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J'ai dû finalement m'endormir dans la voiture d'Andrews car lorsque je me réveille, je ne suis pas dans mon lit.

Je soulève la couette et constate que je suis en sous-vêtements. J'observe la pièce qui m'entoure. Le peu de murs présents est entièrement blanc ; le reste des cloisons se compose d'immenses baies vitrées qui donnent une vue d'ensemble sur les building new-yorkais. Comme dans le reste de l'appartement, il n'y a quasiment aucune décoration : quelques bibelots ici et là mais rien d'extravagant, montrant les goûts du propriétaire. Au pied de l'immense lit, une causeuse en cuir crème repose sur un épais tapis à poils longs, dans les mêmes teintes. J'y aperçois une tenue : jeans, chemisier, sous-vêtements et paire de bottines.

Je me secoue et me dirige vers la porte au fond de la chambre, légèrement entrebâillée, laissant deviner la salle de bains. Le style change quelque peu : le blanc des murs, vasque et toilettes côtoie ici les mosaïques noires du sol et de la douche à l'italienne – qui est elle aussi gigantesque. Je me faufile dessous et laisse l'eau chaude coulée sur mon corps. Après m'être savonnée et shampooinée, je me rince, me sèche et enfile la tenue, gentiment prêtée par Andrews et qui me va à merveille – comme par hasard.

En sortant de la chambre, j'attrape mon smartphone qui trône sur la table de nuit et que je n'ai bizarrement pas pensé à consulter depuis mon réveil et qui semble bien silencieux aujourd'hui. Il est à peine neuf heures du matin.

Je me laisse guider par le fumée du petit-déjeuner pour trouver la cuisine où officie Marge.

– Bonjour Mademoiselle Taylor, me salue-t-elle. Monsieur Felton ne m'a pas dit ce que vous mangiez habituellement alors je vous ai préparé de tout, me dit-elle en me désignant la table où diverses cloches attendent d'être soulevées pour dévoiler leurs secrets.

– Vous en avez préparé pour un régiment, non ? demandé-je, dubitative.

– Ne vous inquiétez pas. Ce que vous ne toucherez pas sera directement envoyer à des centres que financent Monsieur Felton pour les personnes les plus pauvres et les sans-abris.

Une nouvelle facette d'Andrews que je ne connaissais pas. Je savais qu'il était altruiste et lorsque nous étions ensemble, il faisait toujours en sorte d'aider les plus démunis, mais de là à aider des centres. Enfin, venant de lui, plus rien ne devrait m'étonner.

Je savoure donc de délicieux pancakes nappés de sauce au caramel, accompagné de fruits et d'un jus d'oranges fraichement pressées. Marge me sert une tasse de café, que j'apprécie. Il ne s'agit pas d'un café insipide tout droit sorti d'une machine, mais bien d'un café moulu et fait à l'aide d'une cafetière à piston. Bref, un régal.

Lorsque je sors de la table, mon ventre est gonflé d'avoir trop mangé mais il en reste encore pour au moins une dizaine de personnes. Cependant, je ne culpabilise pas puisque rien ne sera gâché.

– Dites-moi Marge, Andrews n'est pas levé ?

– Depuis longtemps, Mademoiselle Taylor. Il vous attend dans son bureau.

– Qui se trouve ?

– Troisième porte après votre chambre.

Je la remercie et la laisse à ses occupations pendant que je rejoins mon hôte.

Lorsque j'arrive près de la porte, la voix d'Andrews se fait entendre. Il semble en pleine conversation téléphonique avec son père. Je ne sais pas quoi faire : attendre au risque de surprendre des informations ne me concernant pas ou toquer et probablement le déranger. Finalement, la tentation d'écouter à la porte est trop forte et je reste silencieuse, attendant la suite.

– Il fallait sans douter, papa. Tu pensais vraiment qu'ils seraient restés bien gentiment à nous attendre ?

Il parle probablement des Wright. Ils ont dû prendre la poudre d'escampette pendant que nous épongions les larmes de Livia.

– ...

