37. Jeudi 3 janvier - 23h00

Arthur était resté en retrait toute la soirée. Il passait le plus clair de son temps à surveiller les autres adolescents pour éviter que ses parents ne retrouvent la maison sans dessus dessous quand ils rentreraient le lendemain midi.

Accoudé près de la télévision, trônant sur le mur au milieu du salon, il était à la recherche de la moindre petite bêtise. Quand son regard s'était posé sur le canapé tâché d'alcool quelques minutes plus tôt, il avait cru hurler. Ce soir, il préférait garder son côté je-m'en-foutiste au placard.

Le bruit des basses près de lui résonnaient dans sa cage thoracique, comme un deuxième cœur beaucoup trop grand pour sa poitrine.

Soudain les vibrations se calmèrent et Can't falling in love s'échappa des hauts parleurs. Des exclamations indignés retentirent tout d'un coup et Anthony, qui jouait le dj pour la soirée, rit de bon cœur.

- Il en faut bien ! Cria-t-il pour calmer les adolescents.

Arthur regarda avec un pincement au cœur tout le monde se prendre au jeu. William enlaçait Valentine sur la piste de danse improvisée tout en riant. La voix rauque de Elvis Presley avait détendu l'atmosphère et Arthur desserra les dents pour la première fois depuis 21h00. Il s'imaginait entraîner Lina avec les autres adolescents et danser jusqu'au bout de la nuit. Bientôt, se promit-il. Il fixa un long moment les couples qui virevoltaient, s'enlaçaient et riaient aux mots chuchotés à l'oreille, comme une autre caresse.

Les cris s'étaient tut et la lumière violette donnait à la scène sous ses yeux un semblant d'innocence. La sonnerie de son téléphone fit soudain exploser sa bulle. Arthur tira l'objet de sa poche et sa mâchoire se resserra. Les battements de son cœur s'emballaient pendant qu'il se dirigeait vers un coin tranquille. Serait-ce une bonne nouvelle ? Une deuxième en si peu de temps, le châtain croyait rêve. Une fois au calme, Arthur appuya sur le vert.

- Arthur ?

- Oui... oui c'est moi, bonjour monsieur.

- Je t'ai déjà dit de m'appeler Thomas. Écoute, j'étais à l'hôpital ce soir.

Les doigts d'Arthur se crispèrent sur son téléphone et il se mordit la lèvre. Ses espoirs semblaient vains, la voix de père de Lina était éteinte, il se retenait de pleurer.

- Et ? Demanda-t-il d'une voix tremblante.

- Elle a fait une rechute, les médecins sont inquiets. Je suis désolé Arthur... passe à la maison quand tu veux et nous irons la voir ensemble.

Le brun eut l'impression que son cerveau avait été débranché. Il resta planté comme un plot en plein milieu de la chambre avec l'impossibilité de faire le moindre geste, de dire la moindre phrase. Il se força à respirer et à répondre.

- Elle va s'en sortir ?

Son ton était hésitant et le silence glaçant au bout du fil le fit frémir de terreur. Il ne voulait pas y croire. La seule chose qu'il souhaitait était que tout rentre dans l'ordre, que rien ne soit arrivé, qu'il n'y ai jamais eu cette soirée.

- On doit y croire, garder espoir, finit par chuchoter le père de sa petite amie.

Arthur entendait ses pleurs comme s'il était à côté de lui. Il retint ses larmes et hocha la tête avant de se rappeler que Thomas ne le voyait pas.

- Ok... je viendrais demain. Au revoir.

Après un bref au revoir, le père de Lina raccrocha. Arthur écouta quelques secondes la lourde tonalité du téléphone avant de se laisser tomber couché sur le lit de ses parents, mains sur le visage.

Un hoquet traversa ses lèvres quelques secondes avant qu'il ne fonde en larmes. Il n'arrivait pas à se sortir de la tête que tout cela était de sa faute. Il n'avait pas su la protéger... Lina était avec lui à cette soirée. Si Evan ne s'était pas ramené avec ses cocktails et ses joints pour s'amuser, sa petite amie ne serait pas entre la vie et la mort à l'hôpital. Le lendemain du drame, Evan n'avait pas appelé, les jours suivants non plus. Il ne s'était jamais excusé, il riait même de son malheur. L'enfoiré...

