7.

Je sors de ma rêverie et me concentre sur la conversation. Il faut que je traite Andrews comme n'importe quel client lambda. Qu'importe le passé, seul le présent compte désormais.

Nous avons grandi, mûri et le destin nous a forgés, façonnés de telle sorte que les personnes que nous étions hier ont disparu pour laisser place à celles que nous sommes aujourd'hui. Je me sens l'âme poète aujourd'hui, sans doute des réminiscences d'Angelo.

– Bien, dans ce cas, il me faudrait déjà la date. Quand Livia souhaite-t-elle se marier ?

– Le plus tôt possible, à ce que j'en sais.

– C'est-à-dire ?

– Dans deux mois maximum.

– Bien, deux mois c'est court. Il va falloir faire très vite. Tu te rends compte que le budget va considérablement s'alourdir ?

– L'argent n'est pas un problème. Ne lésine pas sur la dépense.

Évidemment, chez les Feltons, l'argent n'a jamais été un problème, suis-je bête...

– Sais-tu quel style de mariage elle souhaite ? Petit comité ou grande soirée ?

– Ce sera en petit comité. Livia préfère la discrétion.

Pendant une bonne demi-heure, je continue de lui poser les questions d'usage.

J'apprends donc qu'elle souhaite organiser une cérémonie en plein air, dans le jardin familial. Le vin d'honneur aura lieu sur place tandis que la réception même aura lieu chez les mariés.

Livia a prévu d'inviter une cinquantaine de personnes pour le vin d'honneur et seuls resteront les proches pour la réception à savoir ses parents, son frère - qui sera son témoin, ses beaux-parents avec leurs conjoints respectifs et enfin les frère et sœur du marié avec leurs enfants, soit au final une vingtaine de personnes.

Nous finissons par convenir d'un rendez-vous dans trois jours afin que je puisse rencontrer Livia et son fiancé.

– Au fait, lance Andrews alors que nous sommes sur le point de raccrocher, je vais te laisser mon numéro personnel afin que tu puisses me joindre directement. Tu as de quoi noter ?

Je suis surprise même si je ne devrais pas l'être. Il a raison, ce sera d'autant plus simple si j'ai des questions ou autre, plutôt que de devoir à chaque fois passer par sa ribambelle de secrétaires.

– Oui, je t'écoute.

Lorsque je raccroche, je me sens exténuée alors que la journée ne fait que commencer.

Cette conversation a fait remonter une foule de souvenirs à la surface. Des souvenirs que j'avais enfouis – enfin que je pensais avoir enfouis visiblement.

Je décide de passer à autre chose et me replonge dans la cérémonie des Hamilton. Dans un mois aura lieu le grand jour.

***

Cet après-midi a eu lieu la première répétition de la cérémonie avec les témoins et les demoiselles d'honneur – qui sont les petits-enfants du couple. Ils sont terriblement mignons. Tout s'est bien déroulé, les mariés et leur entourage étaient ravis et par extension, moi aussi. La journée est passée finalement à une vitesse d'enfer.

Demain, nous allons faire les derniers essayages pour la mariée. Il faut que nous allions aussi choisir son bouquet et les décorations chez Holly, notre fleuriste.

Nous avons rendez-vous avec Hank en fin de journée pour écrire le déroulement de la journée heure par heure.

Cette journée aura, au moins, eu le mérite d'être productive et de m'empêcher de penser.

La sonnerie de ma boîte mail me tire de mon agenda, surchargé.

Ethan : Coucou Meghan. Désolé pour cette longue absence. J'ai été pris par mon déménagement et je t'avoue que je n'ai pas eu une minute à moi. Je me pose enfin et je pensais à toi. La dernière fois, nous n'avons pas reparlé de ce rendez-vous. Je viens de découvrir un nouvel italien pas loin de chez moi. Ça te tenterait? J'espère que tu répondras oui. E.

Ethan ! Je suis étonnée après ce long silence. J'avoue qu'il a une excuse en béton. Et je ne suis pas la mieux placée pour juger car je n'ai pas non plus fait l'effort de lui envoyer un petit message. Mais je dois admettre que je suis flattée qu'il ait pensé à moi mais aussi qu'il ne lâche pas l'affaire quant à ce rendez-vous. De plus, le fait qu'il pense à moi me touche beaucoup.

Meghan : Bonsoir Maître, j'espère que vous vous remettez de votre déménagement. N'auriez-vous pas envie de vous reposer plutôt que de sortir ?

J'essaie d'être le plus légère possible. Je ne voudrais pas qu'il pense que je lui en veuille. Je trépigne d'impatience en attendant sa réponse... qui ne se fait pas attendre. Ping ! Je bondis sur ma souris pour ouvrir le message.