– Je n'en doute pas mais... Bien sûr, papa. Je comprends tout à fait qu'elle veuille des explications mais que peut-on ajouter de plus ? Ce type est un salaud. Il s'attendait à mettre la main sur sa fortune, Livia n'avait aucune importance pour lui ! Il faudrait qu'elle...

– ...

– Bien. Meghan attend que je la fasse entrer. Nous arriverons d'ici quelques minutes.

Je sens le rouge me monter aux joues. Depuis le début – enfin presque, il savait que j'espionnais derrière la porte. La honte !

Je prends une profonde inspiration et pousse le battant, révélant le bureau d'Andrews, dont le sourire goguenard savoure ma déconfiture.

– Désolée, je ne voulais pas...

– Tu ne voulais pas écouter ? Vraiment ? m'interrompt-il, malicieusement. Tu es une bien piètre menteuse Meggie.

– Ce n'est pas ce que tu disais il y a quelques années, lancé-je sur la défensive.

Le sourire facétieux de mon interlocuteur s'estompe brusquement et je regrette cette répartie idiote, qui m'a échappée sans que j'y réfléchisse.

– Tu as raison. J'ai eu tort à l'époque et je m'en excuse.

– Enfin, là n'était pas le propos et...

– Finalement, je pense que le moment est plutôt bien choisi au contraire. Il est temps de mettre carte sur table entre nous, Meg. Après la débâcle d'hier, nous devrions avoir pris conscience que l'honnêteté prime sur tout.

– Comment va Livia ? m'enquis-je, voulant éviter le sujet que m'impose Andrews.

– Mal comme tu peux t'en douter, me répond-il. Et la gueule de bois n'aide pas.

– Je devrais retourner chez tes parents. Les prestataires vont bientôt arriver pour...

– J'ai chargé Phil de tout gérer, m'interrompt à nouveau Andrews.

– Mais c'est mon travail ! m'écrié-je, outrée.

Le regard que me lance alors mon interlocuteur me cloue le bec. Visiblement, mon job attendra.

– Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, reprend-il, comme je te l'ai dit il y a quelques semaines, j'ai été questionné Matthew.

– Je m'en souviens, fis-je d'une toute petite voix.

– Tu n'es pas curieuse de savoir ce qu'il avait à me raconter ?

– La vérité, je suppose. Qu'il était attiré par les hommes, qu'il venait de l'avouer à ses parents, que son père est entré dans une fureur noire, qu'il l'a mis dehors et qu'il a trouvé refuge chez moi. Que nous avons parlé durant des heures, de lui, de toi, de nous et que nous nous sommes endormis, ensemble. C'est bien cela ? Enfin, en gros, ajouté-je.

– En gros, oui mais il y a des éléments dont tu n'es visiblement pas au courant.

– Lesquels ? m'enquis-je.

– Tu n'as pas trouvé étrange qu'après notre rupture, tu n'aies plus eu de nouvelles de Matthew, justement ? me demande Andrews, me prenant au dépourvu.

– Eh bien... Je n'y ai pas réfléchi, je dois dire... Je suppose, continué-je, hésitante, qu'il se sentait coupable pour nous, qu'il avait honte et qu'il ne voulait pas t'avouer son homosexualité.

– Coupable, il l'était ! Tu as raison sur ce point mais pour le reste, tu te trompes sur toute la ligne.

– Alors, de quoi se sentait-il fautif ?

– Tu ne l'as jamais revu depuis toutes ses années ? m'interroge-t-il sans me répondre.

– Non ! Comme tu le sais, après ton départ, j'ai refait ma vie. Je me suis mise en colocation avec Courtney et Amanda. Elles m'ont aidée à surmonter ce qui m'arrivait, nous sommes vite devenues inséparables et... voilà ! J'avais décidé de tirer un trait sur ce passé qui m'avait bien trop fait souffrir, ma mère a même donné sa démission à la tienne peu de temps après – d'ailleurs, je n'ai jamais bien compris pourquoi car ce qui s'était passé entre nous n'aurait jamais dû impacter sur...

