35. Overdose et incendie

Éric s'assit face à Edgar, déterminé à obtenir les réponses à ses questions. Il allait devoir orienter l'interrogatoire pour confirmer ses hypothèses. Le regard d'Éric scrutait Edgar, inquiet sur sa chaise. Ses cheveux bond paille lui tombaient sur le front, cachant ainsi une partie de ses yeux. Le garçon était crispé, des veines ressortaient au niveau de ses poignets. Il avait replié ses bras sur son torse, une attitude de protection, se nota mentalement le policier. Sortant son carnet de note, Éric repassa dans sa tête son plan d'interrogatoire. D'abord se renseigner sur l'état de Romain et ensuite de leur implication dans le meurtre.

- Je suis ravie de te revoir, entama le policier. Comment va Romain ? J'ai appris sa tentative de suicide et j'en suis désolé.

- Il rentre chez lui bientôt, si tout va bien.

- C'est une bonne nouvelle.

En effet, c'était une excellente nouvelle pour Éric. Il aurait rapidement le champ libre pour interroger Romain.

- Et toi, comment vas-tu ? Ça a dut te faire un sacré choc.

- Je tiens le coup. Romain s'en est sorti, c'est le principal.

- Sais-tu pourquoi il a fait cela ?

Pas du tout coopératif, Edgar ignora la question du policier.

- Vous pensez que ça a un lien avec le meurtre ?

- Je pense en effet mais je n'en suis pas sûr, concéda Éric. Maintenant que j'ai répondu à ta question, veux-tu bien faire de même ?

Le regard de l'adolescent fuyait, se demandant s'il devait expliquer au policier la raison floue de l'acte de son petit ami. Il préféra finalement avouer la vérité.

- Je ne sais pas vraiment pourquoi il a fait ça, il est resté très vague. La seule chose qu'il m'a dit c'est que quelqu'un l'avait fait chanter avec une vidéo.

- Une vidéo ?

- Un...

Silence. Éric attendit, qu'il reprenne la parole, intéressé par la tournure des évènements. Une vidéo ? Pourquoi Romain ne lui en avait pas parlé lors de son interrogatoire ? La police était très à même de s'occuper de protéger les victimes de chantage.

- Qui avait-il sur la vidéo ? la voix d'Éric était plus douce, pour inciter le footballeur à parler.

La bouche d'Edgar s'ouvrit mais il ne fit pas un son.

- Ne t'en fait pas, si Romain a bel et bien été victime de chantage, nous pouvons l'aider. Ne pas en parler à la police est bien la dernière chose à faire.

- Un viol, finit-il par avouer.

- Un viol ?

- Je ne sais pas comment l'expliquer ! s'emporta d'un coup le blond. Il m'a juste dit que c'était une vidéo de lui en train de coucher à la soirée ! Pourquoi j'en saurais plus ? Il a refusé de m'en parler ! hurla Edgar en se levant d'un bond.

Sa chaise se renversa sur le coup et il resta debout, la respiration courte et le regard fou. Éric calma l'adolescent au bord de la crise de nerf et analysa sa réponse. Romain avait couché avec quelqu'un le trois janvier et ce n'était pas Edgar. La voix d'Emma retenti à ses oreilles. La jeune femme avait eut raison. Mais pourquoi parler de viol si les deux adolescents avaient eu une liaison ?

- Pourquoi me parles-tu de viol ? Il t'a peut-être juste trompé.

Conscient de la méchanceté de ses propos, Éric eu un pincement au cœur devant le tressaillement d'Edgar.

- Non, ce n'est pas possible. Quelqu'un l'a fait chanter, il y a une vidéo.

Éric tenta le tout pour le tout.

- T'a-t-il montré la vidéo ?

- Non, souffla Edgar en se rasseyant, la tête dans les mains.

- T'a-t-il dit explicitement qu'il s'était agressé ?

Un sanglot retentit dans la pièce, c'était le moment idéal pour le policier de demander des comptes.

- Visiblement il te trompait et ce n'était plus un secret. Pourquoi vouloir se tuer, à ton avis, si l'on n'a rien à se reprocher ?

Edgar fronça les sourcils avant de cracher d'un air méfiant.

- De quoi vous parlez ?

- De la mort d'Evan.

- Il ne l'a pas tué !

La véhémence dans sa voix fit reculer Éric sur sa chaise. L'adolescent s'était encore levé et s'appuyait sur la table, défiant le policier du regard.

- Je parlais de toi, dans ta colère de voir ton petit ami te tromper. Un témoin les a vu dans la même chambre le soir du meurtre. Puis ce même témoin t'a également aperçu retourner dans la chambre alors qu'Evan et Romain étaient toujours ensemble.

