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Cela fait un mois que je discute avec Paloma. Nous avons réussi à nous mettre d'accord sur quelque chose et j'ai si hâte que John le découvre.

Je scanne mon badge à l'entrée de la garderie et salut Lola au passage. Elle a pas l'air dans son assiette ce matin.

- Ne me regarde pas comme ça, j'ai pas dormi de la nuit à cause de Paul. Il a chopé une grippe affreuse.

Je retire ma veste en arrivant dans les vestiaires suivi de près par Paloma.

- Le pauvre...j'espère qu'il se rétablira vite.

- Le pauvre ? Me répond-elle. C'est plutôt moi la pauvre, tu vois pas dans quel état je suis. Diviya, fais moi plaisir réfléchis bien avant de devenir maman.

Je ris face à la remarque de ma collègue. Je ne risque pas de devenir mère de si tôt.

- T'inquiète pas pour ça.

- Quand t'as des enfants, c'est finis les petits moments avec ton mec, c'est terminé les petits moments complices... On est épuisés! Je crois que j'ai besoin de vacances. Dit-elle.

- Hmm.

Je suis distraite par mon téléphone qui vient m'afficher le nom de Paloma.

De Paloma :

Alors ? Tu lui en as parlé ?

Moi :

Ce soir promis.

Je range mon téléphone et je vais accueillir les enfants qui ne vont pas tarder à arriver. Lola sur mon dos continue à me raconter à quel point elle et son mari avait voyagé à travers le monde avant la naissance de leur premier enfant.

Pendant la journée, mon cerveau tente de réfléchir à la façon dont je vais aborder la chose. Je dois convaincre John de se rendre dans un magnifique chalet la semaine prochaine. Paloma veut lui faire une surprise et je suis sûr que c'est un bon plan mais comment le convaincre sans lui révéler la surprise ?

En finissant, ma journée j'envoie un message à John pour lui demander de me rejoindre dans le parc d'à côté. Sans surprise il me répond qu'il y sera.

Ça fais un mois.

Un mois que cette rencontre particulière hante mes nuits. Je n'en ai parlé à personne car la dernière chose dont j'ai envie c'est que John reste avec moi alors qu'il a son couple à sauver. Je peux me débrouiller seule comme une grande.

Dans tous mes cauchemars, il agit comme un homme en colère contre moi. Il agit comme s'il voulait me tuer littéralement et à chaque fois, je me réveille en sueur persuadée qu'il a réussi.

Ça devient vraiment une hantise. J'ai l'impression que si je le croise de nouveau, il va définitivement s'en prendre à moi. Et même s'il y a quelques temps une idée pareil ne m'aurait jamais traversé l'esprit, l'avoir vu ainsi dans cette rue se comporter comme un agresseur de nuit me fou la trouille ! La façon dont sa voix était si dur et sans émotion m'a déstabilisé.

Il m'a vraiment fait peur.

Je finis par retrouver John assis sur un banc non loin de l'air de jeu du parc. Je reconnais quelques enfants dont je m'occupe au passage.

- Salut. Dis-je.

- Comment tu vas ?

- Bien et toi ?

- Ça va.

C'est un peu froid entre nous depuis la soirée que j'ai passé chez lui. John est persuadé que je cache quelque chose et au fond il n'a pas tord. Mais je ferais tout pour ne pas l'inquiéter, je nie.

- Alors j'ai plusieurs choses à te dire, commencé-je.

John détache son regard des enfants qui s'amusent près de nous pour m'offrir toute son attention en m'incitant à continuer.

- Déjà, tu es invité aux fiançailles de ma sœur et Alan.

- Elle se fiance déjà ? Demande un John un peu pensif.

J'imagine à quel point ça doit faire mal de vivre loin de la personne qu'on aime alors je comprends sa réaction mais je suis encore plus enthousiaste car je suis persuadée que ma surprise va lui redonner le sourire.

- Oui, ils s'aiment énormément et ils veulent le célébrer. C'est dans deux semaines.

- Merci d'avoir pensé à moi.

Je donne une tape sur l'épaule de mon meilleur ami pour tenter de lui retirer cette mine toute triste.

- Bien sûr qu'on va penser à toi, Jonathan !

Il déteste que je l'appelle comme ça mais ça me fait rire de l'embêter.

- Et c'est quoi les autres choses ? Demande-t-il.

- Deuxième chose, j'hésite à contacter Jaï. Tu sais le deuxième frère biologique qui vit aux États Unis depuis cinq ans.

- Tu devrais. Me répond John.

- C'est vrai ? Mais j'ai peur, imagine qu'on ne s'entende pas bien du tout ou qu'il soit aussi psychopathe que l'autre taré d'Anil.

- N'y va pas seul. Je pourrais t'accompagner au début et si tout se passe bien, vous pourrez vous voir que tous les deux.