Arthur hoqueta, ses épaules se soulevaient violemment à chaque sanglot. L'adolescent savait qu'il ne devait pas rejeter toute la faute sur Evan ou même sur son comportement, mais c'était plus fort que lui. Comment aurait-il pu comprendre quoi que ce soit au drame qui se déroulait sous ses yeux tellement il était déchiré par l'alcool et la drogue ?

Il n'avait pas réussi à protéger Lina, il n'avait même pas été là pour lui tenir la main dans l'ambulance. Arthur s'en voulait à mort. Trois jours plus tôt, Thomas l'avait appelé pour lui dire qu'elle s'était réveillée, qu'elle allait bien. L'adolescent s'était dit que tout allait aller mieux maintenant, qu'il pourrait faire une croix sur ses projets.

Pourquoi le destin était aussi cruel ?

Arthur n'en savait rien, mais la perspective de retomber dans le gouffre d'angoisse dans lequel il chutait depuis le coma de Lina le terrifiait. Il avait peur pour elle, pour lui, pour eux. S'en sortirait-elle ? Lui pardonnera-t-elle de l'avoir laisser tomber à cette soirée ? A l'hôpital, trois jours plus tôt, ils n'avaient échangé que quelques mots, elle était trop faible pour rester éveillé longtemps.

Si seulement... si seulement quoi ? Il avait déjà refait le monde encore et encore.

Trois coups retentirent à la porte et Arthur essuya ses larmes d'un revers de main. La porte s'ouvrit sur Élie qui entra sans rien dire. Il referma derrière lui et s'assit à côté de lui sur le lit. L'adolescent en pleurs ne dit rien.

- Ça va ?

- Je pète la forme, soupira Arthur.

Si Élie n'avait que d'autres questions stupides à poser, il pouvait s'en aller.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

La boule dans la gorge du brun ne voulait pas s'en aller. L'adolescent aux cheveux ébène attendait patiemment que son ami se mette à parler.

- Elle... Lina à fait une rechute.

- Elle est retombée dans le coma ?

Arthur acquiesça, les yeux brillant de larmes.

- Je suis désolé...

Le silence s'éternisa entre les adolescents, seulement entrecoupé des pleurs d'Arthur. Élie, de son côté, serrait les poings. Il n'avait jamais vu son ami aussi soulagé depuis ces deniers jours. Il n'avait qu'une seule phrase à la bouche : Lina allait mieux, elle allait s'en sortir. Et maintenant... Ni Arthur ni lui n'étaient plus sûr de rien.

- Tout ça c'est de ma faute, gémit le petit ami de Lina.

- Non, tu le sais très bien. C'est Evan le responsable ! Si il n'était pas venu avec sa merde, rien ne serait arrivé.

- Mais j'aurais dû me rendre compte qu'elle allait pas bien !

Élie se leva et attrapa Arthur par les épaules. Le brun releva piteusement la tête vers lui.

- Tu étais bourré Arthur, à ta place, personne n'aurait fait mieux. Ce n'était pas de ta faute.

Il martela la dernière phrase avec conviction et attendit que son ami hoche la tête.

- Si il y a un coupable, on sait très bien de qui il s'agit.

- Evan, murmura Arthur.

Élie acquiesça. Il fixa longuement son ami dans les yeux jusqu'à ce qu'il baissa la tête. Le petit ami de Sarah glissa ses paumes sur ses joues.

- Tu es toujours avec nous ?

- Oui... oui.

L'adolescent aux cheveux ébène ne fit pas de commentaires. Arthur avait changé d'avis même pas une heure plus tôt. Cependant, l'optique de perdre une nouvelle fois Lina le faisait à présent revenir sur son accord.

- Elle va s'en sortir d'accord ? Je te le promets.

Arthur hocha la tête et regarda Élie quitter la pièce. Il resta un long moment assis, incertain quant à l'avenir. Demain, il irait voir Lina. L'adolescent s'excusera pour la millième fois en lui tenant la main. Il lui dira tout ce qu'il avait fait pour elle. Ses sentiments étaient confus, comme si l'annonce du coma l'avait anesthésié. Il restait seulement certain d'une chose, il ne voulait pas la perdre. Si la mort d'Evan pouvait lui donner l'illusion de se racheter auprès d'elle, il le ferait sans hésiter.

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