28. Fantôme
Passage déconseillé aux âmes sensibles
La porte d'entrée claqua derrière Romain qui s'assura que la maison était bien vide avant de monter en courant dans sa chambre. Il laissa tomber son sac de classe près de son lit et s'immobilisa, debout, réalisant véritablement ce qu'il s'apprêtait à faire. Il jeta un coup d'œil à l'heure, dix-neuf heure huit. Sept minutes, c'était le temps qu'il s'était accordé avant de passer à l'acte.
Ses yeux se posèrent sur une photo de famille. Que voulait-il faire ? Écrire une lettre pour raconter son calvaire ou partir sans explication, tel un fantôme ? Il voulait écrire une lettre mais il n'en avait pas la force, comment leur expliquer tout ce qu'il ressentait ?
Il commença à s'en vouloir de ne rien expliquer, de laisser sa famille dans le noir. Ils se poseraient tellement de questions, peut-être même seraient-ils heureux de voir disparaître leur fils anormal ? La vision d'Edgar apparut au bord de son esprit mais il la repoussa de toutes ces forces. Son petit ami lui en voudrait il le savait mais c'était ainsi.
Il ne pouvait plus vivre, il ne le voulait plus.
Romain attendit dans une attente fébrile le sms qui mettra fin à ses jours. Ce message, cette vidéo lui donnera entièrement la force de le faire.
19h12
Il avait longuement réfléchi à... comment mourir. Sauter par la fenêtre ?
Il n'aurait pas le courage.
Se trancher les veines ? Se pendre ?
Il ne voulait pas que ses parents le découvrent comme cela, leur infliger sa propre douleur, sa terreur qui le poursuivait depuis le soir du quatre janvier. Il avait opté pour les médicaments, les somnifères de sa belle-mère. Indolore, c'est comme s'il s'endormirait pour ne plus jamais se réveiller.
19h13
Encore trois minutes. Romain eu soudain envie que n'importe qui l'appelle, entre dans sa chambre pour lui crier qu'il l'aimait, qu'il valait quelque chose. Il eut beau se rappeler les bons moments passés avec Edgar ou ses amis, seuls des insultes, pareils à des chaînes, s'enroulèrent autour de lui pour le faire couler dans les abîmes de la mort et de l'oubli.
Il n'y avait plus rien de positif, de bon. Rien.
19h14
Romain parcourt sa chambre de son regard éteint, caressant sa couette du bout des doigts. Il se revit soudain enlacer avec Edgar, heureux.
19h15
Personne n'entra, personne pour l'aimer.
Son téléphone vibra dans ses mains. Des larmes envahirent sa vision quand le sms apparut sous ses yeux. Il serra fort son téléphone dans sa main avant de le jeter contre le mur, explosant la vitre en une centaine de fissures impossibles à réparer. Les dégâts internes étaient plus grands, mais invisible.
C'était le moment. Il n'avait jamais réfléchi à quelle serait sa fin, pensant innocemment qu'il avait encore le temps. Bien qu'il n'y eût jamais réfléchit, il sentait bien qu'il n'aurait jamais imaginé que cela se finisse comme ça. Un suicide, seul, poussé à bout par une vidéo sortie tout droit de ses cauchemars.
Il se leva et se dirigea lentement vers la salle de bain. Son esprit décidé à mourir luttait de toutes ses forces contre son instinct de survie qui finit écrasé par sa volonté quand il ouvrit le placard de la pièce. Ses yeux cherchèrent le tube et finirent par le trouver caché derrière un tube de crème pour les mains.
Sans plus attendre, il avala une dizaine de cachets, les uns après les autres, entre plusieurs sanglots. Puis dans un éclair de lucidité il rangea les comprimés et marcha jusqu'à sa chambre. Il commençait à voir flou lorsqu'il s'écroula sur son lit.
Ses dernières pensées se dirigèrent vers Edgar alors qu'il sombra dans l'inconscience.
C'était au prochain joueur de jouer.
***
La mort de Romain était bien loin d'effleurer l'esprit de Sarah qui menait des combats contre ses propres démons. Depuis son lit, elle regardait son image se refléter une dizaine de fois dans son miroir brisé.
