13

J'arrête mes larmes avec effort, repoussant doucement les bras de Denis pour m'échapper de son étreinte. Son parfum s'estompe et je retrouve la réalité. Évitant son regard, je m'installe sur le canapé en face de nous. Denis reste immobile un instant avant de se diriger vers la cuisine. Quand il revient, il me tend un verre d'eau silencieusement.

Je saisis le verre sans un mot et en vide son contenu d'une seule gorgée. Un léger sursaut échappe à mes lèvres lorsque le canapé s'affaisse sous le poids de Denis qui vient s'asseoir  juste à côté de moi.

Il finit par sortir son téléphone et me montrer une photo d'un homme qui m'est complètement étranger.

- Tu le reconnais ? Me demande-t-il comme si de rien était.

Je le fixe avec mépris, laissant mes yeux refléter toute la colère et le ressentiment que j'éprouve à son égard. Sans dire un mot, je détourne mon regard, refusant de m'engager dans une quelconque discussion avec lui. Je suis à peine en train de me remettre de mes émotions, et je sais que parler avec lui ne fera qu'exacerber mes sentiments.

- S'il te plaît. C'est important. Insiste-t-il.

Mon regard se pose malencontreusement sur l'écran de son téléphone, et je découvre avec stupéfaction que l'homme en photo est celui qu'il a agressé récemment. Un frisson glacial parcourt mon corps et la perplexité s'empare de moi. Qu'est-ce qui a poussé Denis à s'impliquer dans de telles affaires ? Une part de moi se demande s'il est devenu un étranger complet, étranger à tout sens de la moralité et de la compassion.

- Alors ? Insiste-t-il.

Je me lève brusquement tentant de m'éloigner de lui car entendre sa voix aussi proche de moi après toutes ces années me remontent des souvenirs encore amers.

- Alors on a plus rien à se dire, Denis.

Son regard se fixe sur moi, cette fois-ci agacé, et il se lève brusquement pour se tenir face à moi, beaucoup trop près à mon goût. Alors que je m'apprête à tourner la poignée de la porte d'entrée pour sortir, Denis anticipe mon geste et vient verrouiller sa main autour de mon poignet, me surprenant dans un élan de contrôle.

Je dois presque tordre mon cou pour le regarder dans les yeux, si proche que je peux sentir son souffle chaud caresser mon visage. C'est une proximité à la fois intimidante et familière, évoquant des souvenirs que j'ai préféré enfouir au plus profond de moi.

Mon cœur bat la chamade, les émotions contradictoires s'entrechoquent en moi. La colère et la trahison s'entremêlent avec un soupçon de nostalgie, ravivant des sentiments que je pensais avoir enterrés depuis longtemps. Mais je me rappelle aussi les blessures infligées, les cicatrices qui ne se sont jamais complètement refermées.

- Lâche-moi. Dis-je alors fermement.

- Ce mec que t'as vu l'autre soir, il a vu ton visage. Me répond-il semblant pas le moins du monde déstabilisé par notre proximité ni intéressé par ce que je viens de lui demander.

- Denis, lâche-moi. Répété-je de nouveau.

Je tente désespérément de me défaire de sa prise, mais mes efforts sont vains. Au contraire, Denis avance encore plus son visage, ses traits sont si près des miens. Son nez est à seulement quelques centimètres du mien, et mes yeux se glissent involontairement vers ses lèvres dangereusement proches. Malgré mon malaise grandissant, il continue de parler d'un ton imperturbable, comme s'il n'était pas affecté par la situation.

- Il ne sait pas qui je suis et il ne risquait pas de le découvrir avant que tu te pointes.

Je tourne précipitamment la tête vers la droite pour essayer de retrouver un peu d'air, mais à peine ai-je fait cela que des images terrifiantes envahissent mon esprit. Les souvenirs de mes cauchemars refont surface, ceux où Denis me saisit par la gorge, me serre comme un véritable psychopathe.

- Denis ...

- Il t'as vue Diviya. Il pourrait essayer de te trouver pour te soutirer des informations...

- Arrête s'il te plaît, tu me fais peur.

Soudain, il relâche sa prise, prenant conscience de son geste brusque. Je m'éloigne rapidement de lui, un léger soulagement envahit mon esprit. Mon poignet est légèrement douloureux, mais heureusement, il n'a pas exercé une pression suffisante pour me blesser.

Mes pas s'accélèrent, je cherche à mettre une distance sécurisante entre nous. Les battements de mon cœur résonnent encore dans mes oreilles, témoignant de l'adrénaline qui a envahi mon corps. Je tente de calmer ma respiration agitée, de reprendre le contrôle de mes émotions.

