois, je me demande comment un si délicat organe peut endurer une pression quasi incessante. Mon cœur, je le malmène sans répit, sans ménagement.

Le silence feutré de l'habitacle m'aide à retrouver mon calme, et c'est à ce moment précis que je décide de tourner la tête vers le conducteur. Ses sourcils bruns se froncent légèrement, témoignant d'une profonde concentration sur la route ou peut-être dans ses pensées. Son visage reste tendu, pourtant il n'a presque pas changé depuis trois ans. C'est difficile à admettre, mais Denis est toujours aussi beau et fascinant qu'au jour où il m'a quitté. Sa main, solide et puissante, serre fermement le volant, révélant une force insoupçonnée. Mes yeux se posent sur ses phalanges abîmées, et mon regard se crispe légèrement.

Est-il réellement un policier ? Que faisait-il en train d'agresser cet homme, et quel lien cela a-t-il avec le club ? Est-ce pour cette raison qu'il est revenu à Washington ? Pour ce club et peut-être à cause de ce mystérieux nouveau patron dangereux ?

Mon pauvre cœur manque un battement lorsque le visage de Denis se tourne brusquement vers le mien. Ses yeux se verrouillent sur les miens, semblant fouiller mon âme pendant quelques précieuses secondes.

- Tu vas bien ?, me demande-t-il alors, brisant le silence.

- Oui, répondis-je d'une voix faible. Comment t'as fait pour me retrouver ?

Le regard de Denis se fixe à nouveau sur la route, et je sens un léger relâchement en moi.

- Je surveille ce gars, et je te surveille aussi depuis cette soirée au club.

Alors que les paroles de Denis résonnent dans l'habitacle, un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Sa révélation soulève une multitude de questions auxquelles je cherche désespérément des réponses.

- Pourquoi me surveiller ? Qu'est-ce qui se passe au juste ? demandé-je d'une voix empreinte d'inquiétude.

Denis soupire légèrement, comme s'il hésitait à partager la vérité. Après un bref moment de silence, il décide enfin de parler.

- Écoute, j'vais être franc avec toi, tout ça c'est putain de dangereux, murmure-t-il d'une voix chargée d'émotion. Le nouveau patron, celui qui s'est ramené récemment, trempe dans des affaires illégales. On m'a balancé en infiltration pour découvrir ses putains de manigances, et quand je t'ai vue fourrer ton nez derrière le club, j'ai tout de suite su que t'étais dans la merde.

Mes yeux s'écarquillent, incapable de dissimuler ma surprise. Tout cela est bien loin de ce que j'aurais pu imaginer.

- Je peux pas t'en dire plus pour le moment, mais je te promets que je ferai tout pour te protéger, déclare Denis avec une détermination palpable. Tu dois être plus prudente désormais et tu dois me faire confiance.

Ces paroles me font tiquer. Une colère sourde monte en moi alors que je m'efforçais jusqu'à présent de mettre de côté mes douleurs passées et notre histoire tumultueuse. Cela devient bien trop difficile.

- Je ne te ferai plus jamais confiance, Denis, répliqué-je d'un ton tranchant.

- Et tu as raison, mais crois-moi, tu n'as plus le choix, rétorque-t-il avec une conviction inébranlable. Tu as perdu ce choix dès que tu t'es foutu dans mes affaires.

- Et toi tu étais plus censé me revoir après le jour où tu m'as abandonné devant cet hôpital sans explications ! M'énervais-je.

La frustration bouillonne en moi alors que je laisse échapper mes mots. Ce n'est pas censé être aussi simple, il ne peut pas revenir dans ma vie, même sous prétexte de me protéger. Je ne peux plus accepter de le voir, de ressentir sa présence, et je ne veux plus qu'il fasse partie de ma vie. Je veux tourner la page.

- Diviya...dit-il d'une voix étrangement calme.

- Pourquoi avoir fait ça, Denis ? Pourquoi m'as-tu abandonnée alors que tu savais pertinemment que j'allais apprendre la mort de mon frère ? Pourquoi t'es parti sans donner de nouvelles ?

Ces questions, brûlantes dans ma gorge depuis trois ans, me dévorent de l'intérieur, me consumant de l'envie de comprendre ce qui a bien pu se passer dans son esprit pour commettre un acte aussi cruel.

