3. Meilleurs amis

Edgar était perdu dans ses pensées. Il se demandait comment pouvait se dérouler l'enquête. Est-ce que le policier avait déjà une piste ?

Il était partagé entre l'envie de l'aider en lui disant tout ce qu'il pouvait s'avérer utile ou garder les moments de conneries avec Evan rien que pour lui, préservant ainsi l'intégrité de la mémoire de son ami.

Evan lui manquait terriblement depuis cette nuit-là. Les cauchemars le hantaient depuis une semaine et il n'arrivait pas à les éloigner. Il n'en avait parlé qu'à Romain, ses parents se faisaient déjà beaucoup de soucis pour lui.

Peut-être que ça passera avec le temps, se disait-il.

Il regarda le trafic automobile sans vraiment le voir et la voix de sa mère le tira de ses pensées.

- On y est, soupira Audrey en regardant son fils écroulé sur la vitre, traversée par un pincement au cœur.

Ils sortirent rapidement et Edgar se présenta à peine qu'il fut conduit dans une pièce à part. Il s'assit, intimidé, sur le premier siège à sa portée. Le fauteuil s'enfonça légèrement sous son poids et Edgar expira un grand coup. Il observa la pièce minimaliste. Un fauteuil en face d'un canapé aux motifs vieillot comme chez sa grand-mère et une table dans un coin où traînait une tasse de café abandonnée. Le papier peint marron et blanc terne rendait la pièce infiniment plus triste. Cela n'avait rien à voir avec l'idée qu'il s'était fait d'une pièce d'interrogatoire.

La porte s'ouvrit sur un homme avoisinant la quarantaine à la carrure fine et athlétique. Il abordait un costume bleu roi, faisant ressortir ses yeux de la même couleur hypnotique. Il esquissa un sourire bienveillant qui étira sa barbe brune de quelques jours, comme s'il n'avait pas eu le temps de se raser. Il serra la main d'Edgar d'une poigne ferme et alla s'asseoir dans le canapé.

- Bonjour Edgar, toutes mes condoléances. Je m'appelle Éric Nass et je suis chargé de cette enquête.

L'adolescent hocha la tête sans rien dire. Cet homme l'impressionnait de par son attitude fière et confiante.

- Quels étaient tes liens avec Evan ?

- Je suis... j'étais son meilleur ami.

Son regard se voila une seconde et il essaya de reprendre contenance quand il remarqua le regard du policier fixé sur lui.

- Depuis quand étais-tu ami avec lui ?

Edgar émit un soupir chargé de sanglots quand les souvenirs affluèrent. Il avala ses larmes et pris la parole.

- Depuis la sixième, ça fait cinq ans.

- Très bien, il ponctua sa phrase d'un hochement de tête. Comment qualifierais-tu cette amitié ?

Un sourire triste et mélancolique apparut sur le visage du lycéen.

- On a fait toutes les conneries possibles, surtout en cours. On ne s'est jamais beaucoup disputés et on s'entendait sur beaucoup de choses.

- Comment était votre relation avant sa mort ?

- On s'était un peu éloignés à la rentrée. J'ai rencontré quelqu'un et lui a plus traîné avec d'autres potes mais on restait très proche mais, il marqua un temps de pause, moins qu'avant.

Éric griffonna rapidement sur son bloc note et Edgar fronça les sourcils en essayant de voir. Le policier releva d'un coup la tête et l'interrogé fit mine de s'intéresser aux motifs sinueux cousus l'accoudoir de son fauteuil.

- Raconte-moi la soirée du trois janvier. Qu'as-tu fait ?

Edgar puisa dans sa mémoire pour se rappeler des moindres détails, le cadavre d'Evan ayant obscurci le reste.

- Je suis arrivé vers vingt et une heure quinze, j'étais en retard à cause de mes parents. Il y avait déjà tous les gens de la classe, en tout cas ceux qui voulaient venir.

- Il n'y avait pas tout le monde ?

Edgar secoua négativement la tête.

- Non, il devait manquer huit personnes sur les trente-quatre.