Je jette un dernier regard en arrière, croisant brièvement son regard troublé. Je peux voir une lueur de regret dans ses yeux.

- Qu'est-ce qui t'as pris, t'es malade !

- Je voulais pas te faire peur. Seulement t'avertir.

Je reste silencieuse, le fixant avec méfiance. Comment pourrais-je lui faire confiance après tout ce qui s'est passé ? Je suis perdue, ne sachant plus qui il est réellement. La confiance que j'avais autrefois en lui a été brisée en mille morceaux.

- C'est quoi ce bazar ? Dans quoi tu travailles ?

Il passe une main dans son cou, un geste familier qui trahit son indécision. Je ne peux m'empêcher de douter de ses paroles, de remettre en question son identité et ses intentions.

- Et me fais pas croire que t'es de la police, j'y crois pas une seule seconde. Repris-je.

Il finit par s'arrêter de marcher pour me fixer dans les yeux.

- Je peux pas t'en parler.

- Oooh ! Tu ne peux pas m'en parler ? Très bien, tu me facilites le travail. Je saurais quoi dire sur toi quand je croiserai le nouveau patron du club.

Son regard se durcit, une lueur de détermination traversant ses yeux. Je sens la tension monter dans l'air alors que nous restons immobiles, nous défiant du regard. Finalement, Denis brise le silence.

- Diviya, je sais que tu ne me fais plus confiance, mais crois-moi, ce que je fais, c'est pour te protéger.

- Me protéger ? J'ai pas besoin de toi pour me protéger, je l'ai très vite compris quand tu m'as abandonné.

Je sens son agacement grandir alors que je persiste à lui rappeler incessamment ce moment qui m'a profondément traumatisée. Mais je ne peux m'empêcher, c'est plus fort que moi. Quand je fixe son visage, toutes mes pensées s'embrouillent et je ne souhaite plus rien entendre. Je ne veux plus essayer de le comprendre, je veux simplement le voir et l'entendre regretter ses actes et plus que tout je souhaite qu'il ne pose plus jamais les pieds dans cette ville.

- Diviya, t'as pas idée dans quelle merde tu t'es foutue et c'est mon devoir de protéger tout le monde, pas que toi.

Au plus profond de moi, dans les tréfonds de mon être, une ancienne Diviya s'accroche à ce qui reste de l'attachement que j'avais pour Denis. Les paroles qu'il vient de prononcer résonnent dans ma tête comme un écho douloureux : "Diviya, t'as pas idée dans quelle merde tu t'es foutue et c'est mon devoir de protéger tout le monde, pas que toi."

C'est comme si une clarté soudaine se répandait dans mon esprit. Je réalise avec une lucidité déchirante que Denis m'a définitivement effacée de sa vie depuis le jour où il m'a abandonnée dans ce parking d'hôpital. Il n'a pas souffert de notre séparation, comme si notre histoire n'avait été qu'une parenthèse sans importance à ses yeux. C'est là que je comprends, douloureusement, qu'il n'a jamais vraiment aimé.

La terre se dérobe sous mes pieds, et je me sens submergée par un mélange de tristesse, de colère et de désillusion. Chaque illusion, chaque espoir que j'avais gardés se désagrège en un instant, laissant place à une vérité brutale et impitoyable. Denis m'a reléguée au rang d'une simple civile, quelqu'un de négligeable dans sa quête de protection. Les blessures de notre passé se ravivent, ravivant également la douleur qui m'a accompagnée pendant toutes ces années.

Tout devient clair comme de l'eau de roche. Denis a effacé notre passé, et désormais, je dois affronter cette réalité sans concessions.

Avec un soupir résolu, je lève les yeux vers Denis. Le regard que je lui lance est empreint de détermination, d'une volonté de ne plus être une victime de ses choix. Il peut essayer de me protéger autant qu'il le souhaite, mais je sais désormais que ma protection ne dépend que de moi-même.

- Tu peux faire ce que tu veux, Denis. Protège qui tu veux. Mais moi, je choisis de me protéger moi-même. Je ne serai plus l'ombre de quelqu'un d'autre. Je vais trouver la force de surmonter cette merde dans laquelle tu m'as laissée, et je vais le faire seule, déclare-je d'une voix ferme.

Les mots résonnent dans l'air, chargés de résilience et d'une détermination nouvelle. Denis fixe mon regard avec étonnement, peut-être surpris par la force qui se dégage de moi. Dans cet instant, je sens que j'ai pris le contrôle de ma propre vie, et que je ne serai plus une simple marionnette dans les jeux dangereux des autres.

Je tourne les talons, m'éloignant de lui sans un regard en arrière et je quitte l'appartement le laissant seule avec lui même.

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