- Il ne m'a pas trompé, vous mentez ! Je ne savais même pas pour la vidéo ! Et pourquoi j'aurais tué Evan ? Romain ne m'aurait jamais trompé avec Evan. Ils n'étaient même pas dans la même chambre !

Du moins pas à cette soirée.

D'un geste de pure colère, Edgar balaya les objets posés sur la table. Ce fut au tour d'Éric de se lever pour finir son explication.

- Tu en es certain ? Romain t'a trompé avec Evan, tu les as pris en flagrant délit et tu ne l'as pas supporté. Tu les attendu qu'ils soient seul et c'est arrivé au moment de leur dispute près de la piscine. Tu es entré dans une colère noire et tu as tué Evan. Après ça, tu as fait chanter Romain, ce qui a conduit à sa tentative de suicide.

Le silence s'installa dans la pièce et les deux personnes se dévisagèrent longuement. Éric dévisagea Edgar et attendait une réponse, un aveu, n'importe quoi. Mais rien. Il restait silencieux.

- Vous êtes malade, fut la seule chose qu'il répondit.

- Et bien il va falloir me le prouver. Tu as tout du parfait tueur et j'ai de quoi le prouver.

Espérant que le bluff fonctionne, le policier attendait qu'Edgar craque.

- Vous n'avez aucune preuve et moi je n'ai rien fait. Je veux partir d'ici.

Éric bouillonnait, sans preuve directe, il n'avait aucun moyen d'incriminer Edgar. Il le laissa quitter les lieux en regardant à nouveau la liste des trente-quatre élèves, il y en avait forcément un qui avait vu le meurtre.

***

Traînant sur son téléphone, allongée sur son lit, Valentine regardait des vidéos sur YouTube, la radio en fond. Elle se concentra sur la voix de la présentatrice des informations quand celle-ci retenti.

"Toujours aucunes pistes pour les enquêteurs concernant la mort du sdf dans une maison abandonnée de la région ayant pris feu le quinze décembre deux mille dix-huit. La piste de l'incendie criminel est priorisée de par la découverte de l'origine de l'incendie, qui aurait prit à cause d'inflammables. L'appel à témoin est toujours actif."

Étrange, cette date lui rappelait quelque chose. Un souvenir oublié remonta à la surface mais fut balayé par un autre quand Valentine se redressa subitement sur son lit, se rappelant avoir volé un papier chez Evan.

Valentine se leva d'un bond de son lit et fouilla sur son bureau. Rien. Elle fit face à son mur de carte postale et fronça les sourcils en observant sa map monde. Le bordel de son bureau ne l'aidait pas à trouver le papier et elle fouilla des yeux ses bibliothèques débordantes de livres et le sol de sa chambre où traînant manuels et cahier de cours.

- Putain je l'ai rangé où déjà ?

Elle continua de retourner papiers et cahiers avant de se laisser tomber sur sa chaise, énervée et en pleine réflexion. Elle essaya de se remémorer en détails les souvenirs de son passage chez Evan. Dans sa veste ? Un jeans ? Si le papier était passé à la machine à laver c'était terminé.

L'adolescente claqua des doigts et ouvrit son placard. Elle avait rangé le papier dans son porte-monnaie, vide comme bien souvent à force d'acheter des livres. Valentine pris sa peluche hibou marionnette et récupéra le portefeuille caché à l'intérieur. Elle retourna s'assoir sur son lit et attrapa le papier volé. Le dépliant soigneusement, elle relue son contenue.

13 décembre 2018

Curieuse, elle entra cette date dans Google et tomba sur un article du DNA. Elle le lu en diagonale et un nom attira subitement son attention, Lina Ancey, hospitalisé pour une overdose. Valentine fronça les sourcils, c'était la petite amie d'Arthur et c'était Evan qui avait fourni la drogue.

Non, il devait y avoir une autre solution. Quoique, Evan avait fourni la drogue, Lina avait eu un accident, mobile parfait. Mais il y avait peut-être autre chose ? Ce n'était pas vraiment la faute d'Evan si Lina avait fait une overdose. Il s'était sûrement passé autre chose durant la nuit, à moins qu'Arthur n'avait véritablement rien à voir là-dedans.

Elle s'allongea sur son lit pour réfléchir. La solution la plus logique serait de trouver Éric le lendemain au lycée et de s'excuser d'avoir volée une pièce à conviction chez Evan. Comment réagirait le policier ?

Cela faisait trois semaines pile que son camarade de classe était mort, on était le vingt-quatre janvier et cela faisait plus de deux semaines que Valentine avait volée le papier. Trop longtemps, elle ne pouvait plus le rendre.

Tenir cette feuille entre ses mains faisait naître en elle une sensation étrange, comme si elle détenait une pièce du puzzle géant de l'enquête. Comme si c'était elle finalement l'enquêtrice, celle qui découvrait la vérité à la fin.

