30. Jeudi 3 janvier - 21h43

Romain quitta la salle de jeu où il était installé avec Edgar, Maxime, Axel et Arthur pour se rendre aux toilettes. Il passa dans le salon où les danseurs se bousculaient sans gêne. L'ambiance commençait à monter, au rythme des verres qui s'enchaînaient, reposés bruyamment sur la table basse.

Les trois Emma et Emilia servaient les invités en riant alors que d'autres filmaient les exploits de ceux qui participaient aux jeux à boire.

- Maxime ! Va me chercher une autre bouteille !

Le jeune homme obéit à la redoublante et faillit bousculer Romain en entrant dans le couloir. Le visage carré de l'adolescent scanna l'Espagnol de haut en bas.

- T'as pas encore conclu ?

Romain s'empourpra sous le rire communicatif de Maxime.

- C'est pas très sérieux tout ça, commenta-t-il en entrant dans la cuisine, laissant le petit ami d'Edgar cramoisie.

- Il a raison, c'est pas très sérieux.

Le petit ami d'Edgar se retourna vers la voix qu'il ne connaissait que trop bien et assassina son ancien ami du regard.

- Qu'est-ce que tu veux ? demanda Romain, méfiant.

- Me dit pas que tu m'en veux toujours ? ricana Evan. Le pauvre Edgar pense que t'es effondré.

- Arrête de te moquer.

Evan se décolla du mur contre lequel il était appuyé pour se rapprocher de l'Espagnol d'une démarche nonchalante.

- Je me moque pas, à ta place aussi je stresserais si quelqu'un avait une vidéo de moi nu en train de faire des choses pas très catholiques.

- Tu vas supprimer cette vidéo, menaça Romain en empoignant Evan par l'épaule.

- Pas question, c'est mon moyen de pression.

Il adorait avoir Romain sous sa coupe. L'épée de Damoclès au-dessus de la tête du bel adolescent le rendrait sans aucun doute plus enclin à lui obéir. Il savait que cette arme était meurtrière entre ses mains. Si jamais la famille de l'espagnol tombait là-dessus, Romain signait son arrêt de mort.

- Supprime la !

- Quoi, t'as pas envie que tout le monde puisse te voir baiser avec moi ?

Le sourire d'Evan fit frémir Romain de colère.

- Je pourrais porter plainte.

- Tu sais très bien que si tu fais ça t'es mort, ricana le brun sur un ton menaçant. Je pourrais accidentellement rendre ça public. Avoue que ça serait dommage.

Une fille cria dans le salon tandis que les deux adolescents s'affrontaient du regard. Evan gardait son habituel regard provocateur et son sourire en coin. Romain se vit rien qu'une seconde lui exploser la tête contre le mur.

- Je vais te tuer, gronda-t-il.

- Bah tu seras pas le premier à vouloir le faire ce soir.

Le ton nonchalant d'Evan narguait le petit ami d'Edgar, le défiant presque de tenter de le faire.

- Tu mériterais de crever, cracha Romain. Après tout le mal que t'as fait ça serait légitime.

- Je suis sûr que je te manquerais...

Le meilleur ami d'Edgar fit un pas dans la direction de l'Espagnol qui recula.

- Ça m'étonnerais.

- Arrête de te mentir.

Pas après pas, Romain se retrouva acculé contre le mur, bloqué par l'expression d'amusement d'Evan. La future victime s'empara des lèvres de Romain. Il repoussa Evan mais ce dernier attrapa un de ses poignets.

- Je croyais que tu ne voulais pas que cette vidéo se retrouve sur Internet.

L'Espagnol se figea. Evan sourit, il avait visé juste, quelques menaces de plus et il aurait les faveurs de Romain.

- Je veux dire, je pense que tes parents n'apprécieraient pas.

- Va crever !

Un rire sans joie s'échappa des lèvres d'Evan. Romain quant à lui sentait la panique s'insuffler dans son corps. Si le footballeur rendait publique la vidéo, sa vie serait terminée. En échange de son silence, Evan voulait quelque chose que le petit ami d'Edgar n'était pas prêt à lui donner.

- Je ne coucherai pas avec toi, grogna Romain.

- Dommage.

Evan lâcha son poignet et sorti son téléphone de sa poche. Romain essaya de le lui prendre mais le brun se défendait. Heureusement pour lui, l'Espagnol était adepte des arts martiaux et immobilisa très vite Evan.

- Tu ne veux toujours pas ? demanda le brun plaqué contre le mur.

Même en position de faiblesse, la future victime gardait son éternel regard provocateur, le doigt au-dessus de la flèche "envoyer" de ses messages. Romain pâlit quand il découvrit le destinataire de la vidéo, son père. Il ne pouvait pas l'empêcher d'appuyer sinon Evan se libérerait. Le meilleur ami d'Edgar savait très bien que leur relation était compliquée et il en profitait !

- Grouille toi de choisir où j'appuie.

- Ok... ok je vais faire ce que tu veux, céda Romain.

