40. Rumeurs
Les rumeurs avaient couru le long des couloirs, tel des couleuvres brumeuses, s'étaient insinués sous les portes des salles de classes tant et si bien que bientôt, tout le lycée ne parlait plus que de ces rumeurs, s'échappant des lèvres des colporteurs en minces filets de fumées noirs, s'infiltrant dans les oreilles des autres lycéens attentifs, prêts à se loger dans leur cerveau pour qu'ainsi, ceux-ci aillent également distribuer l'information.
En deux heures, le lycée baignait dans une fumée de rumeurs plus folles les unes que les autres. Cependant les lycéens n'avaient qu'une certitude, une élève était morte et un potentiel tueur se cachait parmi eux. Les enseignants faisant tout leur possible pour calmer les esprits contaminés par la fumée des rumeurs et de la peur mais rien ne faisait effet.
Quand la police et les ambulanciers avaient déplacés le corps dans un sac mortuaire, des couleuvres fumeuses avaient glissées de celui-ci, rampant jusqu'aux curieux assistants avec une curiosité malsaine au transport du corps jusqu'à l'ambulance. Elles s'étaient logées dans leur bouche, amplifiant d'avantage les rumeurs. On chuchotait que quelqu'un l'avait poussé. Pour quelles raisons ? Par amour ? Jalousie ? Haine ? Vengeance ?
Peu importait, seul comptait le fait de trouver la meilleure histoire. La police n'avait même pas encore décrété le meurtre que déjà, l'hypothèse de la chute avait d'elle même été écartée par les élèves, un meurtre faisant bien plus marcher l'imagination qu'une simple dégringolade malheureuse.
La décision fut bientôt prise de renvoyer tous les élèves chez eux.
Le bus recracha les élèves qu'il avait avalés trente minutes plus tôt et Élie posa le pied sur le bitume. Il prit le chemin de chez lui avant de changer brusquement d'avis. Il alla se perdre dans l'air de jeux vide de son lotissement.
Il se laissa glisser contre un arbre et une larme coula sur sa joue. Sarah était morte. Il aurait tout fait pour elle, il avait tout fait pour elle. Il l'avait protégé d'Evan, camoufler le meurtre en faisait taire Romain. Élie ne regrettait rien, il l'aimait tellement. Et maintenant et elle n'était plus là. Plus jamais. Elle l'avait laissé à la récréation et n'était jamais revenu. Pourquoi ne l'avait-il pas accompagné ?
Il aurait pu empêcher sa mort. Sauf que ce n'était pas cette pensée qui primait dans sa tête. Il ne pouvait que se demander qui avait tué Sarah. Il repensa a Romain, revenu en cour juste le jour de la mort de sa petite amie. De plus, il ne l'avait pas vue de la réaction.
Edgar non plus, lui souffla son esprit.
Les deux amoureux pouvaient-ils être responsables de la mort de Sarah ? Cela était plus que probable pour Élie, Romain avait failli mourir à cause d'eux et le garçon effondré connaissait les côtés protecteurs d'Edgar. Qu'allait-il faire maintenant ? Voir la police ?
Il n'avait aucune raison de le faire. S'il accusait Edgar et Romain de la mort de Sarah, ils le condamneraient également pour la vidéo et le meurtre d'Evan. Au final ils plongeraient tous les trois. Maintenant que sa petite amie était morte, Élie ne voyait plus l'utilité de se venger et d'avoir fait tout ce qu'il avait fait. La mort d'Evan était derrière lui a présent et sa raison de tenir aussi.
Arthur lui avait encore Lina. Il avait accepté de tuer Evan pour elle aussi, pour eux deux. Un message fit sonner son téléphone et Élie le regarda sans envie.
Arthur
Je suis vraiment désolé pour toi Élie. Elle va aussi me manquer mais on fait quoi maintenant ?
Élie
Tu veux faire quoi ? Ça ne sert plus à rien
Arthur
Découvrir qui l'a tué
Élie
C'est Edgar
Arthur
Quoi ?! Qu'est-ce qu'il te fait dire ça ?
Élie
C'est logique
Arthur
Ok...
Arthur
Mais du coup tu veux faire quoi ?
Élie
Rien. J'ai envie de plus rien faire
Il mit son portable en veille et ignora les sms d'Arthur. Il n'avait plus aucune raison de se venger, il y avait déjà eu assez de morts et de malheurs dans la classe de la seconde quatre. Il savait qu'il aurait agis de la même manière qu'Edgar pour protéger Romain, c'est ce qu'il avait fait d'ailleurs.
***
Valentine poussa la porte d'entrée de chez elle et monta directement dans sa chambre pour se laisser tomber sur son lit. Elle n'en revenait pas que Sarah soit morte. Elle qui s'énervait avec la professeure d'anglais il y avait à peine quelques heures.
Cependant Valentine n'avait pas besoin de se poser la question de qui était le tueur, elle l'avait déjà deviné. Son teint pâle, son air paniqué, ses cris et supplications ; lui qui venait tout droit de l'escalier où Sarah était morte.