- L'interrogatoire est passé, respire, ça va aller maintenant, le plus dur est fait.
La voix empreinte de douceur et se soutient d'Élie flotta dans l'air de sa chambre. Était-il au courant de la détresse de sa petite amie ?
- Je le sais mais, devoir parler de lui, de sa dernière soirée c'était trop pour moi.
- Sers-moi dans tes bras.
Un minuscule sourire traversa son visage et elle colla son téléphone contre son cœur.
- Tout ira bien, je te le promets.
Des promesses, des promesses, des promesses...
***
Edgar sortait de son entraînement de foot et n'avait plus qu'une hâte, rentrer chez lui, prendre sa douche et dormir. Il regarda l'écran de son téléphone, hésitant à appeler Romain. Oh, ils se verraient le lendemain en cours et il était si fatigué.
Échec et mat, ton roi tombera seul...
***
La jeune femme se laissa tomber sur son lit. Rien n'avait bougé depuis son interrogatoire. Peut-être n'avait-il finalement pas remarqué son attitude. L'attitude d'une meurtrière par accident.
Mais de quel meurtre ?
***
Le regard d'Arthur se perdit sur l'eau de sa piscine. Depuis la soirée, personne n'avait voulu ne serait-ce que la regarder. Il plongea sa main dans l'eau désormais froide, à quoi bon chauffer si personne n'y allait ?
Le cadavre d'Evan apparut soudainement dans l'eau. Arthur retira précipitamment sa main, attirant en même temps le mort. Nageant vers l'adolescent terrorisé sans faire de vague, Evan le fixait de ses yeux vides, sans âme.
- Il m'a tué, ils m'ont tué.
Arthur recula sur les fesses avant d'heurter un fauteuil.
- Je n'y suis pour rien moi ! hurla le lycéen en tremblant.
- Menteur !
Le cadavre sorti de la piscine, ses vêtements trempés inondant le sol.
- Il m'a tué, ils m'ont tué. Ils m'ont tous tué, répéta inlassablement Evan tout en avançant vers Arthur.
Il leva sa main pâle et l'abattit sur le garçon en face de lui.
Arthur ouvra les yeux en étouffant un hurlement, les mains serrés sur les accoudoirs du fauteuil, son visage horrifié fixé sur la piscine. C'est ici que tout avait commencé.
Mais était-ce bien vrai ?
***
Éric se laissa tomber dans son canapé. Cela faisait des jours qu'il n'avait pas pris une seconde de pause. Il avait beau de jurer d'arrêter d'y penser, son cerveau n'arrivait pas à déconnecter et les deux derniers interrogatoires tournaient en boucle dans sa tête. Pour quelles raisons Romain aurait-il pu tuer Evan ?
Le visage pâle et triste de l'adolescent le fit froncer les sourcils. Jouer la comédie à ce point pouvait être dangereux. Il était dans la liste des suspects, bien sûr, mais loin derrière. À présent tout avait changé.
- Toi, tu penses encore à ton enquête.
La femme d'Éric s'assit à côté de lui sur le canapé et passa sa main sur son épaule.
- Je suis désolé, s'excusa-t-il. Je n'arrive pas à décrocher.
Il embrassa sa femme et pris sa main dans la sienne. Il était tous les jours plus heureux d'avoir une merveilleuse personne à ses côtés pour l'encourager et l'écouter.
- Dis-moi ce que tu en penses, commença le policier.
***
Une voiture entra dans l'allée et une femme élégante descendit. D'un geste répété une centaine de fois, elle ouvrit la porte d'entrée. Il n'y avait aucun bruit, Romain devait pourtant être rentré.
- Romain ?
Myriam monta les escaliers vers la chambre de son beau-fils. Pourquoi ne répondait-il pas ?
Un sourire attendrit apparut sur son visage quand elle le trouva endormis sur son lit. Myriam marcha jusqu'à lui et le secoua par l'épaule. Aucune réaction.
- Romain ?!
Elle secoua violemment l'adolescent qui ne se réveilla pas. Ses mains tremblantes se posèrent sur son cou et un hurlement de terreur traversa ses lèvres.
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