5.

Je ne sais que faire de mes profils suivants. Dois-je les contacter ? Mon enquête est déjà faite, évidemment. Il serait donc une perte de temps de ne pas profiter de l'occasion.

Ce premier rendez-vous est peut-être un échec mais je préfère garder le côté positif car j'ai appris deux leçons.

La première : Il ne faut pas en dire trop et le laisser parler de lui – les hommes aiment s'écouter déblatérer. Et la seconde est que je ne sortirais plus jamais – au grand jamais – mes fiches même si je les compulserais avant, histoire de savoir lorsque l'un de mes prétendants enjolive sa vie.

Je ne me laisse donc pas abattre par cet échec et reprends mes fiches pour relire ce que j'ai trouvé sur le candidat suivant.

Sujet n°2 : Angelo Costello.

Origine : italienne.

Âge : 31 ans

Aime : sortir entre amis, en famille ; la photographie ; les vieilles voitures.

Ce petit topo ne vient que des informations de son profil. En grappillant sur internet, j'ai réussi à trouver d'autres informations :

Métier : mécanicien automobile – ce qui explique probablement sa passion pour les vieilles voitures ou l'inverse peut-être. Cependant, il a été ingénieur avant d'ouvrir son propre garage ; il s'agit donc d'une reconversion professionnelle. Ce qui est plutôt intéressant je dois dire. Cet homme n'a pas peur de prendre de risques ni de se salir les mains. Il gagnait rondement sa vie, toutefois il a fait passer la passion avant l'argent. Voilà deux éléments qui lui font gagner quelques points supplémentaires.

J'ai trouvé également quelques photographies. Plusieurs d'entre elles le montre avec un magnifique chien – en cherchant j'ai découvert qu'il s'agit d'un Bouvier Bernois. J'avoue qu'il est très beau mais surtout très gros et très poilu. J'espère que ce chien est celui de sa mère ou d'un membre de sa famille et pas le sien. Je ne les déteste pas mais ce ne sont pas mes meilleurs amis alors si je peux éviter de les côtoyer, j'apprécierai d'autant mieux. Cela montre tout de même qu'il est un ami des animaux, ce que je trouve adorable. Un point supplémentaire pour lui.

Son profil Facebook indique 676 amis : soit il a vraiment beaucoup d'amis, soit...

Il s'entendrait probablement très bien avec Courtney qui a autant de contacts si ce n'est plus que lui. Je ne sais qu'en penser ; je trouve que ce nombre est assez conséquent. Personnellement, je dois en avoir moins d'une centaine, et la plupart sont des membres de ma famille. Malgré tout, il a noté qu'il aime sortir avec des amis, ceci pouvant expliquer cela.

Je n'ai pas trouvé autant d'informations que je l'aurai espéré mais je m'en contente. Celles que j'ai déjà sont plutôt satisfaisantes je dois dire.

Il ne me reste maintenant qu'à contacter ce bel italien via la messagerie du site de rencontres.

Meghan : Bonjour Angelo. J'ai regardé ton profil et noté que nous avions de nombreux points communs...

Non, non et non ! Je ne peux tout de même pas lui envoyer un message aussi insipide. Recommençons.

Meghan : Bonjour Angelo ! Malgré ton profil succinct, j'aimerai apprendre à mieux te connaître. J'ai constaté que tu aimes la photographie tout comme moi et je pense qu'un point commun peut être le début d'une amitié voire d'une belle histoire. Qu'en penses-tu ?

Voilà qui est déjà mieux. Je n'en suis pas tout à fait satisfaite mais je n'ai pas mieux en réserve pour le moment. J'espère qu'il ne sera pas trop exigeant et s'en contentera. Je clique sur l'icône « Envoyer » et décide d'attendre. Vu l'heure – nous sommes en plein milieu de l'après-midi, je ne pense pas qu'il me répondra immédiatement mais il est toujours possible d'espérer.

Finalement, je décide de m'activer pour préparer mon prochain rendez-vous, professionnel cette fois-ci.

Je dois rencontrer un couple d'une cinquantaine d'années qui veut organiser une fête grandiose pour leur trente-ans de mariage. Ils veulent renouveler leurs vœux et réorganiser exactement la même cérémonie que la première. Je dois étudier les photographies qu'ils m'ont fait parvenir pour que tout soit parfait. Heureusement, Saddy – la future mariée – a conservé sa robe, il ne faudra que l'ajuster mais Hank devra se racheter un costume. Ils ont aussi gardé les invitations de l'époque qu'il faudra que je fasse refaire. Bref autant de détails qu'il ne faut pas négliger.

Une petite sonnerie me fait lever la tête alors que je compose le menu à partir des directives imposées par le couple. En regardant mon écran, je constate que j'ai reçu un mail depuis le site.

Je ne veux pas céder à la curiosité, du travail m'attend et je ne peux pas me permettre d'être en retard. Mais après quelques secondes d'une lutte acharnée contre moi-même, je cède et ouvre mon courriel.

Angelo : Chère Meghan, doux nom aux courbes sensuelles et conquérantes.