Son esprit s'égara dans la matinée, pendant le cours de français ou l'annonce avait été faite. Romain avait failli mourir. Un frisson dérangeant la traversa toute entière. Elle n'aurait jamais pensé que cela pourrait arriver. Bien sûr en l'observant pendant les cours elle le trouvait plus pâle, plus fatigué. En y réfléchissant plus longuement, Romain évitait le regard de tout le monde, parlait moins et moins fort que d'habitude et sursautait à chaque bruit. Valentine avait confondu cette détresse avec la fatigue des interrogatoires du meurtre et les questions sans réponses que personne n'avait. Elle devait bien se rendre à l'évidence, elle s'était fait avoir en beauté. L'adolescence s'en voulait déjà à elle-même de ne rien avoir vue mais se dit que cette culpabilité devait être multiplié par dix pour Edgar.

Le pauvre, pensa-t-elle en grimaçant, il a déjà perdu son meilleur ami et maintenant son petit ami...

Son instinct lui criait que cette tentative de suicide avait un lien avec le meurtre.

Valentine savait qu'il s'était passé beaucoup de chose lors de cette soirée et qu'elle n'en avait vue qu'une infime partie. Malheureusement les informations d'Éric Nass ne lui avaient été que très peu utile pour sa propre enquête. D'autant plus que William essayait de la convaincre par tous les moyens d'abandonner ses recherches, de laisser faire la police.

Acceptant pour le rassurer, elle menait à présent son enquête dans la plus grande discrétion, n'en parlant à personne, ni même Solène et Lisa, gardant ses secrets pour l'application note de son téléphone. Valentine avait longuement hésité à en parler à Manon, sa meilleure amie dans un lycée différent du sien mais avait préféré se taire. Parfois, il valait mieux garder certaines choses pour soi.

Les informations repassèrent à la radio, une heure s'était écoulée. La voix de la présentatrice répétait les mêmes phrases que soixante minutes plus tôt.

La maison brûlée, réfléchit-elle, la tête penchée sur le côté.

Valentine ferma les yeux et essaya de se remémorer la soirée du quinze décembre. Elle traînait sur Instagram comme tous les soirs, juste avant de se coucher. Il s'était passé quelque chose cette nuit-là, quelque chose relié à l'incendie c'était une certitude.

Comme aucun souvenir ne refit surface la lycéenne se lança dans ses exercices de musculation. C'est au moment où elle fit son grand écart que la mémoire lui revint.

- Clémence, murmura-t-elle.

C'était ça. C'était Clémence qui avait postée la photo de son exploration d'une maison abandonnée à Fortschwihr dans sa story. Mais il n'y avait pas qu'elle, Emma, Pauline et Sarah étaient également sur le cliché. Et au bout d'à peine une heure, la photo avait mystérieusement disparue. Cette hypothèse était bien belle mais Valentine n'avait aucun moyen de la prouver. Elle sentait qu'elle se trouvait sur une piste cependant il lui fallait plus d'indices, mais où les chercher ?

***

Le carnet de note vola à travers la pièce avant de se tracasser contre un mur, mettant fin à son parcours. Éric frappa de rage sur son bureau. Les pots à crayons, son matériel et son ordinateur portable tremblèrent sous la violence du choc. Le policier se laissa tomber sur sa chaise en prenant sa tête dans ses mains. Ses supérieurs s'attendaient à tout prix à des résultats et Éric ne voulait pas classer l'enquête sans suite. Le ou les meurtriers étaient tout près de lui, il ne lui manquait plus qu'une preuve décisive pour les attraper.

Le couple de Romain et Edgar hantait ses nuits depuis le vendredi et il n'avait qu'une hâte, que le lendemain arrive le plus vite possible pour qu'il puisse interroger le garçon suicidaire. Éric eu un sourire. S'il n'avait pas obtenu les informations auprès d'Edgar, il les trouverait chez sa moitié. Il y avait forte chance que Romain lui avoue tout. Si Eric avait raison, le lycéen n'avait plus rien à perdre. Il avait eut tellement peur d'Edgar qu'il avait voulu se suicider. A présent le policier lui offrait un gage de survie sur un plateau, même s'il allait devoir avouer des choses désagréable comme le fait d'avoir trompé son petit ami.

Le regard du policier se posa sur l'écran de son ordinateur portable. L'heure et la date s'affichait en bas du rectangle de pixels, comme pour le narguer.

Lundi vingt-huit janvier, vingt et une heure trente.

Cela faisait bientôt un mois que le cadavre d'Evan avait été retrouvé dans la piscine. De longues semaines d'interrogatoires qui n'avaient menés qu'à des fausses pistes et encore plus de questionnements. Prenant une grande inspiration, le policier se rassura. Le lendemain, il irait interroger Romain. Son enquête s'achèvera bientôt, un peu de patience.

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