Romain papillonna des yeux avant de se redresser dans le lit. Il bailla longuement avant de se tourner vers Edgar mais son petit ami avait disparu. L'appel du sommeil le fit fermer les yeux un instant mais il se secoua, soudain pris de panique quand il se rappela des évènements de la soirée. Il tendit avec angoissa sa main vers son téléphone et saisit l'appareil. 23h56. Il n'était pas encore minuit, il avait encore le temps.

Le temps pour quoi ? Se dit-il maussadement.

Peu importe ce qu'il ferait, il n'arriverait pas à faire changer Evan d'avis. Qu'est-ce qui allait se passer en bas ? Un frisson de terreur remonta le long de son échine. Tout à l'heure, quand il pleurait dans les bras d'Edgar, il n'avait pas eu le courage de lui en parler. Son petit ami aurait refusé qu'il rejoigne Evan. Il ne comprenait pas les enjeux. Si son père tombait sur cette vidéo, l'Espagnol était mort. Sa main se resserra sur son téléphone. Il allait peut-être tromper Edgar, encore.

L'adolescent n'avait pas envie de sentir les doigts d'Evan sur sa peau où son souffle contre sa nuque. 23h58. Il devait descendre. Il avisera quand il se retrouvera en face du brun. Romain imagina un instant jeter son téléphone au fond de la piscine.

Se levant rapidement, Romain enfila ses vêtements et descendit dans le salon. À peine avait-il posé le pied dans la pièce que la chaleur suffocante lui serra la gorge. Un mélange d'odeur de parfum, de déodorant, de tabac et de sueur lui agressa les narines. La musique lui tapait déjà sur les nerfs, tranchant violemment avec le calme de la chambre.

Tout en slalomant entre les élèves qui dansaient et discutaient, Romain cherchait Edgar. Il secoua Anthony, un grand adolescent légèrement en surpoids et lui demanda des nouvelles d'Edgar mais apparemment personne ne l'avait vu. L'Espagnol voulait s'assurer qu'il allait bien avant de commettre l'irréparable. De l'autre côté de la baie vitrée, la lumière bleu turquoise de la piscine scintillait dans la nuit.

- Edgar ! Fais attention !

Dans un sursaut, Romain se tourna vers l'origine de la voix. Clémence tenait le blondinet par le bras et l'assit de force sur le canapé. L'Espagnol se dépêcha de s'éloigner des adolescents et échangea un court regard avec Maxime qui passa près de lui. Le regard de Romain se posa de nouveau sur la piscine. Il fallait qu'il y aille. Il prit une profonde inspiration et expira, la respiration tremblotante.

Il continua à avancer et aperçut Valentine qui scrutait les danseurs, visiblement à la recherche de quelqu'un. Ne voyant pas William à côté d'elle, Romain se dit qu'il ne devait pas être le seul à avoir dormit à l'étage l'heure précédente. Les basses des hauts parleurs faisaient trembler les verres sur la table et la musique était assourdissante. Romain, après quelques pas de moins en moins assurés, déboucha sur la terrasse.

Inspirant et expirant longuement une fois dehors, il regarda un nuage de condensation se former devant ses lèvres. Romain s'appuya contre le mur de la maison pour calmer sa tête tournoyante. Son regard de perdit sur l'eau de la piscine et son esprit se mit à divaguer.

Il se demanda comment ils avaient pu en arriver là. Edgar et Evan avaient brisé une longue amitié pour ses beaux yeux. Au fond de lui il essayait de se convaincre que tout n'était pas de sa faute mais il n'y parvenait pas. Depuis le début de l'année, ils étaient restés tous les trois ensembles et avaient fait les pires conneries. Aurait-il pu se douter de la tournure que les évènements allaient prendre ? Il n'en était pas certain.

Il se reprochait lui-même des choses. L'Espagnol avait trop hésité avant de choisir entre Edgar et Evan. Les deux meilleurs amis s'étaient déchirés pour le garçon qu'ils aimaient. Romain se sentait coupable. Son esprit dériva vers ses parents mais il chassa très vite cette pensée, la douleur de la claque sur sa joue était restée cuisante. Cette claque, comme tous les regards et les mots, parfois même plus douloureux que des bleus. Romain serra les poings, personne ne verra cette vidéo, il s'en fit la promesse.

Son regard parcourus le morceau de terrasse accessible à sa vue, sans la moindre trace d'Evan. Il se décolla du mur pour se rendre de l'autre côté du mur végétal, rassemblant son courage pour affronter celui qui était devenu son pire ennemi.

Un faible cri de panique et une voix le fit accélérer le pas vers la piscine.

- Ça, c'est pour ce que tu lui as fait enculer.

Un corps inconscient tomba sur le bois de la terrasse, surplombé par deux autres personnes. En une fraction de seconde il reconnut Evan, Élie et Arthur.

Romain resta une seconde abasourdie. Élie tenait une bûche de cheminé et avait violemment frappé Evan, du sang rouge foncé coulant sur son beau visage inconscient. L'Espagnol n'eut même pas le temps de réagir ou de comprendre quoi que ce soit qu'un cri féminin le fit se retourner. Il se trouva nez à nez avec Sarah en pleurs. L'incompréhension gagna le lycéen qui attrapa la jeune femme par les épaules avant de la secouer. Pourquoi étaient-ils la ? Étaient-ils au courant pour la vidéo ? Pourquoi avoir frappé Evan ?

- Sarah ?! Qu'est qu'il se passe ? Evan ! se mit à paniquer Romain.

Il détestait l'adolescent mais ce n'était pas pour autant qu'il fallait s'en prendre à lui de cette manière ! Sarah ne répondit rien, fixant un point dans le dos du garçon.

- Je suis désolé Romain, dit une voix derrière lui.

Le petit ami d'Edgar tourna la tête et, la seule chose qu'il vit avant de perdre conscience, fut la même bûche qui avait servi à assommer Evan. Le corps inconscient de Romain s'écroula lourdement à terre, au milieu du cercle formé par les trois meurtriers.

- On fait quoi maintenant ? demanda Sarah d'une voix blanche, entrecoupée de sanglots.

Élie sortit son téléphone et alluma la caméra. Il eut un regard d'excuse pour Romain avant de déclarer avec sang-froid.

- Maintenant on va faire en sorte qu'il se taise.