Il s'est pris pour un poète ? Ou il a fumé une substance illicite ?

Angelo : Je suis heureux que tu m'aies choisi parmi tant d'autres. Si la photographie est notre point commun, je pense que ta beauté sera mon talon d'Achille et que jamais je ne cesserai de vouloir te capturer. Avec mon appareil ou... à toi de voir, ma douce.

Je rêve ou il me fait une proposition salace ?

Angelo : Je vois que tu es curieuse, je pense l'être tout autant que toi. Et je peux te laisser me découvrir comme tu l'entends, lorsque nous nous rencontrerons. Je te donne rendez-vous demain à 19h au Paris Bistrot sur Madison Avenue. J'espère t'y retrouver...

Seconde proposition salace et un rendez-vous. Aussi rapidement ?

Ce mail me laisse perplexe. Je ne sais qu'en penser, surtout vu la tournure de ses phrases qui sont vraiment ambigües et la rapidité avec laquelle il veut me rencontrer. Cependant... Je sais que je n'ai pas de temps à perdre. Le temps passe vite et trois mois, c'est plutôt court pour trouver le prince charmant...

D'ailleurs, il faut que j'en parle aux filles ! Ce délai de trois mois, c'est du n'importe quoi ! Le mariage est une institution sacrée et je ne vais pas épouser le premier venu pour rester un serment totalement ridicule que nous avons fait sous l'emprise de l'alcool ! Je sais que j'ai toujours dit vouloir me marier avant mon trentième anniversaire mais la vie en a décidé autrement. Je me marierai peut-être juste après mes trente ans. Finalement, ce n'est pas un drame en soi.

Vite, je me remets au travail et peaufine les derniers préparatifs. Le traiteur est ravi de cette nouvelle commande et me propose même un rabais, il cherche probablement à me fidéliser.

Je passe chez l'imprimeur pour lui apporter l'invitation originale ainsi que la liste des invités. Les écritures ne changeant pas, je n'ai pas besoin de m'attarder avec lui, tout comme il est inutile de négocier puisqu'il connaît bien Courtney.

Une fois cette deuxième tâche accomplie, je m'attelle à la salle de réception. La précédente où a eu lieu le mariage a été détruite, il me faut donc trouver un nouveau lieu. J'en ai déjà repéré quelques-uns qu'il me faudra soumettre au couple et ensemble nous irons les visiter avant qu'ils ne fassent leur choix définitif.

Sur le chemin du retour, je repense à mon prétendant – Angelo – et à Ethan dont je n'ai pas de nouvelles depuis notre première conversation au cours de laquelle j'ai finalement refusé de le rencontrer dans l'immédiat.

Je conçois tout de même d'accepter le rendez-vous d'Angelo – je n'ai rien à perdre de toute façon, à part un peu de temps... – et note de lui répondre, mais aussi d'envoyer un message à Ethan avec qui le courant passait vraiment bien. J'espère ne pas avoir raté ma chance.

***

Je dois rejoindre les Hamilton au Mandarin Oriental qui offre une vue extraordinaire et panoramique sur Central Park et l'Hudson River. Un endroit très romantique avec son éclairage composé de lanternes lumineuses et de bougies flottantes. Quelques arrangements floraux composés d'orchidées principalement apportent une touche glamour et contemporaine à l'ensemble.

Si toutefois cette salle ne leur convenait pas, le Peninsula avec son cadre chic et luxueux, pourrait s'imposer comme le cadre parfait pour un mariage mémorable. Son espace de réception situé sur le toit permet également d'avoir une vue spectaculaire sur Central Park. Des petits lampions ont été disposés tout autour de la rembarre, ainsi que de multiples vases remplis de fleurs champêtre, contrastant avec l'arrière-plan. Des tables rectangulaires sont disposés

Mon dernier choix s'est porté sur le Sofitel, qui propose une ambiance très française qui est absolument romantique. Son architecture mêle le verre et la pierre, le contemporain et l'ancien, ce qui serait un bon compromis pour rappeler le remariage et le premier mariage du couple. Des touches de lumière provenant d'appliques murales et de spots au plafond apportent un côté intime malgré la taille démesurée de la salle. Une fresque murale tout aussi disproportionnée orne l'un des murs : elle représente le Sofitel vu de Central Park, une skyline de building se perdant dans la verdure des arbres et des fleurs. Un grand rideau vert émeraude vient cacher une scène où pourront se produire un orchestre par exemple.

J'espère que Saddy et Hank trouveront leur bonheur.

Ainsi la journée commence tel un marathon.

Nous sommes accueillis par le responsable du Mandarin Oriental qui nous vante les mérites à choisir son hôtel plutôt qu'un autre.

Saddy et Hank sont impressionnés par ce qu'ils découvrent. Saddy est enchantée par l'éclairage et les arrangements mis en place. Hank semble plus intéressé par la vue et la taille de la salle, qui leur permettrait de réunir leur grande famille et leurs amis. Il n'en oublie cependant pas le prix d'une telle prestation.

Nous remercions le responsable de nous avoir reçus, ne lui donnant pas de réponse définitive immédiatement, préférant voir d'autres salles auaparavant.