- Qu'est-ce que tu as fait Edgar ?
La question sans réponse flotta quelques minutes au-dessus de son plafond avant de disparaître, remplacée par d'autres questions. L'adolescente ne croyait pas une seule seconde l'hypothèse de la chute malheureuse, elle en savait trop pour croire à cela. Elle supposait qu'Edgar l'avait tué dans un excès de colère. Si les rumeurs étaient vraies, Sarah s'était fracassée la tempe contre la rampe d'escalier. Les élèves racontaient que le sang y était toujours.
Quoi qu'il en soit, cela ne voulait dire qu'une seule chose, Edgar avait lui aussi deviné. Mais comment ? Avait-il lui aussi mené l'enquête ? Ou bien avait-il lui aussi assisté à l'échange entre Arthur et Élie ? Avait-il l'intention de s'en prendre uniquement à Sarah où sa vengeance impliquait-il les deux autres meurtriers ? Où n'était-ce finalement qu'un malheureux accident survenu lors d'un excès de rage ou de tristesse ? Edgar défendait Romain, Valentine protégeait William. Y avait-il une grande différence entre leurs actions ?
***
La salle d'interrogatoire du poste de police avait un aspect froid et indifférent. Clémence regardait les murs gris avec appréhension, se demandant pour quelles raisons elle se trouvait dans cet endroit.
C'était sûrement parce que j'étais la meilleure amie de Sarah, se rassura-t-elle comme elle le pouvait.
Elle mordait ses lèvres pulpeuses avec peur, ses longs cheveux brun frisés tombant devant son visage ovale. Certes elle n'avait rien à se reprocher pour la mort d'Evan mais s'il n'y avait encore que cela. La porte en face d'elle s'ouvrit sur Éric, mettant fin aux réflexions de la jeune femme. Le policier s'assit en face d'elle et déposa une lettre sur la table.
- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Clémence d'une voix mal assurée.
Éric eu un petit sourire ironique. C'était la fin pour l'adolescente. Après plus d'un moins et demi, les recherches prenaient fin.
- La preuve que toi et tes amies êtes responsable de l'incendie criminelle du huit décembre dans une maison abandonnée et de la mort non intentionnel du sdf habitant à l'intérieur.
Un silence passa. Clémence dévisageait Éric avec des yeux de merlan frit. Sa plus grande terreur venait de se réaliser.
- Ce... ce n'est pas possible, souffla-t-elle, les yeux rivés sur la lettre fermée.
- Et pourtant si.
Le policier récupéra l'enveloppe et se mit à lire son continue devant la jeune femme qui palissait de plus en plus à mesure que la lecture avançait. Quand Éric termina la lettre, Clémence était en larme.
- Des explications peut-être ?
- On voulait du frisson, jouer avec la peur, articula Clémence au milieu de ses sanglots.
Éric laissa retomber la lettre sur la table.
- Et cette maison à brûler.
Clémence se redressa sur sa chaise et s'appuya avec toute la force de son désespoir contre la table.
- C'était un accident ! On a laissé tomber une allumette, on s'est dit que le feu allait s'éteindre tout seul...
Le policier observa l'adolescente cacher sa tête dans ses mains pour pleurer. Cette classe cachait encore combien de mystères ?
- Qui a écrit la lettre ? Demanda Clémence d'une petite voix au bout d'un certain temps de silence.
Excellente question, se dit Éric.
La mystérieuse personne avait glissé la lettre dans son carnet sans qu'il ne s'en aperçoive. Cela voulait forcément dire qu'elle l'avait fait quand il n'était pas dans la salle d'interrogatoire. Il s'agissait d'un mystère de plus mais, grâce à la lettre, il avait obtenu les aveux de Clémence.
- Quelqu'un de ta classe, répondit évasivement le policier, il s'agissait de sa seule certitude.
Il voulait en terminer avec cet interrogatoire mais se dit que Clémence pourrait lui apporter des pistes concernant la mort de Sarah.
- As-tu une idée de qui a tué Sarah ?
L'adolescente secoua négativement la tête.
- Quand l'as-tu vue pour la dernière fois ?
- Je l'ai croisé dans le couloir après le cours d'anglais. Elle semblait pressée et quand je lui ai demandé où elle allait, elle m'a juste dit qu'elle devait retrouver quelqu'un.
- Elle ne t'a pas dit de nom ?
Nouveau mouvement de tête. Éric se leva et récupéra les menottes accrochées à son pantalon.
- Clémence Henri tu es en état d'arrestation ainsi que Pauline Dos-Santos et Emma Namar pour l'homicide involontaire de Frank Schmidt et l'incendie criminel d'une maison. Tu as le droit de garder le silence. Tout ce que tu diras et fera pourra être retenue contre toi lors d'un procès. Tu as le droit d'avoir un avocat. Si tu n'en as pas les moyens, un avocat te sera commis d'office. As-tu compris tes droits ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top