Finalement, nous nous arrêtons devant un charmant bâtiment. Il est si imposant que cela me donne le vertige.

Denis sort de la voiture et m'attend à l'extérieur. Je le rejoins, me plaçant face à lui. Son regard me fige sur place, intensément scrutateur. Il m'examine d'une manière nouvelle, comme s'il cherchait à percer les mystères qui se cachent en moi. Une vague de nervosité s'empare de moi.

- Tu veux des réponses ? Je vais te les donner mais à condition que tu acceptes d'être de mon côté une dernière fois, le temps que je termine mon travail ici.

Ce n'est pas seulement que je désire des réponses, c'est une nécessité profonde. Je suis assoiffée de comprendre ce moment où il m'a abandonnée, et je vois enfin cette occasion de mettre un point final à cet homme qui a laissé une empreinte indélébile en moi.

- Combien de temps durera ta mission ? lui demandé-je.

- Aussi longtemps qu'il faudra pour démanteler le réseau, répond-il sans hésitation.

- Et après ça, qu'est-ce qui se passera ? interrogeai-je avec appréhension.

- Après ça, je retournerai à New York, et tu pourras reprendre ta petite vie paisible, me rassure-t-il.

Il n'y a pas d'autre choix pour moi, je dois accepter de côtoyer Denis une dernière fois avant que nos chemins ne se séparent définitivement.

- D'accord, acquiesçai-je finalement, acceptant l'inéluctabilité de la situation.

Malgré ma réticence, je me prépare à m'engager dans cette dernière danse avec Denis, sachant que ce sera un chemin parsemé d'obstacles, de dangers et de vérités déconcertantes. Peut-être, juste peut-être, trouverai-je la clarté et la résolution que je recherche depuis si longtemps.

Un fugace sourire se dessine sur son visage, éclairant brièvement les traits qui étaient auparavant tendus, mais il disparaît aussitôt, laissant place à son expression austère.

Denis se dirige finalement vers le bâtiment, et je le suis en silence. Nous prenons l'ascenseur qui nous conduit au huitième étage. À notre arrivée, nous nous retrouvons dans un vaste couloir, bordé de plusieurs portes d'appartements. Nous nous arrêtons devant l'une d'entre elles, que je suppose être le lieu de résidence de Denis depuis son retour.

Nous entrons, et je suis immédiatement captivée par la vue panoramique offerte. Une baie vitrée orne avec élégance le salon, ainsi que la cuisine ouverte. L'appartement respire le raffinement et évoque le luxe. C'est un véritable enchantement pour les yeux, presque trop beau pour être vrai.

Pendant quelques instants, j'en avais presque oublié la présence de Denis. Il m'invite à m'asseoir sur le canapé, puis s'éclipse pour revenir quelques minutes plus tard, un verre d'eau à la main.

La nuit est tombée depuis un petit moment déjà, et la vue des lumières de la ville est tout simplement époustouflante. Cela coupe le souffle de contempler ce spectacle.

- Merci, murmurai-je en saisissant le verre.

- De rien, répondit-il sobrement.

Et dire que j'ai aimé cet homme, et dire que je pensais qu'il serait toujours là pour moi, même après le drame de Kate et Aless... Je peine à croire qu'après trois ans, je me retrouve face à lui de nouveau.

- Alors je t'écoute, Denis.

Je le vois détourner son regard du mien, s'approcher de la grande baie vitrée et laisser échapper un souffle presque douloureux.

- J'avais peur de ne pas pouvoir gérer la douleur, lâche-t-il enfin d'une voix calme.

La perplexité m'envahit alors qu'il exprime ces mots. De quelle douleur parle-t-il ? Comment pourrait-il se sentir concerné alors que c'était moi qui devais affronter la mort de mon frère, conséquence directe de la tragédie qui avait frappé sa sœur ? Les pièces de ce puzzle émotionnel complexe s'assemblent lentement dans mon esprit.