Ethan : Salut ! Je suis content que tu me répondes ! Je t'avoue que je me demandais si tu ne m'avais pas oublié. Et non, pas envie de me reposer. J'ai envie de fêter mon emménagement en bonne compagnie.

Moi aussi, je suis contente d'avoir de tes nouvelles Ethan. J'ai beaucoup aimé notre conversation de la dernière fois – mais chut, je ne te le dirais pas. Même si toi, tu viens. Involontairement de me révéler que tu me trouves de bonne compagnie. C'est intéressant et très bon pour mon égo.

Meghan : Désolée, je ne t'ai pas oublié. Tu as été pris par ton déménagement et moi par mon travail.

J'omets volontairement de répondre à la seconde partie de son message, ne sachant pas vraiment quoi dire...

Ethan : On est quittes alors !

Meghan : Je crois oui.

Ethan : Alors ce resto ?

Décidément, il y tient à ce rendez-vous. Et puis, après tout, je n'ai rien à perdre et j'ai terriblement envie de le rencontrer.

Meghan : Pourquoi pas? Où et quand ?

Ethan est décidément surprenant. Il me donne rendez-vous à 20h dans Little Italy. Au Sapori d'Italia. Si j'en crois Tripadvisor, c'est le restaurant n°1 du quartier ! Les commentaires sont élogieux d'ailleurs.

Je suis excitée comme une puce. Le temps va me paraître bien long.

***

Le restaurant est, d'extérieur, sans prétention.

Un auvent jaune côtoie un autre plus petit et bleu au nom de l'enseigne qui surplombent une petite terrasse où se mêlent tables et chaises. L'intérieur est tout aussi simple : la salle donne sur un bar où s'alignent le long du mur une multitude de bouteilles de vin – Chianti, Primotivo et autres Pinot, Chardonnay, Sauvignon – mais aussi des sachets de pâtes et autres aliments typiquement italiens.

J'ai dit à Ethan que je porterai une veste rouge pour qu'il puisse me reconnaître. Lui doit porter une cravate rouge car il n'avait rien d'autre de distinctif.

Je scrute les visages attablés mais tous sont accompagnés. Seul un homme attend et lorsque je m'approche, une jeune femme arrive et s'installe en face. De toute façon, il n'a pas de cravate donc ce n'est pas lui.

– Tu es plus grande que dans mon imagination, m'interpelle une voix.

Je me retourne et fais face à un beau brun. Cheveux ondulés, yeux noisettes, barbe de trois jours, sourire charmeur, Ethan porte une tenue décontractée. Veste bleue marine en stretch ouverte sur un t-shirt en coton blanc tout simple et un pantalon chino caramel, le tout complété par une paire de baskets blanches.

Heureusement, je suis aussi décontractée que lui. Mon jeans bleu marine me fait un beau fessier et mon t-shirt blanc s'accorde au sien. Je ne me suis permise qu'une fantaisie en mettant une paire d'escarpins à talons hauts rouge.

Je continue de détailler Ethan et je n'ai rien à redire sur son apparence. Seule la cravate rouge fait tâche. Sans prêter attention à ce que je fais, je la lui retire.

– Tu es mieux sans, m'excusé-je.

– Je pense aussi.

Il ne semble pas gêner par mon geste et ne bouge pas. Nous restons ainsi, très proches – trop peut-être – l'un de l'autre à nous regarder. Je me sens rougir et ris, embarrassée avant de faire un pas en arrière, histoire de mettre un peu de distance entre nous.

– On s'installe dehors ? me propose-t-il, en me montrant la terrasse.

Il fait effectivement très doux et autant en profiter.

La conversation roule durant tout le repas : nous parlons de tout et de rien. De politique, de cinéma, de littérature, de musique, de sport... Autant de sujets divers. Nous sommes régulièrement sur la même longueur d'onde, ayant beaucoup de goûts en commun. Et lorsque nous ne sommes pas d'accord, nous nous promettons de nous faire découvrir d'une autre manière ce que nous aimons. De faire partager notre point de vue à l'autre.

J'ai l'impression de connaître Ethan depuis toujours. C'est un réel plaisir.

– Parle-moi de toi, me lance-t-il à brûle-pourpoint.

– Eh bien, euh... Que veux-tu savoir ?

– La vraie Meghan. Qui est-elle vraiment ?

– Moi ? réponds-je en fronçant les sourcils.

– Oui, toi ! Tu te caches derrière une façade. Depuis tout à l'heure, nous avons parlé de tout sauf de toi. Je t'ai parlé de ma sœur, de mes parents, de mon travail, de ce que j'aime mais tu as toujours esquivé mes questions te concernant.

Je le regarde, consternée. Eh oui, ma vieille, tu croyais le rouler dans la farine pendant longtemps. Il est avocat et il sait manier la langue mieux que toi. L'interrogatoire va bientôt commencer... 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top