Huit suspects en moins. Cela restait très peu pour Éric par rapport aux nombres d'élèves de départs. Il devait se satisfaire de cette information.

- Sais-tu qui n'est pas venu ?

Edgar ferma les yeux en fronçant les sourcils. Il lui semblait en avoir discuté avec Arthur qui organisait la soirée.

- Je crois que Jules, Benjamin, Salma, Eya, Sophia et Anne-Marie ne sont pas venus. Après les autres je ne sais plus.

Éric nota les prénoms et demanda à Edgar de continuer.

- J'ai discuté avec des gens et j'ai commencé à boire.

Le policier haussa les sourcils et Edgar grimaça.

- Boire ?

- De la vodka et d'autres trucs, répondit d'une toute petite voix Edgar.

Le policier se rappelait très bien l'état de  la maison d'Arthur et des cadavres de bouteilles qui traînaient un peu partout. Maintenant il restait à savoir qui avait bu et qui était resté sobre. Un élève en état d'ébriété était-il passé à l'acte ? Sous l'effet de l'alcool, beaucoup de choses étaient possibles.

- Je ne vais pas jouer la surprise, une soirée sans alcool pour les jeunes est impensable. Beaucoup de tes camarades avaient bu n'est-ce pas ?

- Oui, confirma le blond. Je ne sais plus qui exactement mais c'était assez violent. 

Le policier hocha simplement la tête en notant une estimation dans son carnet.

- Qu'as-tu fait ensuite ?

- Je ne suis pas resté longtemps avec les gens de la classe, une heure et demie au maximum.

- Ou es-tu allé ?

Edgar baissa la tête et Éric fronça les sourcils. Il s'apprêta à reposer la question quand Edgar avoua d'une petite voix.

- Je suis allé dans la chambre d'Arthur avec mon copain, Romain.

Le policier réprima un sourire, anticipant la suite mais posa tout de même la question.

- Et qu'avez-vous fait tous les deux ?

- Et bah on a...

Edgar ne termina pas sa phrase, les joues roses pivoines et le regard fuyant. Le policier esquissa un sourire devant sa gêne avant de reprendre son sérieux.

- Et que s'est-il passé après que vous ayez couchés ensemble ?

Edgar le remercia d'un regard rempli de gêne.

- Romain s'est endormis, je crois qu'il avait un peu trop bu et moi je suis redescendu.

- Quelle heure était-il ?

- Je ne sais plus, entre vingt-trois heure trente et minuit. Après j'ai dansé avec Sarah, Pauline, Emma et Clémence. Et puis après j'ai encore bu et je me suis réveillé le lendemain sur le canapé.

- Tu ne te souviens plus de rien ?

Edgar secoua la tête de gauche à droite.

- Rien du tout.

Éric scruta attentivement l'adolescent en face de lui. Il avait l'air sincèrement désolé de ne se rappeler de rien. Une question lui vint brusquement à l'esprit.

- Tu es le seul à avoir dormit en bas ?

- Oui je crois oui, répondit-il en réfléchissant.

Éric nota l'information et entoura une autre. Edgar s'était endormi seul au rez-de-chaussée de la maison et c'était également lui qui avait découvert le corps de son meilleur ami le lendemain. Il revérifia sur la déposition des agents dépêchés sur place le matin du meurtre mais c'était bien cela. Edgar avait été seul pendant au moins cinq heures, la soirée s'étant apparemment terminée à trois heures et demie du matin, s'il se référait aux témoignages des voisins, et l'appel de Pauline à la police datait de huit heure vingt du matin.

Cependant Éric devait encore consulter les rapports d'autopsie pour s'assurer de la culpabilité du jeune homme. Il releva la tête et croisa le regard de l'adolescent qui le fixait avec peur et questionnements. Le policier se leva et serra une nouvelle fois la main d'Edgar avant de le ramener à l'accueil du poste où l'attendait sa mère.

- Edgar, merci de ta coopération.

Le blondinet ne répondit rien et suivit sa mère à l'extérieur, jetant un dernier regard à l'enquêteur.

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