Avant que je puisse formuler ma confusion, il poursuit :

- La foutue peur me pousse à prendre des décisions insensées. J'ai paniqué, voulant te protéger en même temps. Je savais que je te méritais pas, et cette pensée tournait en boucle dans ma tête depuis longtemps. Quand j'ai appris la mort d'Aless, toute réflexion a disparu. Je pensais qu'à toi et à la douleur que tu ressentirais en l'apprenant. J'avais l'impression que c'était de ma faute avec cette vengeance, et j'étais convaincu que je ne supporterais pas de te voir dans le même état que ma mère quand elle a appris la mort de Kate. Je déteste voir les personnes que j'aime souffrir, Diviya. Alors je suis parti, j'ai fui comme un lâche à cause de mes putains de peurs.

Sa confession me touche au plus profond de mon être. Je peux ressentir la sincérité et la détresse dans chacun de ses mots. Les émotions me submergent, un mélange de colère, de douleur et d'une pointe de compréhension. Peut-être que, au fond, ses motivations étaient guidées par un amour maladroit, une tentative désespérée de me préserver de la souffrance. Mais cela ne justifie en rien tout ce que j'ai enduré pendant son absence. J'ai tellement souffert, vivant le deuil à la fois de mon frère et de la relation que j'avais avec lui. C'était une épreuve horrible, et John a été l'ami incroyable qui m'a soutenu, même si je pensais qu'il serait la dernière personne à jouer ce rôle.

Denis reste silencieux, le dos tourné. Voyant cela, je décide de prendre la parole.

- Très bien. Merci, dis-je, ne sachant pas trop quoi ajouter.

Denis finit par se retourner et nos regards se croisent enfin. Il semble confus et surpris de ma réponse.

- Merci ?, demande-t-il en s'approchant de moi.

- Oui, merci de m'avoir donné une explication, répondis-je. J'avais besoin de comprendre la raison pour laquelle j'ai tant souffert.

Denis reste silencieux pendant quelques instants, cherchant visiblement ses mots. Finalement, il s'assoit à côté de moi sur le canapé, son regard empreint de regret.

- Mais t'étais pas seule, John était là, lâche-t-il comme si cette vérité lui déchirait la gorge.

Mon regard sonde le sien, surprise qu'il me parle de John. Il reprend :

- Il t'a soutenue et t'a aidée à te relever, exactement comme je le lui avais demandé.

Comme je le lui avais demandé...

Et à cet instant, une sensation étrange remue dans mon ventre. Je réalise soudain que John était en contact avec Denis, et que c'est lui qui lui avait demandé de venir me voir, alors que lui et moi n'étions pas du tout proches ! Denis avait envoyé John pour s'assurer que j'allais bien, et John me l'avait caché.

Un torrent d'émotions se déchaîne en moi alors que je prends conscience de cette révélation troublante. Une onde de surprise se propage dans mon être, tandis que l'incompréhension s'installe lentement. Pourquoi Denis avait-il fait appel à John, alors que nous n'étions pas du tout proches ? Pourquoi m'avoir caché cette connexion entre eux ? Une pointe d'amertume s'immisce en moi, teintant mes pensées d'un soupçon de trahison. Les mots restent coincés dans ma gorge, incapables de franchir mes lèvres. Denis, les yeux baissés, semble accablé par la révélation, et un lourd silence s'installe entre nous, amplifiant l'intensité de mes émotions tourmentées.

Je m'apprête à sortir mon téléphone portable pour contacter John et obtenir des éclaircissements sur cette histoire déroutante, mais mon cœur s'arrête quand je réalise que je ne l'ai plus sur moi. Une onde de panique me submerge, sachant que le kidnappeur a probablement pris mon téléphone avec lui.

- Qu'est-ce qui se passe ? demande Denis, voyant sûrement mon agitation.

- Mon téléphone ! C'est ce mec qui l'a sûrement. J'avais envoyé un message à John, et s'il le lisait ? Et s'il pense que c'est lui qui l'a attaqué, Denis !

Alors que je panique, Denis me regarde avec une expression calme et sort quelque chose de sa poche de jean. C'est mon téléphone. Il me le tend, ses yeux se verrouillant avec les miens. En cet instant, toute ma crainte de mêler John à cette affaire s'efface instantanément.

- Si tu me fais confiance une dernière fois, je te promets que tu ne le regretteras pas. Déclare la voix grave de Denis.

Hffmbx.

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