Les mots refusaient de s'échapper de ses lèvres, ç'en était presque douloureux. Il relâcha le footballeur et s'appuya contre le mur opposé pour tenir debout. Evan le dévorait du regard avec une lueur de triomphe dans les yeux.

- T'as fait le bon choix.

Evan glissa ses mains sur ses joues et Romain se laissa embrasser, les larmes aux yeux. Il n'avait pas été courageux. Il avait bien trop peur de la réaction de sa famille pour refuser le chantage d'Evan. Si cette vidéo tombait entre les mains de son père, Romain ne donnait pas cher de sa peau. Son géniteur avait déjà du mal avec le fait qu'il sorte avec un garçon mais s'il y avait une vidéo et ce que n'était pas Edgar... Il frissonna de peur quand l'image du poing de son père effleura son esprit. Il ne voulait plus souffrir de sa main.

- Retrouve moi à minuit sur la terrasse, un petit bain nocturne ça te tente ?

Avait-il le choix ? Minuit, l'heure n'était pas choisie au hasard, le footballeur avait toujours eu le sens du spectacle.

- Au fait, si tu ne viens pas, j'envoie la vidéo.

Evan lui adressa un clin d'œil avant de l'embrasser une dernière fois. Romain le repoussa sans volonté. Il venait de faire un pacte avec le diable. Sa tête lui tournait et il s'éloigna du couloir le plus rapidement possible avant de s'effondrer dans les bras d'Edgar dès qu'il le trouva.

Le blond le serra entre ses bras et l'emmena au pied des escaliers, là où il n'y avait personne d'autres. L'Espagnol leva la tête vers lui, les yeux embués de larmes et secoua la tête sans rien dire.

Evan regarda Romain s'éloigner, au comble de la frustration, il allait devoir encore attendre. Il savait que ses menaces fonctionneraient, le bel adolescent était terrorisé par son père. L'Espagnol avait accepté avec tellement de facilité que c'en était presque décevant. Cependant Evan souriait ; il allait avoir Romain alors que ce dernier appartenait à Edgar, encore une fois. Il jeta un coup d'œil à son téléphone, 22h04. Qu'est-ce qu'il allait pouvoir faire en attendant minuit ?

Des bruits de pas se firent entendre dans le couloir et Evan se tourna vers la cuisine. Il eut un petit sourire quand il vit William s'y engouffrer. Le footballeur prodige tombait bien, il avait besoin de se détendre. Silencieux comme un chat, Evan se faufila vers la pièce et écouta la conversation entre sa proie et l'autre abruti de Maxime. Décidément, il se passait beaucoup de choses dans cette cuisine.

- Tu sais que Schwand veut que j'intègre un centre de formation ?

La voix de William retenti dans l'autre pièce et Evan écarquilla les yeux de surprise. Il avait vraiment dit ça ? La colère remplaça très vite l'étonnement. Encore une fois William était le meilleur. Encore une fois il avait tous les honneurs. Encore une fois personne ne le remarquait. Evan se sentait invisible, éclipsé sur le terrain par le talent du blond et dans la vie par la haine des autres.

Qu'est-ce qu'il avait mal fait ? Il voulait juste qu'on l'aime, qu'on le regarde, sinon pourquoi se donnerait-il autant de mal pour se faire voir en classe ? Il avait essayé de se comporter gentiment, gardant un éternel sourire joyeux et restant attentif aux moindres problèmes de ses camarades. Mais personne ne l'avait remarqué ; sa volonté d'être celui sûr qui l'on pouvait toujours compter, son envie d'être aimé. Pourquoi personne ne l'avait-il remarqué ?

Personne ne le comprenait. Il avait très vite saisi qu'il ne serait jamais ce qu'il souhaiterait. Par contradiction purement adolescente, il s'était mis en tête d'être l'exacte opposé ce celui qu'il avait toujours voulu être. Plus sombre, faisant fi des règles et jouant avec les autres comme avec des marionnettes.

Il avait aimé ça, il aimait faire peur, attirer la haine. Pour la première fois il était regardé. Il avait réussi à obtenir ce qu'il souhaitait, il lui avait simplement suffit de ne plus être lui-même. Il était devenu et il aimait être ce garçon froid, calculateur et prédateur.

- Réfléchis-y s'il te plaît, gâche pas ton avenir à cause d'Evan.

Des pas s'approchèrent de la porte et Evan se cacha dans l'ombre, laissant partir Maxime après son dernier conseil. William n'avait pas encore accepté. Tant mieux, il allait aider sa némésis à choisir. Si lui n'avait pas eu cette chance, le petit blond ne la saisirait pas non plus. Il était temps qu'il paye.

Il s'approcha sans bruit de sa proie et s'arrêta dans son dos. William se tourna quelques secondes plus tard, deux verres à la main. Evan tapa les récipients. Le contenu tâcha le pull du petit blond et les verres s'écrasèrent au sol dans deux bruits stridents.

Le footballeur prodige leva les yeux vers Evan qui lui fit son plus beau sourire de haine.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top