29. Flammes
15 Décembre
Des pas résonnèrent dans la maison vide. Seul le craquement des feuilles mortes sur le parquet défoncé trahissait leur présence.
- Tu es sûre que personne ne nous a vu ?
- Certaine.
Sarah darda son regard sur le visage confiant de Clémence puis haussa les épaules. La maison était relativement éloignée du quartier résidentiel le plus proche, personne ne pouvait voir d'aussi loin la lumière de leur lampe de poche.
- Vous êtes sûre de vouloir faire de l'urbex ici ? Questionna Pauline en éclairant la pièce d'une lumière jaunâtre. Je vois rien d'intéressant...
- Apparemment la maison est hantée. La nuit, on peut voir une silhouette roder autour.
Emma lança un regard terrifié à Sarah et Pauline alors que Clémence continuait son explication, pas inquiète le moins du monde. La plus petite en taille avait un sourire radieux.
- Tous ceux à qui j'ai parlé m'ont raconté qu'ils entendaient des bruits de pas et des respirations qui provenaient de l'étage ? C'est pas super flippant et génial ?
- Mais, si il y a une silhouette et des bruits de pas, commença Emma, ça veut dire qu'elle sera sûrement là ce soir ?
- Exact.
La gymnaste semblait sereine, jouant tranquillement avec ses longs cheveux blonds pendant que les trois autres filles échangeaient des coups d'œil inquiets.
- Vous êtes sures de vouloir y aller ? Demanda Sarah, une pointe d'inquiétude dans la voix alors que Clémence se dirigeait vers l'étage, les autres filles sur ses talons.
- Fait pas ta chochotte, lui rétorqua Pauline. Tu vas voir, y'auras rien du tout comme toujours.
Elle rejoignit Clémence dans la pièce principale avant d'éclairer l'escalier en bois avec la lumière de sa lampe torche. Le faisceau lumineux fit apparaître un vieux canapé rouge délavé miteux aux ressors visibles et quelques étagères vides taguées. Les murs avaient subi le même traitement et quelques bouteilles de bières et des mégots de cigarettes trainaient au sol.
- Il y a peut-être un endroit plus tranquille à l'étage pour faire un ouija, commenta la blonde.
Aussitôt son idée énoncée à haute voix, Pauline se dirigea vers l'escalier. Le bois geignit quand elle posa sa basket sur la première marche mais ne craqua pas. Sa main attrapa la rampe et elle continua son ascension, marchant sur la pointe des pieds. Les multiples grincements la firent grimacer mais elle arriva en un seul morceau en haut.
- Vous pouvez monter, c'est pas dangereux.
Une par une, le groupe de filles rejoignit l'étage. Elles suivirent le long couloir avant de rentrer au hasard dans une pièce. La lumière de Pauline grésilla avant de s'éteindre brutalement, laissant les lycéennes dans le noir complet. Le vent chatouilla leur peau, entrant par le verre brisé de la seule fenêtre.
- Pauline, rallume, c'est pas drôle.
- Je fais pas exprès, les piles doivent être mortes.
- Attendez j'ai une bougie et des allumettes dans mon sac.
Les mots de la gymnaste firent soupirer les filles de soulagement. Pauline avait oublié son portable chez elle et celui d'Emma n'avait plus que neuf pourcent de batterie. La petite blonde posa son sac à dos au sol et fouilla à l'intérieur. Quelques secondes plus tard, un craquement retenti et la pièce fut éclairée d'une lumière orange vacillante avec le vent. Sarah soupira à peine de soulagement qu'un bruit sourd retenti. Les filles poussèrent un hurlement de terreur synchronisé. Clémence lâcha l'allumette qui tomba sur un tat de feuilles mortes. Elles virent une silhouette se diriger vers elle, se faufilant au milieu des ombres.
- Y'a quelqu'un ? lança Sarah.
- On ferai mieux de partir d'ici, s'alarma Emma.
- Mais non ! C'était juste un coup de vent. Vous êtes chiantes à flipper pour rien, la prochaine fois restez chez vous.
Clémence alluma une autre allumette et posa le bout enflammé sur la tige de la bougie. Une lumière tamisée les éclaira et les ombres reculèrent. La silhouette avait disparu et les bruits aussi.
- Vous voyez, personne.
Une bougie dans la main et le plateau de ouija dans l'autre, la gymnaste poursuivit sa route vers une pièce adjacente, moins exposé au vent. Elle s'assit sur le vieux parquet qui couina, rapidement suivi par ses trois amies.
- Qui commence ?
Emma et Sarah échangèrent un regard inquiet tandis que les deux téméraires du groupe délibéraient. Finalement Pauline saisit la goutte et la posa au centre du plateau, son ongle manucuré posé dessus.
- Mettez un doigt dessus, ordonna-t-elle.
Toutes s'exécutèrent et le jeu commença. Au bout d'une vingtaine de minutes passée à se faire peur, Sarah releva la tête et inspira profondément.
- Vous trouvez pas que ça sent le brulé ?
Emma fronça le nez avant d'acquiescer. Une odeur âcre et lourde avait envahi la pièce. Les filles rangèrent leurs affaires avant de se lever. Elles firent demi-tour et Clémence, qui menait la marche, se figea dans l'encadrure de la porte.
- Ça sent pas juste le brulé, y'a le feu ! Cria-t-elle avec panique.
Les arabesques orange léchaient les murs de la pièce où elles se trouvaient, envahissant le couloir et glissaient le long des escaliers.
- Faut partir ! Vite !
Elles s'élancèrent toutes ensemble vers l'escalier qui grinça sous leur poids, déjà bien attaqué par les flammes. Arrivées au milieu du salon, Sarah se crut sauvée quand la porte d'entrée se dessina dans son champ de vision. Soudain, un morceau de plafond se détacha pour s'écraser à ses pieds, la séparant du groupe et lui coupant l'accès à la sortie.
La jeune femme fit demi-tour et se rendit dans une pièce voisine encore épargnée par le feu. Elle aperçut son salut et n'hésita pas. Sarah se jeta dans l'encadrement de fenêtre, vide de verre depuis déjà des années, avant d'atterrir durement sur l'herbe. La chaleur qui se dégageait dans son dos était tout simplement étouffante.
- Sarah ! Hurla Clémence.
- Je vais bien, la rassura la jeune fille en se redressant.
La gymnaste se précipita sur elle et l'aida à se remettre debout. La fumée la faisait tousser ; son corps, ses cheveux et ses vêtements étaient recouvert de cendre.
- Il faut partir d'ici ! S'affola Emma en arrivant.
Pauline la suivait, tout aussi paniquée. Puis, au milieu des flammes, elles entendirent un hurlement de douleur. Le cri glaçant les figea sur place. Il se répéta, encore et encore, jusqu'à ce que seul le crépitement des flammes ne se fasse entendre. Les quatre jeunes femmes observèrent sans rien dire la maison partir en fumée, de grandes langues de feu s'échappant par les fenêtres, laissant une épaisse fumée grise monter vers le ciel sans étoiles.
- Personne ne doit savoir qu'on était là ce soir, déclara subitement Clémence. Supprimez tous vos postes, vos storys. Ce n'est jamais arrivé, d'accord ?
Elle s'empressa de sortir son téléphone portable de sa poche et fit disparaitre une photo de groupe prise devant la maison, avant que tout ne dérape. Les autres firent de même avant de s'enfuir en courant, au moment où les premières sirènes de pompiers ne se fassent entendre dans la plaine.
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