Ce que j'admire énormément chez John, c'est qu'il n'a rien avoir avec l'amie que je pensais avoir à l'époque. Je pense bien évidemment à la Jessy qui ne m'appréciait pas tellement et qui au fond se réjouissait de mon malheur. Jessy était jalouse de ma relation avec Denis et elle ne m'a jamais autant soutenu que John lorsque j'ai appris le décès de mon frère. J'ai appris qu'elle avait déménagé dans le sud et depuis je n'ai eu aucune nouvelle d'elle. Quelques fois, je repense à ce qu'elle a bien pu devenir et d'autre fois je suis reconnaissante d'avoir ouvert les yeux sur ce à quoi ressemblait l'amitié sincère. John est l'ami dont j'ai toujours rêvé.

Je lui offre mon plus beau sourire et sans réfléchir je viens le prendre dans mes bras.

Moi qui étais quelqu'un de renfermé et allergique au contact physique, je suis contente d'avoir surpassé ce rejet et de pouvoir montrer à quel point certaines personnes comptent pour moi.

John se crispe sous mon étreinte, je dois sûrement l'avoir surpris alors je ne reste pas très longtemps et me défais de lui.

J'intercepte un regard étrange comme mélancolique et je me rends compte que c'est le moment pour qu'il se réconcilie avec Paloma.

- Dernière annonce, repris-je. Je nous ai réservé un week-end dans un chalet à quelques heures d'ici la semaine prochaine.

- Quoi ? Nous ? Demande un John surpris.

- Ouais nous deux ! Ça pourrait être sympa de sortir de Washington un peu tu penses pas ? La routine tout ça, ça rend triste alors j'ai pensé que ça nous ferai du bien de s'éloigner.

Mon meilleur ami reste plusieurs minutes silencieux alors que j'attends patiemment sa réponse qui ... ne semble pas vouloir arriver.

- Alors ? Ajouté-je.

John se lève brusquement avant de baisser les yeux vers moi.

- C'est pas une bonne idée.

Quoi ? Il délire ?

Il vient de refuser un week-end tranquille dans un chalet. Bon sang mais qui refuse ce genre de cadeau ? Il ne peut pas refuser ou sinon Paloma va me tuer !

Je me lève à mon tour assez agacée.

- Qui t'as dit que t'avais le choix ? C'est un ordre, John. Tu iras.

- Diviya, je déconne pas putain ! J'ai dit que c'était pas une bonne idée.

Qu'est-ce qui lui prend ? Je comprends pas du tout sa réaction.

- Mais pourquoi ?

Il se met à rire comme si en réalité il se moquait en fait. Je ne comprends pas immédiatement mais John renchérît d'une voix méchante.

- Parce que j'ai aucune envie de passer du temps seul avec toi, c'est tout.

Je me prends une gifle en pleine face. Si c'est sa façon à lui de m'annoncer qu'il ne veut plus être ami avec moi, je trouve ça bien pathétique et très bas.

- T'es sérieux ?

- Très sérieux ! Je veux pas compliquer les choses, on avait dit que c'était une erreur alors ... je pense que c'est mieux qu'on prenne nos distances ok ?

Ça me prends du temps pour comprendre. Visiblement je ne suis pas la fille plus intelligente du monde quand il s'agit de discuter relation. Mais quand je parviens à lier toutes les bribes d'informations dont je dispose, toutes ces réactions à mon encontre depuis ce malencontreux accident— et par accident je veux dire un baiser qui ne voulait absolument rien dire, je me lève du banc.

Pour moi, il n'a jamais été question de quelque chose d'autre que d'amitié avec John et je pensais que c'était réciproque puisque nous sommes vite passé à autre chose. Apparemment, ce n'est pas le cas de John et je commence vraiment à m'en vouloir.

J'espère seulement que ce n'est pas aussi grave que je le pense.

Le regard de mon meilleur ami semble abattu, c'est comme s'il avait perdu cette étincelle de folie qui le rendais si unique à mes yeux.

Je dois mettre les choses au clair avant que cette situation ne dégénère encore plus.

- John ?

- Hmm ?

- Est-ce que tu ... enfin je veux dire, est-ce que tu ressens quelque chose d'autre que de l'amitié entre nous ? J'ai peut être fait quelque chose de mal qui ...

John me coupe en s'approchant de moi, il vient délicatement capturer mon visage entre ces deux mains et je n'ose plus bouger.

- Diviya, tu ...

Ses yeux se baladent sur tout mon visage alors que mon coeur commence à accélérer. J'ai peur de sa réponse, j'ai peur qu'il m'avoue qu'il ressent vraiment quelque chose alors que moi, je ne le ressens pas. Je ne veux pas le blesser car je l'aime ... mais comme un ami.

- Tu ... ?

Il semble soudainement se reprendre et détache ces mains de mon visage. Il éclaircit sa voix avant de m'annoncer.

- Tu es comme une sœur, on est simplement ami t'en fais pas.

Alors que je m'apprête à lui demander si il viendra la semaine prochaine, il se retourne et me laisse debout sans m'adresser un au revoir.

Hffmbx

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