– Car elle savait la vérité ! me coupe Andrews.

– Mais quelle vérité à la fin ? m'emporté-je, me levant brusquement de mon fauteuil. Quelle vérité Andrews ? dis-je plus calmement en posant à plat mes deux mains sur son bureau et en me penchant vers lui.

– Matthew n'est pas plus homosexuel que toi ou moi, Meghan !

– Mais... mais si, bégayé-je. Il me l'a avoué. Il a même dit qu'il le savait depuis longtemps, qu'il était même amoureux de toi.

– Ce n'était que du vent, m'assena Andrews. Il avait été payé pour te débiter sa petite tirade.

– Payer ? Enfin, je ne comprends pas. Pourquoi m'aurait-il menti ? Et qui l'aurait rétribué pour faire cela ? le questionné-je, désorientée.

– Tu ne connais pas une personne qui ne t'a jamais vraiment portée dans son cœur ? me demande doucement mon premier amour.

Je refuse d'y croire. Je ne peux pas ! Comment... Pourquoi aurait-elle fait cela ?

Mais je ne dois pas me voiler la face. Je savais et je sais qu'elle en est capable. Elle me détestait à l'époque et à la lueur des derniers événements, elle ne me porte pas plus dans son cœur aujourd'hui. Rémunérer une personne – même proche, et justement trop proche – pour nous briser était une idée brillante et qui, en prime, avait fonctionné.

Lorsque je regarde de nouveau Andrews dans les yeux, il sait que j'ai compris.

– Elle me déteste à ce point-là ?

– Ma mère ne te déteste pas. Elle pensait que tu en avais après notre fortune. Elle m'a expliqué avoir essayé de me protéger car selon elle, j'avais des œillères, tu n'étais pas faite pour moi et tu m'embobinais sans que je m'en rende compte.

– Je me fichais de...

– Je le sais très bien, je l'ai toujours su d'ailleurs !

– Mais Matthew ? Pourquoi lui ? Pourquoi a-t-il accepté ?

– Pour entrer à l'université, il avait contracté un prêt étudiant conséquent. L'argent que ma mère lui a versé l'a grandement aidé à le rembourser.

– Alors, tout n'était qu'une question d'argent, n'est-ce pas ? Et ma propre mère était au courant ? craché-je, soudainement furieuse contre Linda, contre Matthew mais aussi contre Andrews et ma mère.

– Ta mère l'a compris mais je ne sais pas comment. Tu sais, elle ne pensait qu'à te protéger.

– Nos parents feraient mieux de se mêler de leur vie. Ils pensent nous aider mais ils font pire que mieux !

– Ne lui en veux pas... tente de me calmer Andrews, qui ne fait finalement qu'exacerber ma colère.

– Ne pas lui en vouloir ? m'emporté-je. Comment pourrais-je ne pas lui en vouloir alors que pendant tout ce temps, elle savait. Qu'elle aurait pu me dire que rien n'était de ma faute. Que je n'avais rien fait de mal. Qu'une sale égoïste s'était chargée du sale boulot avec la complicité d'un...

– Tu parles de ma mère, me prévient doucereusement Andrews.

Mais je n'en ai pas fini ! Il faut que ma colère sorte, que je vide ce que j'ai à dire. Il voulait mettre carte sur table et bien, je vais le faire.

– Parlons-en de ta mère, justement ! Linda Felton, la perfection incarnée ! C'est une vipère de la pire espèce. Tu as cru une seconde à ce qu'elle t'a raconté ? Elle ne sait que disséminer son venin pour mieux vous contrôler !

– Meghan , tente une nouvelle fois mon interlocuteur.

– Ta mère m'a toujours détestée et c'est encore le cas aujourd'hui. Si elle savait que son fils et moi avions eu une aventure, elle s'empresserait de trouver un nouveau bobard pour nous séparer à nouveau !

– Non, je ne le ferais pas, intervient une voix dans mon dos.

Lorsque je me retourne, je me trouve nez-à-nez avec l'objet de ma rage : Linda Felton. 

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