Nous filons donc au Peninsula. Malgré tous les critères réunis, Saddy refuse d'emblée cette proposition. Elle a peur de conditions climatiques qui pourraient gâcher la fête ; de plus, tout ce luxe est trop tape-à-l'œil pour eux. Ce n'est plus de leur âge et cela ne leur ressemble absolument pas.

Le Sofitel remporte l'approbation de Hank, qui comme moi, trouve que le mélange du contemporain et de l'ancien sont dans le thème mais Saddy préfère réfléchir encore. Je les laisse donc avec toutes les brochures qu'ils ont emportées et m'éclipse pour aller rencontrer les fleuristes et les pâtissiers. Je préfère établir plusieurs devis avant de proposer quoi que ce soit à mes clients. D'autant que pour le moment, tout est déjà choisi, il ne reste plus qu'à reproduire.

Quand dix-huit heures sonnent, je ne sens plus mes jambes et mon oreille est rouge à force d'être collée à mon smartphone. Je me dépêche de rentrer à la maison, il faut à tout prix que je prenne une douche et que je me change avant de retrouver Angelo.

À l'heure dite, je suis au Paris Bistrot. Comme son nom l'indique, l'ambiance est « à la française » avec sa musique, ses chandeliers et son intérieur très romantique. Un banc typiquement parisien a même été disposé devant l'enseigne et l'extérieur en bois donne l'impression d'être à Paris. À l'entrée se trouve un bar avec en face des tables où se côtoient chaises et banquettes en cuir surmontées d'un miroir immense. Une seconde salle se situe à l'étage et donne directement sur le rez-de-chaussée mais je préfère rester en bas. Le menu est écrit en partie en français, ce qui est plutôt amusant.

J'adore cette ambiance cosy.

L'hôtesse qui m'accueille est tout à fait charmante et me conduit à Angelo qui m'attend au bar.

Il me salue à peine et ne propose même pas de m'asseoir. Il a peut-être oublié ses bonnes manières chez lui...

Il finit tout de même par engager la conversation et là... c'est le drame ! Si j'ai été, d'après Bryan, flippante lors de mon premier rencard, ce n'est pas moi qui gâcherait le second car cette fois, c'est Angelo qui est carrément « surprenant », je dirais.

Pour faire court, j'ai eu le droit à un récit détaillé de la vie de Monsieur, des passions de Monsieur et de son coup de foudre pour moi. Je l'écoute à peine, me contentant tout de même d'hocher la tête et d'émettre quelques « hum » ou des « ah oui ? » de temps en temps pour lui montrer tout l'intérêt que je lui porte. Les rares fois où je réussis à en placer une – et je peux le certifier, c'est un exploit en soi – il est invariablement revenu sur son sujet favori à savoir : lui !

Il ne s'est même pas aperçu que je ne fais plus du tout attention à son monologue et que j'enchaîne les verres de vin les uns après les autres. Il poursuit son soliloque sans discontinuer.

– Angelo, ce n'est pas possible, finis-je par l'interrompre, au bout du rouleau.

– Pardon ? s'étonne-t-il, apparemment pris au dépourvu.

– Est-ce qu'un seul de tes rencards t'a recontacté après ce genre d'étalage ? dis-je, dépitée. Parce que franchement, il y a de quoi faire fuir n'importe quelle fille même la plus désespérée. Et j'avoue que je le suis, mais pas à ce point. Je pense que nous allons en rester là, pour notre bien à tous les deux... et surtout le mien à vrai dire.

Je suis épuisée. J'ai l'impression qu'il a aspiré chaque cellule de mon être tellement je me sens vidée de toute énergie.

– Mais je ne...

– Tu es très gentil, je ne peux pas dire le contraire mais..., continué-je, essayant de rester gentille même si ma patience arrive à saturation.

- Mais, m'interrompt-il, j'en sais si peu sur toi... Comment peux-tu...

C'est la goutte d'eau en trop ! Je ne l'écoute même pas ! Il réussit à déplorer d'en savoir si peu sur moi ! Il a un sacré toupet celui-là ! Si je n'étais pas aussi surprise, j'en aurais ri – j'en rirais probablement demain avec les filles.

– Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, rétorqué-je lorsqu'il me propose de nous revoir et de tout reprendre depuis le début. Comme le dit l'adage, « la première impression est souvent la bonne » et mon impression nous concernant est déjà forgée et ne risque malheureusement pas de changer, conclus-je plus rudement que je ne l'aurais souhaité.

– Très bien, s'emporte-t-il, visiblement vexé. Restons-en là. De toute façon, tu ne me plais pas vraiment et ma mère ne t'aurait pas appréciée. Comme je suis bien élevé, je t'épargne l'addition.

Je reste interloquée face à sa mauvaise foi flagrante. Les hommes et leur ego...

Mais effectivement, il paie l'addition – salée tout de même vu tout le vin que j'ai ingurgité – et sans un regard en arrière, s'en va.

Je soupire, déçue par ce second échec. Je me console en me disant qu'il me reste encore trois hommes parmi ceux que j'ai sélectionné. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top